Un message d’espoir pour les personnes blessées par la vie

28 octobre 2022
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« Au cœur de la résilience », par Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet. Editions Odile Jacob. VP 27 euros, VN 21,99 euros

Spécialistes en sociopédagogie familiale et scolaire, Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet accompagnent «Au cœur de la résilience» les personnes qui ont subi un traumatisme. Livre publié chez Odile Jacob. Enrichi de témoignages.

Résilience… «À l’opposé de la résiliation, qui abandonne, la résilience célébrée en psychologie par Boris Cyrulnik est un dynamisme, une aptitude heureuse», précisait Alain Rey, rédacteur en chef des dictionnaires Le Robert. «Il s’agit, après les coups et les chocs affectifs de surmonter, réagir, rebondir. La résilience, réaction vitale lorsqu’elle ne concerne plus les métaux mais les êtres vivants, évoque une sorte d’immunologie psychique.»

L’éducation et la culture protègent

Pour le neuropsychiatre et psychanalyste français Boris Cyrulnik, «Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet ont une longue expérience de la psychopédagogie. C’est sur ce terrain qu’ils ont exploré la résilience comme un concept entouré par la psychanalyse, la psychologie de l’enfance, les philosophies et, aujourd’hui, les neurosciences.»

«Ce livre, résultat d’une longue expérience de praticiens et de chercheurs, nous montre que la meilleure protection contre la souffrance psychique, c’est l’éducation et la culture. Cela n’empêche pas les malheurs de l’existence, mais au moins on peut les affronter et les surmonter. Reprendre un autre bon développement, ce qui définit la résilience.»

Des tuteurs de résilience

Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet développent 15 facettes de la résilience. Les chercheurs s’intéressent d’abord aux philosophes. «Des textes très anciens parlent de l’actualité de notre époque», expliquent les professeurs émérites de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UMons. «Ils sont capables d’éclairer des problèmes que les philosophes n’ont pas connus. Et même d’anticiper notre futur.»

Les docteurs en sciences psychopédagogiques illustrent leur approche philosophique avec la pensée de Claire Marin atteinte par la maladie comme Nietzsche et Camus. La philosophe contemporaine rejoint Aristote et Spinoza en évoquant le soutien indispensable des autres. Elle souligne l’importance des soignants pour recréer du lien intérieur chez un patient fracassé par la maladie. D’après les chercheurs, «c’est ce que Boris Cyrulnik aurait appelé des tuteurs de résilience.»

Surinvestir est dangereux

L’école est-elle un lieu de résilience ou de traumatismes? «Sous certaines conditions, elle peut être source d’espoir, sous d’autres, source d’adversité», répondent les pédagogues. «Elle peut engendrer une spirale positive conduisant à la résilience. Ou elle peut susciter une spirale négative menant à la désilience ou à la désistance.»

Le contexte familial ou scolaire facilite ou freine l’engagement dans les apprentissages… «Voir en l’enfant un être plein de ressources, l’encourager, le valoriser dans ses capacités sont des facteurs facilitant sa résilience.»

Une remarque s’impose aux chercheurs. «Un surinvestissement dans une zone de développement, par exemple le cognitif, pourrait inciter le sujet à délaisser, volontairement ou non, une autre sphère de son potentiel d’épanouissement. Par exemple, un épanouissement affectif.»

L’école peut accroître la vulnérabilité

Selon les pédagogues, «l’école, comme la famille ou le quartier, peut aussi contribuer à accroître la vulnérabilité plutôt que d’offrir des opportunités susceptibles de soutenir la résilience. Les enfants blessés par la vie sont susceptibles de rencontrer des échos amplifiés à l’école. À travers les humiliations, le rejet, voire le harcèlement de la part des enseignants et des pairs. Avec, à la clé, l’échec scolaire qui crée un sentiment de honte.»

À l’UMons, les auteurs proposent, dans leur Centre de recherche et d’innovation en sociopédagogie familiale, une «Cité de l’éducation». Une alliance entre le politique (le pouvoir), le scientifique (le savoir) et le pédagogique (le vouloir). Avec la mise en place d’axes de résonances vibrants qui facilitent la résilience collective impliquant une communauté, un quartier, une cité.

Des relations vibrantes

«Si les relations entre enseignants-élèves-matières ne vibrent pas, restent figées et muettes, l’école et l’enseignement sont en échec», affirme le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa .

«L’école peut agir avant que le traumatisme ne se produise», notent les Prs Pourtois et Desmet. «Elle met alors en place des pratiques qui installent des axes de résonance entre les enseignants et les élèves. On est dans ce cas en présence de facteurs de protection. Les enseignants sont des tuteurs de développement.»

Si un traumatisme surgit à l’école, les enseignants pourraient devenir tuteurs de résilience en utilisant des pratiques de résonance. Dans un contexte stimulant, sécurisant.

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