Ils sont dix et ils ne sont pas au mieux de leur forme. Les dix «Établissements scientifiques fédéraux» (ESF) qui relèvent de la Politique scientifique fédérale (Belspo), constituent chacun dans leur genre un des joyaux scientifiques et culturels du pays. Tous sont uniques. Tous connaissent des problèmes de définancement récurrents, des pertes de personnel, une certaine déconsidération de la part des responsables politiques…
Tous ont cependant une kyrielle de points forts à faire valoir. Leurs expertises, les recherches scientifiques de pointe qui y ont cours, leurs collections riches de dizaines de millions de pièces (au bas mot) qui sont exceptionnelles et souvent uniques au monde.
Sait-on par exemple que quelques pièces archéologiques provenant d’Apamée, en Syrie, un site détruit par l’État islamique, reposent en sécurité à Bruxelles, aux Musées royaux d’Art et d’Histoire?
Qu’il s’agisse de la gestion ou de la restauration d’oeuvres d’art, de percer les mystères de l’Univers, d’identifier de nouveaux dinosaures, de valoriser des collections ethnographiques africaines ou encore de la gestion de millions de documents de toutes natures constituant notamment la « mémoire » du pays, ces « ESF » sont de véritables pépites. Des pépites qui ont cependant tendance à ternir…
Depuis des années, et singulièrement tout au long de la législature qui s’achève, leurs moyens n’ont cessé de fondre.
Ironie de la terminologie, leurs réserves stratégiques ont, elles, dans le même temps, été « gelées ». On parle ici de plusieurs millions d’euros pour chacun de ces établissements. Ces « bas de laine » constitués au fil des ans en vue d’investissements prévisibles, comme le remplacement d’instruments scientifiques vieillissants ou l’acquisition de nouvelles pièces dans les musées, sont même « permafrostés » rapporte Michel Draguet, directeur général des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique. « Selon le bon mot de l’Inspection des finances, qui donne ou non son accord pour l’utilisation éventuelle de ces réserves, malgré le réchauffement global de la planète, ce « permafrost budgétaire belge » sera certainement un des derniers à fondre », relate-t-il. L’humour est grinçant…
Quelles sont les réalités de ces dix ESF? Quels sont les impacts de ces définancements sur la recherche et la science qu’ils cristallisent, ou qu’ils devraient cristalliser? Quels effets cela a-t-il sur le patrimoine scientifique belge, sur ces collections d’exception dont ils ont la charge? Et quels sont les impacts de cette évolution sur le personnel scientifique, technique et administratif de ces institutions?
Bienvenue dans ce long format de Daily Science. Une immersion au cœur de dix institutions fabuleuses. Un tour du propriétaire, au sens propre du terme… Ces établissements fédéraux et leurs richesses sont en effet financés depuis leur naissance par les impôts de chaque Belge.
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Les dix Établissements scientifiques fédéraux belges relevant de BELSPO
Les dix Établissements scientifiques fédéraux (ESF) peuvent être regroupés en quatre pôles. Ce classement thématique, imaginé voici déjà plus de deux législatures, visait à regrouper entre eux certains Etablissements présentant des intérêts communs. Au cours des deux dernières législatures, des tentatives de création de réelles structures légales en pôles n’ont cependant pas abouti. Le site web de la Politique scientifique fédérale, qui chapeaute les ESF, les présente selon cette répartition.
« Nous avons deux grandes missions. D’une part, réaliser de la recherche scientifique fondamentale et d’autre part assurer une série de services au public ». Ronald Van der Linden, directeur général de l’Observatoire royal de Belgique, plante le décor. Pour certains Établissements scientifiques fédéraux (ESF), il faut aussi compter avec la gestion, l’entretien et la valorisation de collections: des archives générales du royaume aux dinosaures des Sciences naturelles, en passant par les oeuvres d’art, le patrimoine…
Les missions au public et ces recherches scientifiques sont multiples et diverses. Certains ESF se doublent de musées. D’autres concentrent leurs activités dans la recherche, la formation, les services. On pense par exemple à l’Institut royal météorologique (IRM), qui fait la pluie et le beau temps dans le pays, mais qui diffuse aussi quantité de données brutes en accès libre, acquiert de nouveaux instruments, développe des modèles numériques.
