Reconstitution d'un "vallus" (moissonneuse) gallo-romaine à Malagne
Reconstitution d'un "vallus" (moissonneuse) gallo-romaine à Malagne

Archéologie expérimentale : et si on vivait dans une « villa » ?

15 juillet 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Série (2/5) / Archéo 2014

 

Vivre aujourd’hui comme au temps des Romains et dans un véritable environnement gallo-romain  : c’est possible ! Le site archéologique classé de Malagne, sur les hauteurs de Rochefort, non loin de Jemelle, permet cette expérience. Dans le jargon, on parle tout simplement « d’archéologie expérimentale ».

 

« Dès l’an 50 après J.-C., Malagne abritait une vaste exploitation agricole », explique l’archéologue Françoise Fontaine, directrice des lieux. Ce domaine agricole gallo-romain, cette « villa » comme on la désignait jadis, a été exploité pendant quatre siècles.  Sur le site, on distingue clairement la « pars urbana », la partie habitée du domaine avec l’habitation principale et le jardin privatif, et la « pars rustica », la partie agricole riche de cinq annexes, dont deux ont été reconstituées : une forge et un bâtiment agricole.

 

Des thermes privés jouxtaient l’habitation principale

 

En arpentant les fondations du corps de logis, on découvre l’importance du domaine. Ces fondations s’étendent sur une centaine de mètres de long. Elles donnent un bon aperçu de ce que fut le bâtiment principal mais aussi une idée précise de ce que furent les thermes privés qui le jouxtaient. Deux indices de l’opulence des lieux.

 

Les thermes privés, complétés de latrines, jouxtaient le bâtiment résidentiel principal de la villa. © Malagne
Les thermes privés, complétés de latrines, jouxtaient le bâtiment résidentiel principal de la villa. © Malagne

 

« Les premières fouilles ont été menées ici au 19e siècle par la Société archéologique de Namur », précise Françoise Fontaine. « On peut cependant dire que les vestiges ont été redécouverts par les archéologues de la Région wallonne en 1992. A partir de ce moment-là, des fouilles plus scientifiques et plus modernes ont été entreprises, avant l’ouverture au public en 1996 ».

 

« Bien entendu, l’esprit des fouilles actuelles n’a plus rien à voir avec ce qui se faisait un siècle plus tôt », précise la scientifique. « Jadis, on cherchait à découvrir des objets, à composer des collections. Aujourd’hui, les archéologues veulent surtout comprendre comment on vivait à l’époque. Ils s’intéressent davantage à la chronologie des bâtiments, à leur stratigraphie ».

 

Un jardin « à la romaine »

 

Une des particularités du domaine concerne son jardin gallo-romain. « Ce sont les Romains qui ont inventé le jardin d’agrément », précise Françoise Fontaine. « Nous avons tenté d’en recréer un, en dehors de la partie classée du site ».

 

Ecoutez Françoise Fontaine détailler le contenu du jardin romain à Malagne

« L’agencement géographique du potager suit les indications de textes de l’époque, notamment en ce qui concerne les dimensions des parcelles et la largeur des planches les séparant », explique Raphaël Nys, archéologue à Malagne. « Par contre, nous avons pris plus de liberté en ce qui concerne le jardin. »

 

« Ici la forme géographique que nous avons donnée à ce parterre relève d’une interprétation plus personnelle de ce que cela aurait pu être. Nous avons opté pour un dessin en forme de mosaïque, histoire de rappeler un autre art très en vogue à cette époque. Mais rien n’indique que les jardins d’antan étaient effectivement dessinés de la sorte ».

 

Expérimenter pour mieux comprendre le passé

 

Cette initiative s’inscrit dans une logique d’archéologie expérimentale. « Dans cette démarche, on teste d’anciennes techniques afin de mieux les comprendre », reprend la directrice des lieux. « On teste des interprétations et des hypothèses émises quant au fonctionnement d’un outil ou de techniques de fabrication des objets ou des bâtiments anciens selon un protocole précis. »

 

A Malagne, la reconstitution de certains bâtiments de la villa en est un bel exemple. Le jardin romain en est un autre. La reconstitution fonctionnelle d’un « vallus » gallo-romain, la première moissonneuse qui ait pu exister dans nos contrées, en est une troisième.

 

« Il s’agit d’une machine qui sert à récolter les céréales, notamment l’épeautre, car il faut des épis relativement cassant pour qu’ils puissent tomber dans la caisse du véhicule », précise l’archéologue Raphaël Nys.

 

La moissonneuse à épeautre a fait ses preuves

 

« La reconstitution a été réalisée avec l’aide de chercheurs de l’Université Libre de Bruxelles. Un point délicat concernait l’utilisation du jouguet (le petit joug) », explique Françoise Fontaine. « Celui que nous avons utilisé avait été copié d’une pièce originale retrouvée dans un puits, en Allemagne. Les travaux menés à Malagne ont débouché sur l’élaboration d’un prototype qui a fait ses preuves. L’outil a été tracté par un âne. Son efficacité a pu être démontrée . C’est une de nos grandes réussites », conclut-elle.

 

 

Le week-end du 21 juillet à Malagne sera placé cette année sous le signe de l’archéologie expérimentale… équine. Les chevaux « romains » et les chevaux « gaulois » seront au rendez-vous pour quelques démonstrations.

 

Les métiers de l’archéologie

 

Une exposition photographique itinérante organisée dans le cadre d’Archeo2014 et consacrée aux métiers de l’archéologie fait halte jusqu’à la fin du mois à Malagne avant d’être transférée au mois d’août à Bruxelles à l’Institut Royal des Sciences naturelles de Bruxelles. Un Institut fédéral dont plusieurs spécialistes (géologues, palynologues, archéobotanistes, archéozoologues, ichtyologues,…) apportent régulièrement leur expérience et leur éclairage lors de fouilles et illustrent plusieurs de ces métiers de l’archéologie.

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