Marsouin commun © Ecomare/Salko de Wolf Den Hoorn Texel — Ecomare, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=53968061

La vie marine s’adapterait-elle peu à peu aux éoliennes offshore ?

25 février 2022
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min

En mer du Nord, la vie dans et autour des parcs éoliens n’a pas encore atteint la stabilité, 13 ans après leur construction. Les récifs continuent à se développer accueillant moules, crabes et poissons. Les marsouins tendent à s’accommoder de la présence de ces géantes que sont les éoliennes, surtout grâce à des améliorations techniques qui atténuent les nuisances sonores. Les mouvements des oiseaux montrent une variabilité plus importante dans l’espace et dans le temps que constaté précédemment. C’est ce qui ressort du rapport annuel de WinMon.BE, dont les scientifiques sont chargés de surveiller l’impact environnemental des parcs éoliens offshore dans la partie belge de la mer du Nord.

De plus en plus d’éoliennes au large

Actuellement, 10 % de la demande totale d’électricité en Belgique est produite par des parcs éoliens offshore. Cette production est réalisée par un total de 399 turbines dans huit parcs éoliens installés dans la zone économique exclusive belge, regroupés dans une zone de 238 km² le long de la frontière avec les Pays-Bas. « Après 12 ans de construction, cette zone est pleinement opérationnelle depuis fin 2020 et représente une capacité installée de 2,26 gigawatts (GW) et une production moyenne de 8 TWh. »

Evolution du nombre d’éoliennes offshore en mer du Nord belge, entre 2008 et 2020 © WinMon.BE – Cliquer pou agrandir

Et cela va aller crescendo. En octobre 2021, le Conseil des ministres a donné son feu vert à un triplement, à terme, de la capacité de production d’énergie éolienne en mer du Nord. Pour ce faire, de nombreuses éoliennes seront implantées dans un deuxième secteur dédié aux énergies renouvelables, d’une superficie de 285 km², appelé zone Princesse Elisabeth, où la production passera des 2 Gigawatts initialement prévus à 3,5 GW.

La production d’énergie éolienne en mer devrait finalement atteindre 5,8 GW en 2030. Il est donc capital d’étudier l’impact de cette activité sur la vie marine, et d’en réduire les effets négatifs.

Parcs éoliens offshore en mer du Nord belge : en bleu, parcs opérationnels; en pointillés rouges, parcs à venir © WinMon.BE – Cliquer pou agrandir

D’accueillants récifs en formation

Dès l’installation des parcs éoliens, leur colonisation par les organismes marins a été surveillée. Au départ, la colonisation par les invertébrés et les poissons qui préfèrent les substrats durs était principalement visible à proximité immédiate des éoliennes individuelles.

Une dizaine d’années plus tard, ces effets locaux s’étendent aux sédiments mous situés entre les éoliennes. « Des récifs artificiels se forment et un plus grand nombre d’espèces épibenthiques (organismes vivant à la surface des fonds marins) et de poissons associés aux substrats durs vivent désormais sur les sédiments mous. Les espèces concernées sont la moule commune (Mytilus edulis), les anémones, l’astérie (Asterias rubens), le petit oursin vert (Psammechinus miliaris), le crabe poilu rouge (Pilumnus hirtellus) et le bar commun (Dicentrarchus labrax). On constate en outre que leurs densités et leurs biomasses globales sont nettement plus élevées à l’intérieur des parcs éoliens offshore » pointent les scientifiques.

De quoi nourrir les poissons benthopélagiques comme le tacaud (Trisopterus luscus) et la morue de l’Atlantique (Gadus morhua), qui s’attardent dans ces récifs artificiels en développement.

Les marsouins se rapprochent …

Lorsque les vagues, la houle, les courants viennent s’éclater sur les pieux des éoliennes, cela provoque une pollution sonore considérable. Si bien que dès l’installation des premières éoliennes, en 2008, les marsouins communs (Phocoena phocoena), cétacés bien établis dans la partie belge de la mer du Nord, ont pris leurs nageoires à leur cou.

Sans atténuation du bruit, en 2016, il a été constaté que les marsouins ne s’approchaient pas à plus de 15-20 km des pieux. En 2019, des rideaux à double bulle ont été installés autour des pieux pour diminuer cette pollution sonore et espérer le retour de ces cétacés sensibles aux niveaux sonores excessifs. Depuis lors, les scientifiques constatent qu’ils se rapprochent, pour se tenir dans un rayon de 10 km autour de la zone de battage des pieux par la mer.

… et certains oiseaux aussi

Le déplacement des oiseaux marins causé par les parcs éoliens offshore (lesquels génèrent une perturbation visuelle, mais également des zones de repos et d’alimentation) s’avère être un processus complexe. « Leur variation spatiale peut résulter de la taille et de la configuration du parc éolien, ainsi que de son emplacement par rapport aux colonies d’oiseaux et aux zones d’alimentation privilégiées. »

Quant à la variation temporelle, elle dépendrait notamment du cycle de vie de l’espèce. Cela a été révélé en plaçant des puces GPS sur des goélands (Larus fuscus). « Nous avons constaté que les individus adultes, provenant de colonies de reproduction proches, n’étaient pas attirés par le parc éolien Norther. Au contraire, des congénères immatures étaient attirés par le parc Belwind, situé plus au large. »

« À plus long terme, il se peut que certains oiseaux de mer s’habituent à la présence d’éoliennes offshore. Cela pourrait être le cas pour le fou de Bassan (Morus bassanus), le guillemot de Troïl (Uria aalge) et le pingouin torda (Alca torda), qui semblaient éviter les parcs éoliens dans le passé mais, qui étaient présents en bon nombre lors de la dernière étude de suivi. Cela pourrait s’expliquer par l’absence de pêche industrielle dans les parcs éoliens belges. »

« Les prochains sondages devraient confirmer si ces premiers résultats sont anecdotiques, ou si, au contraire, ils s’inscrivent dans une tendance d’accoutumance réelle de certaines espèces d’oiseaux à la présence de parcs éoliens offshore. »

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