Mangrove et propagules au Kenya © Farid Dahdouh-Guebas / ULB et VUB

La biodiversité comme indicateur de la santé des mangroves

18 août 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Les mangroves sont des zones précieuses et riches qui se développent le long des côtes tropicales. Elles jouent un rôle vital pour les populations locales. Elles offrent une protection face aux intempéries et constituent une source importante de revenus et de ressources alimentaires. Mais comment apprécier le plus justement possible leur état de santé?

C’est à cet exercice que s’est livré le professeur Farid Dahdouh-Guebas, directeur de l’unité de recherche Écologie des Systèmes et Gestion des Ressources (ULB) et du groupe de recherche Ecology & Biodiversity de la VUB. Il est un des spécialistes mondiaux en ce qui concerne les mangroves. Un biotope qu’il étudie depuis une trentaine d’années, depuis son séjour Erasmus à l’Université de Florence (UNIFI), en 1993, et ses premières missions de terrain dans les mangroves du Kenya.

Seize forêts de mangroves sous la loupe

« Autrefois dominantes dans les tropiques, les forêts de mangroves ont disparu à un rythme alarmant dans le monde entier », constate-t-il avec ses collègues. «  Pour estimer leur état de santé, suivre le phénomène de déforestation est une possibilité. Mais on connaît mal l’impact de la déforestation sur la diversité fonctionnelle et la résilience de la faune des mangroves », indiquent les chercheurs.

En passant en revue la littérature existante concernant la biodiversité des mangroves, ils ont découvert que ces forêts côtières de palétuviers présentaient la plus faible diversité animale de tous les écosystèmes de la planète. Ce qui les rend particulièrement sensibles aux changements climatiques.

L’équipe de scientifiques qui signe cette étude a compilé un ensemble de données sur les crustacés et les mollusques dans seize forêts de mangroves réparties dans le monde. Ils ont classé 209 espèces de crustacés et 155 espèces de mollusques en 64 « entités fonctionnelles », basées sur des combinaisons de trois caractéristiques : les habitudes alimentaires, les traits comportementaux pouvant influencer les caractéristiques de l’écosystème et la position du micro-habitat.

Parmi ces animaux, on retrouve les crabes africains Neosarmatium africanum. À marée haute, ils grimpent sur les racines et les tiges des palétuviers pour rester hors de l’eau. À marée basse, ils contribuent à la fragmentation des feuilles et sont également connus pour leur prédation des propagules de palétuviers. Les propagules sont les excroissances d’un végétal capables de se développer séparément pour donner naissance à un nouvel organisme identique à celui qui l’a formé. On parle de propagule quand il ne s’agit pas de fruits ou d’individus issus de la reproduction sexuée de la plante.

Crabe Neosarmatium africanum © Stefano Cannicci / Université de Hong Kong

Un outil de gestion et de conservation

Selon cette étude, plus de 60 % des sites étudiés ne présentent aucune « redondance fonctionnelle ». C’est-à-dire que la plupart des entités de ces sites ne sont composées que d’une seule espèce, avec des exceptions notables en Amérique du Sud, dans l’est de l’océan Indien et dans l’ouest de l’océan Pacifique. En moyenne, 57 % des entités fonctionnelles sont représentées par une seule espèce, ce qui indique que des pertes locales d’invertébrés, même modestes, pourraient avoir des répercussions négatives importantes sur la résilience des mangroves.

Certains petits champs de mangroves, comme ceux de Hong Kong et du Mozambique, abritent des groupes multifonctionnels d’invertébrés qui peuvent servir de réserves de biodiversité. En revanche, certaines grandes forêts de mangroves, comme celles du Cameroun, sont caractérisées par une faible diversité d’invertébrés fonctionnels.

« Le suivi de la biodiversité est un meilleur outil pour déterminer la résilience des mangroves que l’indicateur habituel lié à la taille de la forêt », indique Farid Dahdouh-Guebas. « Savoir quelles mangroves bénéficient d’une grande biodiversité et lesquelles n’en ont pas, est une information cruciale pour les futurs efforts de conservation », estime-t-il. « Les résultats de notre étude sont donc utiles pour concevoir des plans de gestion et de conservation efficaces.»

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