Les modèles mathématiques réchauffent le climat et échauffent les bourses

17 août 2017
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
Jean Mawhin «Les modèles mathématiques sont-ils des modèles à suivre?» par Jean Mawhin. Collection l’Académie en poche - VP 7 euros, VN 3,99 euros
Jean Mawhin «Les modèles mathématiques sont-ils des modèles à suivre?» par Jean Mawhin. Collection l’Académie en poche –
VP 7 euros, VN 3,99 euros

Des modèles mathématiques nous prédisent un avenir problématique si nous boudons leurs recommandations. Le mathématicien Jean Mawhin démythifie ces outils dans «Les modèles mathématiques sont-ils des modèles à suivre?» de la collection l’Académie en poche. Le membre de l’Académie royale de Belgique se sert de l’Histoire et d’exemples pour montrer leur utilité ainsi que le danger d’en abuser. Ce livre est la version développée d’exposés présentés au Forum de l’Institut régional du travail social de Lorraine, au Collège Belgique et à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

Une science moins dogmatique

Le professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain (UCL) annonce la couleur: «Dans cet ouvrage, les théories mathématisées seront toujours considérées comme des modèles mathématiques. Nous n’obligeons personne à nous suivre dans cette voie. Mais elle a le mérite de rendre les savants plus modestes. Et la science moins dogmatique. Ce texte n’est pas un modèle à suivre. Il n’est qu’une invitation à réfléchir.»

Un modèle, c’est un idéal à imiter. Mais en sciences, c’est le modèle qui cherche à imiter une réalité complexe. Selon le mathématicien français Pierre-Louis Lion, médaille Fields en 1994, le but est de construire de meilleurs modèles. Pour le professeur au Collège de France, membre associé de la Classe des sciences de l’Académie royale de Belgique, l’expression mathématique des lois de Newton n’est qu’un modèle. Un excellent modèle qui, en pratique, est soit faux, soit inutilisable. Il faut se souvenir qu’à l’époque de Newton, au 18e siècle, l’univers des astronomes ne dépassait pas le système solaire.

Aucune modélisation mathématique ne contient la vérité

Aujourd’hui, les modèles mathématiques les plus médiatisés sont liés à l’évolution du climat et aux spéculations financières.

«La modélisation du climat est une activité scientifique aussi difficile que nécessaire, indispensable même. Mais, face aux pressions politiques, économiques, médiatiques et idéologiques, elle doit se faire avec l’indépendance d’esprit, la scrupuleuse honnêteté et la modestie qui doivent rester le credo du chercheur. Une modélisation mathématique doit contenir une part de vérité dans ses prédictions ou disparaître. Mais aucune modélisation mathématique ne contient la vérité. Aucun modèle ne nous donne malheureusement l’évolution de la température moyenne de la Terre sur les 100 prochaines années

«Si cette évolution va dans un sens ayant des effets négatifs sur la population humaine ou animale, elle constitue cependant un signal dont il serait irresponsable de ne pas tenir compte.»

L’utilisation abusive par des financiers

En économie, la modélisation mathématique s’est d’abord inspirée de modèles physiques. Tout en restant moins performante. La variable humaine intervient. Et de nombreux modèles économiques s’appuient sur l’hypothèse que le comportement de l’homme est rationnel.

«En remplaçant les lois de la physique ou de la chimie par les lois du marché, on devrait arriver à des modèles mathématiques capables de prédire la possibilité d’une importante crise boursière. La situation est nettement plus complexe, car les lois du marché, tout comme celles de la jungle, n’ont de lois que le nom. Et le comportement des agents en bourse ne peut pas toujours être qualifié de rationnel

En 1995, les chercheurs français Jean-François Boulier, pilier de l’Association française de la gestion financière, et Christian Gouriéroux, spécialiste de la surveillance des risques, expriment avec enthousiasme leur confiance dans la formule du mathématicien Fischer Black et de l’économiste Myron Scholes, les travaux de l’économiste Robert Merton et les instruments financiers dérivés. Treize ans plus tard, les grandes institutions financières étatsuniennes s’effondrent. Avec des conséquences désastreuses sur les autres banques.

«Pour certains, les modèles mathématiques sont responsables de cette catastrophe», conclut Jean Mawhin. «Il est plus facile d’accuser un modèle que son utilisation abusive par des financiers aveuglés par leur cupidité et leur incompétence. Les auteurs des modèles connaissaient les limitations de leur produit et ont alerté les autorités. Encore eût-il fallu qu’on les écoute en haut lieu.»

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