Image de la supernova 1994D prise par le télescope spatial Hubble dans la galaxie NGC 4526 © NASA / ESA

Un coin du voile levé sur la formation des supernovae

30 mai 2022
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Un système composé de quatre étoiles liées gravitationnellement a été suivi par spectroscopie pendant plusieurs années par Thibault Merle, de l’Unité de recherche en Astronomie et Astrophysique (ULB). Ce système quadruple est instable et les simulations de son évolution future montrent que, à terme, les étoiles pourront entrer en collision. Ce qui est susceptible de produire une supernova thermonucléaire. L’évolution de tels systèmes quadruples stellaires représente une nouvelle voie pour comprendre ce phénomène explosif.

Précieuses étoiles binaires

Les étoiles aiment la compagnie. En effet, contrairement à notre Soleil, la plupart des étoiles de la Voie Lactée ont un ou plusieurs compagnons stellaires. Il est désormais reconnu que les étoiles binaires jouent un rôle majeur dans un large éventail d’événements astrophysiques observés. Les fusions de binaires sont, notamment, à l’origine de la récente détection d’émissions d’ondes gravitationnelles.

En outre, les étoiles binaires nous permettent de dériver les paramètres stellaires fondamentaux tels que les masses, les rayons et les luminosités avec une meilleure précision que les étoiles seules. Elles représentent les joyaux sur lesquels reposent divers sujets d’astrophysique.

Les supernovae aident à appréhender les distances dans l’Univers

Alors que les binaires ont reçu beaucoup d’attention jusqu’à présent, les systèmes stellaires d’ordre supérieur sont restés à l’écart jusqu’à récemment. Et ce, malgré le fait qu’ils présentent une grande variété d’interactions, en particulier dans les systèmes serrés.

Les quadruples stellaires ne représentent qu’une fraction marginale (quelques %) de tous les systèmes multiples. L’évolution complexe de ces systèmes multiples d’ordre élevé implique des transferts de masse et des collisions, conduisant à des fusions qui sont également des progéniteurs possibles de supernovae thermonucléaires.

Ces supernovae représentent des chandelles standards pour fixer l’échelle de distance de l’Univers, malgré le fait que le(s) canal(aux) évolutif(s) menant aux progéniteurs de telles explosions de supernova sont encore très débattus.

Découverte d’un système quadruple

En 2017, Thibault Merle, de l’Unité de recherche en Astronomie et Astrophysique de l’Université libre de Bruxelles, a découvert, dans le sondage Gaia-ESO, une quadruple spectroscopique (HD 74438). C’est-à- dire un système formé de quatre étoiles.

« Le sondage Gaia-ESO est un sondage spectroscopique public qui fournit un aperçu détaillé du contenu stellaire de la Voie lactée en caractérisant plus de 100.000 étoiles. »

Le chercheur a ensuite pu suivre ce système avec des spectrographes à haute résolution à l’Observatoire Mont John de l’Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande et au Southern African Large Telescope en Afrique du Sud. Ce travail a permis de déterminer que ce système est composé de 4 étoiles liées gravitationnellement : une binaire à courte période orbitant autour d’une autre binaire à courte période sur une période orbitale plus longue (configuration 2+2).

Son appartenance à l’amas ouvert IC 2391 en fait la plus jeune quadruple spectroscopique découverte à ce jour  (43 millions d’années) et parmi les systèmes quadruples ayant la période orbitale externe, la plus courte (6 ans).

Limite de Chandrasekhar

« Grâce à l’analyse spectroscopique, il a été possible de montrer que ce système quadruple subit des effets dynamiques sur des échelles de temps longues par rapport aux périodes orbitales. En effet, l’une des binaires intérieures devrait évoluer sur une orbite circulaire alors qu’elle a une orbite excentrique. Ceci s’explique par l’effet gravitationnel du compagnon binaire distant qui peut augmenter l’excentricité », explique le chercheur.

« Des simulations de pointe de l’évolution future de ce système montrent que cette dynamique gravitationnelle peut conduire à une ou plusieurs collisions et fusions produisant des naines blanches dont la masse est juste inférieure à la limite de Chandrasekhar (valant 1,4 fois la masse du soleil, cette limite indique la masse maximale qu’une étoile, ayant épuisé ses réserves de carburant thermonucléaire et étant devenue une naine blanche, peut atteindre sans devenir une étoile à neutrons ou s’effondrer en trou noir, NDLR). »

« Une étoile comme notre Soleil finira sa vie sous forme de naine blanche, et la masse des naines blanches ne peut pas dépasser la limite dite de Chandrasekhar. Si elle le fait, à la suite d’un transfert de masse ou d’une fusion, elle s’effondre et produit une supernova thermonucléaire. Il est intéressant de noter que l’on soupçonne aujourd’hui que 70 à 85% de toutes les supernovae thermonucléaires résultent de l’explosion de naines blanches dont la masse est inférieure à la limite de Chandrasekhar. L’évolution de quadruples stellaires tels que HD 74438 représente donc une nouvelle voie prometteuse pour leur formation », conclut chercheur.

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