© Myriam Rispens

Bruxelles a trop perdu ses eaux

25 septembre 2018
par Clara Bellamy
Durée de lecture : 4 min

« Nos villes et nos paysages devront subir des transformations pour être en mesure de faire face aux fluctuations extrêmes de précipitations et de température liées aux changements climatiques ». Joachim Declerck, commissaire de l’exposition « Rising Waters-Shaping our Gardens, Streets and Urban Valleys », qui vient de s’ouvrir à Bozar, est catégorique. « Il faut repenser le paysage urbain ».

Pour sa seconde édition, la Brussels Urban Landscape Biennial (BULB) met l’accent sur la problématique de l’eau dans un monde en pleine mutation climatique. La capitale belge, construite sur des vallées de ruisseaux et le marais de la Senne, n’échappe pas à cette préoccupation.

L’architecture paysagère à la rescousse

Cette ville née en bordure d’un marais, a été recouverte uniformément de béton au cours des dernières décennies. Ce faisant, la ville s’est développée en tenant peu compte du devenir de l’eau. Qui dit béton dit imperméabilité. Les eaux de pluie et de ruissellement n’enrichissent plus les nappes phréatiques en s’infiltrant dans le sol. Elles ruissellent à grande vitesse vers les égouts pour aboutir directement dans les rivières provoquant inondations et pollution.

Il est nécessaire de réintégrer l’eau dans la ville. L’architecture paysagère peut apporter ses solutions.

Le paysagisme est une nouvelle approche d’urbanisme transdisciplinaire replaçant le citoyen dans une démarche collective et fédérant ceux-ci dans une vision commune et cohérente.

Un incubateur à idées

Les solutions actuelles ont montré leurs limites. D’autres doivent être trouvées afin de contrer les problèmes présents et à venir. C’est ce que propose la biennale, cette chambre d’incubation où architectes, chercheurs, pouvoirs publics réfléchissent à un nouvel avenir urbain où l’eau serait au centre des préoccupations.

« Il est essentiel de partir de l’individu pour élargir vers la citée entière », estime le commissaire de l’exposition. « Transformer les ilots de jardins privatifs en espaces collectifs, modifier la voirie afin d’installer des zones dans lesquelles l’eau pourra s’infiltrer en privilégiant une mobilité partagée afin de libérer de l’espace, les parcs doivent retrouver leur rôle d’éponge… L’eau ne s’arrête pas aux frontières régionales. Une généralisation d’une meilleure gestion de celle-ci profitera à tous ».

Privilégier l’approche systémique 

L’exposition ne propose pas un « best of » de projets existants sur la ville et l’eau. Il s’agit plutôt d’un agenda futur. Quatre bureaux de paysagisme bruxellois exposent leurs visions et propositions pour préparer quartiers, rues et vallées aux changements climatiques.

La pluie tombe sur la ville, chaque centimètre carré est un catalyseur potentiel. Chaque utilisateur de l’espace urbain est un acteur potentiel. Latitude Plateform éveille l’imaginaire en présentant des pratiques, des objets pour arrêter, retenir et traiter l’eau. De nouvelles coalitions ou des arrangements socio-écologiques complexes d’éléments mouillés de la ville surgiraient dans un mouvement collectif pour l’eau. Every space counts est un projet de Latitude Platform basée sur les recherches du Dr Marco Ranzato, postdoctorant à la Faculté d’Architecture La Cambre Horta (ULB) financées par Innoviris.

La gestion alternative des eaux de pluie est au centre du projet de JNC International. S’y rajoute la restitution de l’accès à l’eau dans l’espace public en y faisant resurgir l’eau claire du fond de la vallée. Et une maximisation du potentiel écologique de l’espace public par un maillage vert et bleu. Il faut penser globalement et agir localement afin de réconcilier l’homme avec son environnement.

Un urbanisme entre terre et ciel

Bas Smets ( Bureau Bas Smets) et ses collaborateurs prônent un urbanisme biosphérique, un urbanisme qui prendrait en compte les réalités géologiques et les effets météorologiques. « A l’image d’une plante qui s’enracine dans le sol pour mieux capter l’énergie solaire, l’Homme devrait être capable de s’installer intelligemment dans le sous-sol de son territoire pour mieux profiter des éléments météorologiques (soleil, pluie et vent) » conseille Bas Smets. Un changement radical, qui prendra…100 ans.

Afin de pouvoir agir et préparer l’horizon 2100 en termes de pluviométrie, Taktyk formule des stratégies d’actions qui priorisent l’action sur des paysages latents : infrastructures ferroviaires et zoning industriels ; qui revendiquent l’adaptation de paysages « figés » : parcs classés

L’exposition casse les codes. Aborder la question de l’eau en ville à travers des œuvres d’art, des vidéos, des installations, des cartes, des documents officiels. Plus qu’une rétrospective, « Rising Waters » est une vision sur l’avenir et pousse à l’action sur le long terme.

« Paysages Citoyens à Bruxelles » par Christophe et Jacques Mercier. Editions Racine. VP €19,95

Les citoyens se réapproprient l’espace

Dans le cadre de la Biennale, Christophe et Jacques Mercier sont venus présenter leurs « Paysages Citoyens à Bruxelles », paru aux éditions Racine. Cet ouvrage est un condensé d’énergie et d’ingéniosité que les Bruxellois mettent en place afin de rendre leur ville plus verte, plus humaine, plus sociale. L’architecte Christophe Mercier accorde une grande importance dans tous ses projets d’aménagement du territoire à la concertation citoyenne.

 

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