Os humains fragmentaires provenant des grottes de Goyet, datant entre 27 000 et 35 000 ans, et porteurs des haplogroupes M ou N. © Eric Dewamme / IRSNB
Os humains fragmentaires provenant des grottes de Goyet, datant entre 27 000 et 35 000 ans, et porteurs des haplogroupes M ou N. © Eric Dewamme / IRSNB

Goyet a été une grotte très cosmopolite au fil des millénaires

5 février 2016
Par Christian Du Brulle

Durée de lecture : 3 min

PODCAST

 

On s’est bousculé à Goyet ! Cette grotte de la vallée du Samson (un affluent de la Meuse, en province de Namur) a abrité à diverses époques des Néandertaliens et des Hommes modernes. Mais tous n’avaient pas la même origine. Certains sont arrivés directement d’Afrique, d’autres ont transité par l’Asie.

 

C’est ce qu’indique notamment le réexamen de certains fossiles découverts sur place dans les années 1860. Conservés à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, ils viennent de faire l’objet d’un réexamen dans le cadre d’une étude internationale. Cette fois, c’est la génétique qui apporte un nouvel éclairage sur les locataires de la cavité mosane.

 

L’ADN mitochondrial précise l’origine des occupants

 

Le Dr Patrick Semal, paléoanthropologue à l’IRSNB, et sa collègue paléontologue Mietje Germonpré, viennent de participer à une vaste étude internationale portant sur quelques dizaines de fossiles humains, dont huit proviennent de Goyet.

 

Cette équipe internationale a analysé l’ADN de 35 chasseurs-cueilleurs datés de 35 000 à 7 000 ans qui vivaient en Italie, Allemagne, France, République Tchèque, Roumanie et Belgique. Cela leur a permis de mieux comprendre comment la population européenne a évolué durant la dernière glaciation. Les restes des huit individus provenant des grottes de Goyet, datent de 35 000 à 15 000 ans.

 

Ecoutez le Dr Semal détailler les résultats de ces travaux et leurs révélations

Les scientifiques de l’Institut Max Planck de Jena et de l’Université de Tübingen en Allemagne ont étudié l’ADN mitochondrial (ADNmt) de 35 individus préhistoriques. Ils ont aussi pris en compte dans leurs analyses 20 autres génomes mitochondriaux déjà connus.

 

L’ADNmt, qui n’est transmis que par la mère, est le matériel génétique renfermé dans les mitochondries, les « usines énergétiques » de nos cellules. Certains résultats se sont révélés surprenants : deux individus de Goyet (respectivement vieux de 35 000 et 34 000 ans) et un individu de la grotte française de La Rochette (28 000 ans) appartiennent à un type d’ADNmt appelé haplogroupe M.

 

Or, celui-ci est aujourd’hui totalement absent dans la population européenne, mais est très fréquent chez les Asiatiques, Australiens et Amérindiens actuels.

 

Une population qui fluctue en nombre au fil des glaciations

 

En analysant le taux de mutation (la vitesse à laquelle l’ADN accumule des mutations au fil du temps) de l’ADNmt des haplogroupes M et N, les scientifiques ont également déduit que la migration de l’Afrique vers l’Eurasie a eu lieu il y a 50 000 à 60 000 ans.

 

Les analyses génétiques donnent également un aperçu des changements au sein de la population européenne. Lors du dernier Maximum Glaciaire (période la plus froide de la dernière glaciation), il y a 25 000 à 19 500 ans, les chasseurs-cueilleurs ont migré dans le sud de l’Europe.

 

La taille de leur population s’est alors fortement réduite. C’est probablement à cette époque que l’haplogroupe M a disparu. Quand, plus tard, le climat s’est réchauffé et la glace retirée, la population – désormais dépourvue de l’haplogroupe M – s’est redéployée à travers l’Europe. Dans le podcast ci-dessus, le Dr Semal explique plus en détails ces analyses qui montrent que les hommes modernes qui ont vécu à Goyet sont, à une époque, venus directement d’Afrique tandis qu’à une autre, ils sont arrivés après avoir transité par l’Asie.

 

Avec une précision de plus en ce qui concerne la grotte de Goyet. « Elle est la seule en Europe à avoir livré des fossiles humains appartenant aux différentes populations du peuplement européen », indique Patrick Semal.

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