Scène du jeu "Nowaterra".
Scène du jeu "Nowaterra".

Apprendre l’écologie en jouant «sérieusement»

6 avril 2016
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

« Yummy Bunny » fait des bonds en bordure de Meuse. Ce « lapin délicieux » n’est autre qu’un jeu sérieux développé à l’Unité de Méthodologie et de Didactique de la Biologie (UMDB) de l’Université de Namur. Un projet porté par le biologiste et docteur en écologie Arnaud Vervoort.

 

« Tant au niveau universitaire qu’en ce qui concerne l’enseignement secondaire, les jeux sérieux ont une place à occuper dans l’arsenal pédagogique », lance d’emblée le chercheur.

 

Le Dr Vervoort donne notamment cours de didactique à l’UNamur. Il est aussi en charge de la formation des futurs professeurs de biologie (agréation).

 

« Dans le cadre de mes recherches, je m’intéresse aux obstacles à l’apprentissage que peuvent rencontrer les étudiants. J’essaie d’y apporter une réponse. La techno-pédagogie est une des pistes que nous exploitons. Yummy Bunny en est un exemple ».

 

Une simulation qui fait aimer les équations

 

Cette simulation est actuellement proposée aux étudiants de BAC 2 en biologie et en géologie. Il s’agit d’un jeu simulant un écosystème complexe où l’objectif est de permettre aux utilisateurs de découvrir par eux-mêmes les notions de compétitions entre espèces, de prédation, etc.

 

Application Androïd de "Yummy Bunny" (UNamur).
Application Androïd de « Yummy Bunny » (UNamur).

« Mais aussi toutes les équations qui sous-tendent ces relations complexes », souligne le Dr Vervoort. « Dans un cursus universitaire, c’est indispensable. De prime abord, cela peut sembler indigeste. L’application permet de jouer avec différents paramètres de ces équations. En les modifiant, les étudiants vont avoir un impact sur la dynamique des diverses espèces. Cela rend l’aspect mathématique plus intéressant ».

 

A terme, l’idée avec Yummy Bunny est d’amener les étudiants à maîtriser tous les paramètres d’un écosystème et de travailler la démarche expérimentale, la démarche scientifique. « C’est à dire poser une hypothèse, mettre en place une expérience, vérifier si leur hypothèse était la bonne », précise le Dr Vervoort.

 

Nowatera: sensibiliser à la biodiversité dès l’école secondaire

 

Avec ses « lapins délicieux », l’ Unité de Méthodologie et de Didactique de la Biologie (UMDB) de l’UNamur favorise l’auto-apprentissage de notions complexes à travers un scénario pédagogique et interactif, qui permet aussi aux enseignants de suivre les progrès de leurs étudiants.

 

jeu nowaterra

 

Une démarche qui ne demandait qu’à être transposée à une population plus jeune: celle des écoles secondaires. L’association Natagora s’en est saisie. Elle a, à son tour, développé un jeu sérieux: Nowatera. Il s’agit d’un jeu de sensibilisation aux questions de biodiversité. Et l’association a pu compter sur l’expertise du Dr Vervoort.

 

« C’était pour nous l’opportunité de développer une application de grande envergure, en lien avec l’enseignement secondaire et valorisable dans un cadre de recherche: étudier l’impact de ces jeux sérieux sur des élèves de 12 à 18 ans », précise le didacticien namurois.

 

Utiliser l’addiction aux écrans des jeunes pour mieux les former

 

Les élèves ont une relation particulière à l’ordinateur. Nous essayons de tirer parti des formes d’addiction qu’ils peuvent avoir pour des écrans connectés pour développer des apprentissages.

 

Des experts, comme ici une botaniste, apportent des informations aux joueurs.
Des experts, comme ici une botaniste, apportent des informations aux joueurs.

Avec Nowaterra, ils ont une mission à remplir. Et pour la remplir, ils doivent utiliser du contenu scientifique: une base de données qui reprend des notions telles celles des populations envahissantes, de la pollution d’un site voisin, la coupe des mangroves…

 

Ils vont aussi devoir lire des fiches éducatives pour pouvoir apporter la réponse la plus adéquate possible aux problèmes qu’ils rencontrent. Au terme du scénario, quatre indicateurs leur donnent une appréciation de leur travail.

 

« Et cela marche », constate le Dr Vervoort. « Nos premiers tests montrent que lorsque les élèves sont dans le rouge, ils recommencent le scénario immédiatement, afin d’identifier leurs erreurs, les corriger et ainsi maximiser leur écosystème. Bref, ils se prennent au jeu ».

 

Le « serious gaming » est-il dès lors la panacée, « la » solution pour un enseignement 2.0, voire 3 ou 4.0?

 

« C’est une des tendances actuelles », constate le Dr Vervoort. « Les élèves d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Ils sont nés dans une société technologique. Ils sont inondés d’informations. L’enseignant qui avait le statut de puits de savoir et qui le distribuait a vieilli. S’il veut réussir sa mission, il doit diversifier les manières d’enseigner. Le jeu sérieux est une des pistes à sa disposition ».

 

« Mais elle ne doit pas être la seule. C’est la diversité des méthodes qui va nous permettre d’atteindre nos objectifs éducatifs », conclut-il.

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