Fouilles préventives a Boitsfort 2014
Fouilles préventives a Boitsfort 2014

A Watermael, la plaine de jeux cachait des vestiges archéologiques

28 mai 2014
par Violaine Jadoul
Durée de lecture : 5 min

Nul besoin d’aller au Pérou ou en Egypte pour faire des découvertes archéologiques ! En Région bruxelloise, les vestiges d’une ancienne ferme ont été mis au jour. Elle daterait du XVIe siècle et se situe à un jet de pierre de la gare de Watermael.

 

« Les gens associent toujours l’archéologie à l’Egypte. Ils pensent qu’ici on ne va rien trouver », déclare Sylvie Byl, archéologue à l’ULB, qui a dirigé le chantier, en collaboration avec la Société royale d’archéologie de Bruxelles.

 

Là où se trouvait la plaine de jeux communale, on peut voir les vestiges de deux bâtiments constituant l’ancienne ferme. Ici, on observe un escalier qui menait à la cave. Là, un sol en carrelage d’une des pièces de vie. Là encore, une cheminée.

 

Pour dégager tous ces pans de murs et sols, il aura fallu aux archéologues trois mois et deux semaines. Pas avec des pinceaux ou des brosses à dents : les premiers jours de fouilles se font avec une petite grue. Une fois les premiers vestiges mis à nu, le reste se fait à la bêche.

 

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A 20 centimètres en dessous du sol

 

« Les gens s’imaginent toujours qu’il faut creuser très profondément », note la chercheuse qui se rappelle avoir découvert des vestiges datant du Néolithique (-5000 avant notre ère), en pleine forêt de Soignes, à 20 centimètres en dessous du sol !

 

A Watermael, assez rapidement, les archéologues ont constaté une succession de niveaux un peu partout sur le site : « Les gens ne détruisaient pas. Ils mettaient une couche de sable puis reconstruisaient par dessus pour garder les fondations », explique Sylvie Byl. Rien ne se perd, tout se transforme…

 

Transformation de la ferme en café

 

Les chercheurs possédaient des cartes et photographies aériennes de l’ancienne ferme. Sa première apparition sur un plan (carte de Ferraris) date de 1777. Il y avait, tout près, un château de plaisance (le Gulde Casteel) alimenté par un ruisseau, le Watermael beek. Le château date du XVIe siècle et disparut vers 1820.

 

« Nous pensons que la ferme était une dépendance du château », raconte l’archéologue. Si cela est avéré, elle remonterait également au XVIe siècle. Pour l’instant, les chercheurs ont identifié des murs datant du XVIIe siècle. Mais d’autres murs – plus anciens – doivent encore être analysés par un spécialiste de la datation des briques.

 

En 1836, la ferme changea d’affectation : le nouveau propriétaire était boucher et aubergiste. Il la transforma pour y installer son habitation et son commerce. Les archéologues ont d’ailleurs trouvé des morceaux de verre et bouteilles, venant confirmer la reconversion du bâtiment en café.

 

Destruction dans les années 60

 

Les chercheurs possèdent également deux photographies aériennes des lieux. Sur celle de 1935, tous les bâtiments sont encore visibles. Ils étaient à l’époque divisés en plusieurs logements. On peut observer des portes rebouchées sur le chantier. En 1950, on voit que certaines parties ont disparu. Enfin, le tout a été démoli en 1968. Il se pourrait que cela fasse partie d’un plan de lutte contre les logements insalubres. « Ils voulaient construire un complexe immobilier apparemment », confie Sylvie Byl. Mais il n’en fut rien. En 1975, une plaine de jeux a finalement été créée sur la parcelle.

 

La « découverte » de la ferme ne s’est pas faite par hasard. Un bassin d’orage doit bientôt remplacer l’ancienne plaine de jeux. Mais en Région bruxelloise, avant tout chantier, les entrepreneurs doivent s’assurer qu’ils ne se trouvent pas sur un site archéologique potentiel.

 

La Direction des Monuments et sites possède un atlas de la Région – régulièrement mis à jour – qui indique pour chaque parcelle du territoire s’il y a un site archéologique potentiel. Ces informations sont également disponibles en ligne.
« L’atlas localise les sites connus tant par les découvertes fortuites et les fouilles anciennes que par les archives historiques et cartographiques », indique la Direction des Monuments et sites dans un feuillet de présentation. Il compile des données de la Préhistoire jusqu’au XVIIIe siècle.

 

L’archéologie préventive

 

Si le chantier à venir concerne l’un de ces sites, un chantier de fouilles sera organisé afin d’enregistrer les traces du passé avant leur destruction. C’est ce qu’on appelle l’archéologie préventive. Sept organismes – dont l’ULB – sont agréés pour mener ce type d’archéologie.

Même si les vestiges sont ensuite détruits en quelques coups de pelleteuse (« avec un pincement au cœur », confie Sylvie Byl), l’archéologie préventive est utile car elle enrichit notre connaissance sur Bruxelles et la manière dont vivaient ses habitants. Les résultats des fouilles sont publiés dans la collection « Archéologie à Bruxelles ».

Témoignages vivants

 

Durant trois mois, les chercheurs de l’ULB vont à présent rédiger le rapport des fouilles. S’y trouveront les photographies et plans de coupes du chantier. Mais pas uniquement.
« Nous allons nous rendre aux archives et également chercher des témoignages, des photographies… », poursuit Sylvie Byl. Les chercheurs travaillent aussi avec le cercle d’histoire de la commune qui possède des photographies, cartes postales ou livres sur le quartier.

Et pour la première fois, Sylvie Byl peut compter sur des témoignages vivants de personnes ayant connu les bâtiments et leurs habitants dans les années 60. Dans le quartier, les anciens parlent encore d’une certaine « Roseke », une des dernières occupantes des lieux, qui vivait paraît-il sur un sol en terre battue.

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