Les nouvelles technologies bouleversent la galaxie culturelle

5 janvier 2017
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
 «Institutions culturelles et nouvelles technologies» par Serge Martin. Collection L’Académie en poche - VP 7 €, VN 3,99 €
«Institutions culturelles et nouvelles technologies» par Michel Hambersin. Collection L’Académie en poche – VP 7 €, VN 3,99 €

Critique musical sous le pseudonyme de Serge Martin, le professeur de finance à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) Michel Hambersin analyse finement l’influence du Net, de l’électronique dans «Institutions culturelles et nouvelles technologies» de la collection L’Académie en poche , VP 7 euros, VN 3,99 euros).

«Les technologies ne résoudront pas les problèmes profonds», estime le mélomane qui consacre ses recherches à l’économie de la culture. «Elles ne rendront pas en soi la culture rentable. Mais induiront une meilleure utilité, au sens économique du terme, de l’argent investi. L’étape ultime de la distribution des livres, revues, magazines, journaux, CD, DVD sera celle de leur dématérialisation

Le streaming modifie la donne

Le streaming, l’écoute ou la vision en continu sans téléchargement, sur ordinateur, tablette, smartphone, marque un tournant important. En Belgique, ce processus, lancé en 2008 par la firme suédoise Spotify, représente quelque 16% des revenus de l’industrie du disque. Aux États-Unis, cette diffusion dépasse celle de la vente de CD. L’influence du streaming est moins grande pour la musique classique qui attire souvent des personnes plus âgées.

«Au lieu d’adhérer pleinement et massivement au nouveau modèle de distribution payant, hautement plus rémunérateur et nettement moins cher pour l’utilisateur, les grands éditeurs se sont lancés dans une lutte contre le piratage, tout en restant fidèles à leurs réseaux de distribution obsolètes et dispendieux», observe le membre de la Classe technologie et société de l’Académie royale de Belgique. «Les éditeurs de CD se sont tiré une balle dans le pied. Et se retrouvent coincés dans une situation de non-retour, dont ils ne sortiront qu’en favorisant d’autres types de distribution comme le streaming

Cette diffusion en continu s’est généralisée pour les films, les séries télévisées. Dans le domaine du livre et de la presse écrite, la dématérialisation est lente…

«Les nouveaux modes de distribution conviennent idéalement aux plus jeunes utilisateurs. Une personne de moins de 35 ans n’achète plus que rarement un journal, mais en consulte parfois plusieurs sur le Net. Le retard mis à recourir à des modes de distribution payants, mais moins chers, a causé un préjudice grave aux éditeurs, cette frange de la population ayant pris l’habitude de consulter une information gratuitement. Il ne sera dès lors pas si simple de la faire revenir à un mode de consultation payant. La jeune génération est par contre devenue une adepte fervente du livre dématérialisé

L’opéra va au cinéma

Avec la diffusion en continu, la consultation des spectacles est ventilée selon les attentes des consommateurs. À Bruxelles, le théâtre royal de la Monnaie (www.lamonnaie.be/fr) développe depuis 2011 une politique de captation et streaming de ses productions qui sont systématiquement visibles pendant 3 semaines. Avec le Cloud, l’informatique en nuage, les spectacles sont stockés à distance. Les utilisateurs les repêchent à tout moment. Ils obtiennent en prime des informations, des interviews, des visites de coulisses pendant les entractes.

«La captation bénéficie de conditions visuelles et auditives exceptionnelles, souvent bien supérieures à l’offre standard des télévisions. L’avantage additionnel est de disposer d’un environnement géographique et technique quasi illimité dans ses fonctionnalités potentielles. Le spectacle peut, en effet jouir d’une diffusion mondiale autonome via la location de temps de transmission sur des satellites. Le producteur du spectacle n’a pas besoin d’une infrastructure propre.»

«On vit la même expérience du spectacle diffusé que le spectateur dans la salle. C’est toute l’adrénaline d’un moment d’exception qui est transmise vers les spectateurs. Celui qui n’a pas vu un chanteur s’exprimer en gros plan ne peut avoir la moindre idée de l’engagement physique et mental hallucinant de l’interprète dans le feu de l’action.»

Les nouvelles technologies renouvellent le public. À New York, Le Metropolitan Opera diffuse des spectacles sous-titrés vers 2.000 salles de cinéma de 70 pays. Le total annuel des spectateurs atteint 2,5 millions. Soit 4 fois le nombre de places vendues en un an dans le théâtre. Ces spectacles sont aussi distribués sous forme de DVD, de diffusions gratuites dans les écoles, bibliothèques et universités.

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