Des scientifiques lancent l’alerte : il est urgent de préserver la diversité génétique

23 mars 2020
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Des scientifiques de plusieurs universités et instituts de recherche autour du globe, dont le Laboratoire de Biologie évolutive et d’Écologie (EBE) de la Faculté des Sciences de l’ULB, alertent : la nouvelle mouture du « cadre mondial pour la biodiversité après 2020 » néglige la diversité génétique. Or, celle-ci est l’élément de base de l’évolution et de toute la diversité biologique.

La diversité génétique négligée

En janvier, le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (CBD) a publié la première version de son « cadre mondial pour la biodiversité après 2020« . Ce document a pour but de guider les actions des pays en matière de conservation de la biodiversité et d’évaluation de leurs progrès.

Il énonce cinq objectifs : protéger les écosystèmes, les espèces et les gènes, faire progresser le développement durable et assurer un partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de la biodiversité et des connaissances traditionnelles. Le maintien de la diversité génétique y est donc inclus.

Cependant, les chercheurs lanceurs d’alerte soulignent que les indicateurs de progrès considèrent surtout les espèces domestiquées, cultivées et les espèces sauvages apparentées aux espèces utiles.

Préserver de la diversité de l’entièreté des espèces terrestres

« Nous recommandons que ce document cadre post-2020 engage explicitement les signataires au maintien de la diversité génétique de toutes les espèces. Donc pas seulement au maintien de la diversité génétique des espèces considérées comme « utiles » », explique Myriam Heuertz, collaboratrice scientifique de l’ULB, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

Et d’ajouter, « nous souhaitons également la mention d’un engagement explicite de la mise en œuvre de stratégies afin de stopper l’érosion génétique et de préserver le potentiel d’adaptation des populations des espèces sauvages et domestiquées. »

Les scientifiques proposent également des indicateurs améliorés pour le suivi de la diversité génétique des espèces. Ils sont basés sur la taille génétiquement efficace des populations et sur le risque de perte de populations génétiquement différenciées.

Vers des conséquences sociétales et économiques dramatiques

Des centaines d’études montrent que la diversité génétique s’érode au sein des espèces domestiquées et sauvages. Surtout depuis la révolution industrielle.

Les scientifiques s’accordent sur le rôle crucial de la diversité génétique au sein des espèces pour le maintien des fonctions et des services des écosystèmes, ainsi que pour le soutien et le maintien de la diversité des espèces et leur adaptation.

« L’utilisation excessive de réservoirs génétiques étroits dans l’agriculture, la sylviculture et la pêche peut aboutir à des pertes catastrophiques pour les sociétés et les économies », explique Myriam Heuertz.

La chercheuse cite l’exemple de la production de « Gros Michel », une variété de bananes originaire de l’Asie du Sud-Est qui s’est effondrée dans les années 1950. Mais aussi des bananiers « Cavendish », actuellement menacés par des champignons causant la Maladie de Panama.

La forêt gabonaise est l’un des terrains d’étude du Laboratoire de Biologie évolutive et d’Écologie de l’ULB. L’étude de la diversité génétique des espèces d’arbres permet d’améliorer la gestion de l’exploitation forestière © Olivier Hardy / ULB

Changer les normes industrielles pour permettre aux espèces de se régénérer

À l’ULB, le Laboratoire de Biologie évolutive et d’Écologie (EBE) étudie la diversité génétique au sein des espèces d’arbres tropicaux d’Afrique, afin de mieux comprendre l’histoire de la végétation tropicale.

« Cette démarche permet d’informer les exploitants et gestionnaires des forêts afin de minimiser les risques d’érosion génétique liés aux pratiques de gestion, explique Olivier Hardy, chercheur et chef d’équipe à l’EBE.

Et de préciser, « par exemple, les analyses génétiques montrent que les arbres de certaines espèces d’arbres ne se reproduisent efficacement que lorsqu’ils ont atteint un diamètre supérieur à 90 cm. Or, ils sont exploités par l’industrie du bois à des diamètres inférieurs, ce qui compromet leur régénération naturelle. »

«  Pour ces espèces, il faudrait relever le diamètre minimal d’exploitation ou définir des densités minimales de grands arbres à conserver après exploitation ».

Améliorer la gestion de l’exploitation forestière face au changement climatique

Les données génétiques sur les arbres africains ont également révélé que près d’un tiers des espèces décrites par les taxonomistes sont en réalité composées de plusieurs espèces très semblables. Celles-ci peuvent différer quant à leur distribution géographique, leur abondance, leur écologie, ou encore les propriétés des produits qu’on en tire (bois, nourriture, substances médicinales …).

Leur gestion et leur conservation nécessitent donc de reconnaître ces différences génétiques.

Des recherches menées à l’EBE visent à prédire quelles espèces ont le plus de chance d’être adaptées au climat futur. Et à conseiller de futurs programmes de plantation.

 

 

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