Boson de Higgs-Englert-Brout © CERN

De nombreux mystères entourent encore le boson de Brout-Englert-Higgs

28 décembre 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Il y a dix ans, le CERN, à Genève, annonçait officiellement la découverte d’une particule élémentaire prédite 50 ans plus tôt par trois physiciens: les Professeurs François Englert et Robert Brout de l’Université libre de Bruxelles, et l’Écossais Peter Higgs.

Deux de ces trois physiciens (Englert et Higgs) assistaient à cet événement. Robert Brout étant malheureusement déjà décédé à cette époque. Un an plus tard, François Englert et Peter Higgs se partageaient le Prix Nobel de physique pour leurs travaux théoriques prédisant l’existence de ce fameux boson, lequel est la signature d’un mécanisme qui permet d’expliquer la masse des particules élémentaires.

« Sans lui, les particules fondamentales de la matière n’auraient pas de masse. Et les atomes n’auraient pas pu se former », rappelait voici quelques jours à Bruxelles, Fabiola Gianotti, la directrice générale du CERN. À l’époque, elle était la responsable de l’expérience Atlas, un des deux gros détecteurs du LHC où le fameux boson avait été identifié.

Une nouvelle ère s’ouvre pour la physique fondamentale

La fin d’une saga scientifique? Un commencement plutôt. « C’était la fin d’une aventure d’exploration qui avait duré plusieurs décennies, et c’était en même temps le début d’une nouvelle ère d’étude de cette particule très spéciale », précisait Mme Gianotti, dans le cadre d’une rencontre organisée à l’Académie royale des Sciences, des Arts et des Lettres de Belgique à propos des grandes infrastructures de recherche européennes. Une réunion suivie sur place par François Englert (90 ans).

« Depuis 2012, les physiciens ont accompli des pas de géant sur le chemin de la connaissance de l’Univers », rappelait-on déjà au CERN l’été dernier. « Il a été confirmé, très vite, que la particule découverte était bien le boson de Higgs. Dès lors, les chercheurs ont pu commencer à bâtir un modèle expliquant comment un champ de Higgs omniprésent dans l’Univers a pu s’établir un dixième de milliardième de seconde après le Big Bang ».

Où est passée la masse manquante de l’Univers ?

« Étudier l’infiniment petit nous aide aussi à comprendre l’infiniment grand. Notamment, la structure et la composition de l’Univers. Et ce, de façon complémentaire aux télescopes. Les astronomes observent les galaxies les plus lointaines, telles qu’elles existaient peu après la naissance de l’Univers », dit Mme Gianotti. « Avec les collisions générées dans le LHC, on arrive à remonter dans l’histoire de la matière jusqu’à un millionième de millionième de seconde après le Big Bang ».

« Nos outils peuvent nous apporter des réponses aux questions qui restent encore ouvertes en physique fondamentale », a-t-elle précisé à l’Académie royale de Belgique. Notamment celles de la masse et de l’énergie. « Aujourd’hui, 95 % de la masse et de l’énergie de l’Univers nous sont toujours inconnus. Ou encore pourquoi l’Univers n’est-il composé que de matière et quasiment pas d’antimatière? Pourquoi la gravitation est-elle si faible par rapport aux autres forces? Existe-t-il un seul type de boson de Higgs et se comporte-t-il exactement comme prévu? »

Pour apporter des réponses à ces questions, le CERN ne cesse d’évoluer.  « Nous allons exploiter le LHC à sa pleine et haute luminosité », indique la directrice générale du CERN.

Le fameux accélérateur de particules a commencé à fonctionner à puissance modérée pour monter peu à peu en énergie au fil des ans. Ce gain d’énergie permet de sonder plus en détail la matière. Mais il a aussi ses limites. D’où le projet de construction d’un nouvel accélérateur de particules, bien plus puissant. Si, actuellement, les protons qui entrent en collision dans les expériences du  LHC filent dans des tubes à vide de quelque 27 kilomètres de circonférence, les études de faisabilité technique et financière d’un futur collisionneur de 100 km sont actuellement sur la table. « De même que la R&D à ce propos », confirme la physicienne.

Des désintégrations invisibles sous la loupe

Le boson de Higgs lui-même pourrait aider à mieux cerner l’inconnu, comme la matière noire par exemple. « Pour qu’on puisse découvrir une nouvelle particule, il faut qu’elle ait été produite par une collision, ou qu’elle produise un effet indirect sur des phénomènes connus », rappelle le CERN.

« Pour cela, la nouvelle particule doit pouvoir interagir avec des particules connues. Mais pour de nouvelles particules qui ne seraient sensibles ni à la force électromagnétique, ni aux forces fortes ou faibles, une telle interaction serait presque inexistante, ce qui, en pratique, les rendrait invisibles et inaccessibles. Cela pourrait notamment être le cas pour les particules de la matière noire. »

« Il est possible que ces particules interagissent avec le boson de Higgs. Celui-ci se désintégrerait alors en une paire de ces particules inconnues, qui quitteraient le détecteur sans aucune interaction. C’est la raison pour laquelle sont réalisées des études sur ce que l’on appelle les désintégrations invisibles du boson de Higgs ».

À Genève et au sein de toutes les équipes de physiciens dans le monde impliquées dans les expériences du CERN, on en est convaincu:  « le boson de Higgs est un laboratoire formidable pour la recherche de nouvelle physique. L’aventure ne fait que commencer ».

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