De l’eau chaude à 86 degrés pour enrayer le diabète

17 avril 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 3 min

Et si on remettait les cellules de notre système digestif « à zéro » pour traiter le diabète de type 2? L’idée fait son chemin à Bruxelles, où le Dr Jacques Devière, chef du service de Gastroentérologie de l’hôpital Erasme (ULB), teste ce protocole révolutionnaire sur une série de patients.

L’idée est de détruire les cellules qui tapissent un tronçon du duodénum, la partie du système digestif qui suit l’estomac. Cette portion du système digestif est impliquée dans l’assimilation des nutriments. C’est là aussi que des défaillances peuvent apparaître en ce qui concerne l’assimilation des sucres et la régulation du glucose dans le sang.

« Reset » cellulaire dans le duodénum

« En détruisant les cellules qui tapissent la partie interne du duodénum, nous permettons à de nouvelles cellules de prendre leur place endéans les deux semaines », explique le Dr Devière. Ces nouvelles cellules sont « naïves ». Elles n’ont pas pris les mauvaises habitudes de celles qu’elles remplacent et qui dysfonctionnaient. Résultat, le diabète de type 2 est régulé.

Pour effectuer ce « reset » des cellules  duodénales, le médecin n’utilise pas de médicaments. Encore moins de chirurgie. Il compte sur l’eau chaude pour faire le travail. Les premiers résultats sont prometteurs.

Destruction sélective sur 15 cm d’intestin

En pratique, notre intervention consiste, sous une anesthésie légère, à faire passer un cathéter ainsi qu’un ballon par la bouche du patient et à l’amener dans la zone de l’intestin qui intervient dans la résistance à l’insuline », indique le Dr Devière.

« Une fois ce ballon en place, nous y injectons via le cathéter un peu d’eau chaude. Cela permet de décoller la muqueuse interne du duodénum des couches qui l’enveloppent. Ensuite, nous faisons monter la température de l’eau dans le ballon à 86 degrés. Nous détruisons ainsi sélectivement cette muqueuse sur une quinzaine de centimètres de longueur. Celle-ci va ensuite se régénérer et être remplacée par une nouvelle muqueuse endéans les deux semaines, avec des cellules naïves. »

Pour le patient, la gène est minime. L’injection d’eau chaude via le cathéter isolé et qui n’est pas en contact avec les muqueuses n’affecte pas l’œsophage ni l’estomac. Et au terme de l’intervention, le patient peut rentrer chez lui et vivre normalement. « Nous lui conseillons toutefois de n’absorber que de la nourriture molle pendant un jour ou deux après l’intervention avant de reprendre un alimentation plus habituelle », précise le médecin.

Les effets du traitement mesurés sur une année

L’efficacité de ce traitement « mécanique » est encourageante. L’hôpital Érasme a déjà participé à une première étude internationale concernant cette technique appelée «resurfaçage muqueux du duodénum» chez des patients atteints d’un diabète de type 2 ne nécessitant pas encore de traitement par insuline, mais dont le diabète n’était pas équilibré.

« C’est précisément à ce type de patients que ce traitement s’adresse », précise le Dr Devière. « Et cette étude a déjà montré que sur un suivi de plus d’un an, ce seul traitement permettait de rééquilibrer le diabète de manière significative ». Place désormais à une nouvelle étude, pour laquelle des volontaires sont toujours les bienvenus.

Par ailleurs, l’équipe du service de Gastroentérologie de l’hôpital Erasme tente d’étendre ce traitement mécanique à d’autres problèmes du système digestif. « Il permettrait probablement d’améliorer d’autres pathologies associées au diabète dans le cadre du syndrome métabolique, en particulier, les altérations hépatiques illustrant la présence d’une stéatose hépatique non alcoolique (foie gras) précurseur potentiel d’une cirrhose du foie », conclut le Pr Devière.

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