L’Homme de Néandertal, victime de son sang?

19 août 2021
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Deux découvertes concernant les Néandertaliens apportent de nouveaux éclairages sur la vie et la disparition de nos lointains cousins. Il y a, tout d’abord, la question du sang des Néandertaliens. Une étude génétique sur plusieurs spécimens montre que leur disparition pourrait bien être liée à la faible diversité (génétique) de leurs groupes sanguins. En outre, l’analyse du système rhésus a également permis de déduire un risque de maladie du nouveau-né.

Ensuite, à l’université de Liège, c’est dans un tout autre domaine que les chercheurs lèvent le voile sur le mode de vie des Néandertaliens. Alors qu’on pensait jusqu’alors que l’usage des armes de jet dotées d’une pointe en pierre taillée avait débuté il y a 55.000 ans, l’étude d’un pointe retrouvée récemment en Allemagne permet de faire remonter cette pratique à plus de 65.000 ans.

Le génome fait parler les groupes sanguins

Ce sont des chercheurs français de l’Université d’Aix-Marseille qui sont à l’origine de la première étude. Leur analyse des groupes sanguins de trois Néandertaliennes et d’une Dénisovienne ayant vécu il y a 100.000 à 40.000 ans consolide les hypothèses concernant leur origine africaine, leur dispersion en Eurasie et leur métissage avec les premiers Homo sapiens.

Les chercheurs ont étudié leurs génomes, précédemment séquencés, afin de déterminer leurs groupes sanguins et d’en tirer des conséquences sur l’histoire évolutive humaine. Sur la quarantaine de systèmes qui déterminent les groupes sanguins, les scientifiques se sont concentrés sur les sept généralement considérés pour les transfusions sanguines, dont les plus connus sont les systèmes ABO (déterminant les groupes A, B, AB et O) et rhésus.

Les résultats ont consolidé certaines hypothèses, mais ont aussi livré quelques surprises. Concernant le système ABO, les scientifiques ont confirmé que ces lignées anciennes avaient déjà toute la variabilité connue chez les humains modernes. Et ce, alors qu’on a longtemps cru que les Néandertaliens étaient tous de groupe O, de la même manière que les chimpanzés n’ont que le groupe A et les gorilles le B.

Maladie hémolytique du fœtus

Une analyse étendue aux différents systèmes sanguins a montré des combinaisons cohérentes avec une origine africaine des Néandertaliens et des Dénisoviens.

Un autre lien plus étonnant est apparu : pour l’un des gènes du système rhésus, les Néandertaliens présentent une combinaison unique, jamais rencontrée chez les humains modernes… à part chez un aborigène australien et un indigène papou. Peut-être ces derniers sont-ils des lointains descendants d’un métissage entre Néandertaliens et humains modernes avant la migration de ces derniers vers l’Asie du Sud-Est ?

Enfin, ces analyses apportent un éclairage sur la démographie des Néandertaliens : ils confirment la très faible diversité génétique de cette lignée humaine et pointent la présence possible d’une maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né, notamment en cas de mère néandertalienne portant le fœtus d’un Homo sapiens ou d’un Dénisovien (à cause d’une incompatibilité rhésus, aussi appelée incompatibilité fœto-maternelle).

Ces indices consolident l’hypothèse selon laquelle une faible diversité génétique et un faible succès reproductif ont contribué à la disparition finale des Néandertaliens.

Une pointe de flèche éclaire les pratiques de chasse

Abordons désormais un tout autre point. L’analyse d’une pointe foliacée récemment découverte sur le site classé de Hohle Fels en Allemagne, notamment par les chercheurs du TraceoLab de l’Université de Liège permet de faire remonter de 10.000 ans l’usage par les Néandertaliens d’épieux munis de pointes taillées en pierre.

C’est Veerle Rots, directrice du laboratoire TraceoLab qui a réalisé les analyses microscopiques de la pointe foliacée.

« Les dommages subis par la pointe indiquent que l’artefact était emmanché et utilisé comme un projectile, et que l’épieu était probablement enfoncé dans la proie plutôt que lancé », explique Veerle Rots, maître de recherche FNRS à l’ULiège.

La pointe était probablement emmanchée en utilisant des ligatures et de la colle. Les Néandertaliens utilisaient clairement l’épieu pour chasser. Alors qu’ils réaffûtaient l’outil, celui-ci s’est brisé, ce qui a conduit à son rejet.

« Les Néandertaliens étaient des experts en taille de pierre et savaient exactement comment fabriquer et utiliser des technologies complexes combinant de multiples pièces et matériaux pour produire et entretenir des armes mortelles », précise Veerle Rots, dans un communiqué de l’ULiège.

Cette découverte a donc permis aux équipes de recherche de repousser dans le temps l’apparition de la pointe foliacée et d’identifier son utilisation comme outil de chasse, mais également, de manière plus générale, de contribuer à la compréhension de l’évolution de la pratique de la chasse à l’époque de l’Homme de Néandertal.

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