« La mission de l’IRM est de veiller à la sécurité de la population belge pour tout ce qui concerne les risques liés aux circonstances météorologiques », indique Daniel Gellens Directeur général a.i. (ad interim). « Ce sont donc les prévisions météorologiques et les avertissements qui constituent nos tâches de base. Notre stratégie est d’améliorer de manière continue ces services à la population ».
Ces missions ont un coût. Lequel ne cesse d’évoluer tandis que les financements plongent. « Entre 2009 et 2018, notre dotation pour les dépenses communes (partagée avec l’ensemble des ESF du Plateau d’Uccle où se situe l’IRM) est passée de 1,4 million d’euros à 1,1 million, soit une diminution de 22,5 % », précise-t-il. « Notre dotation générale, quant à elle, est passée de 9,7 millions à 8,9 millions, soit une diminution de 8,4 %. Ces diminutions s’ajoutent à l’évolution de l’indice des prix qui est passé de 90 à 106, soit une augmentation de 17 % ».
Et ceci n’est qu’un exemple parmi neuf autres. Tous les budgets des ESF sont au régime sec. Pire, on les rabote même chaque année un peu plus. « C’est la logique de la « râpe à fromage », dénonce Martine De Mazière, directrice a.i. (ad interim depuis… 8 ans) à l’Institut royal d’Aéronomie spatiale de Belgique.
La râpe à fromage? « Depuis 2014, on nous impose une diminution annuelle de nos dotations de 2%», indique-t-on dans chaque Établissement scientifique. « Une mesure générale, qui touche tous les services de l’État, lequel entend ainsi assainir quelque peu ses finances ».
Ce régime budgétaire draconien est-il une bonne chose? Pas pour la science, ni pour les instruments scientifiques ou encore les collections de ces établissements. Et on ne parle pas ici simplement des plafonds qui percent ou des factures énergétiques qui explosent. Le patrimoine culturel et scientifique ainsi que l’expertise de pointe du personnel de ces institutions sont aujourd’hui de plus en plus menacés par ces évolutions budgétaires. Au point que certains directeurs évoquent un risque de « faillite » pure et simple pour leur institution.
345 kilomètres d’archives au compteur
Pourquoi les autorités politiques s’ingénient-elles dès lors à réduire les moyens des ESF? « Je ne pense pas qu’il y ait de la mauvaise volonté dans le chef des derniers gouvernements », estime Ronald Van der Linden. « Je ne pense pas que la réduction récurrente de nos moyens a pour but de nous faire couler. Cela se situe simplement dans une logique économique globale de l’État, sans distinction des spécificités de nos Établissements».
Les calculs sont simples. Partout, cette réduction de voilure a un impact direct sur le personnel, les collections, les missions, l’entretien des infrastructures.
Karel Velle est l’Archiviste général du Royaume. Il est à la tête des Archives de l’État. « Je veille sur… 345 kilomètres de documents», précise-t-il.
Ces archives sont réparties dans une vingtaine de sites dans le pays. Des bâtiments qui totalisent une superficie de 150.000 mètres carrés. Un beau parc immobilier, qu’il faut bien entendu chauffer en hiver et rafraichir en été. La facture énergétique est ici, comme dans d’autres institutions conservant de riches collections, un véritable gouffre financier.
Les archives, ce sont la mémoire du pays. Les archives publiques proviennent autant de communes que de la Cour de cassation en passant par tous les autres services publics du pays. Parfois aussi d’archives privées cédées à l’Etat, comme celles du Père Pire, qui ont récemment fait l’objet d’une exposition à Namur.
« Tout ce que les autorités publiques produisent aujourd’hui est la source des recherches scientifiques de demain », dit Karel Velle. « Et les thématiques sont multiples. Je pense par exemple aux archives africaines, aux archives liées à la Deuxième Guerre mondiale, aux archives de la police des étrangers, à celles liées aux victimes de guerre… ».
« Avec une dotation de 14 millions d’euros par an, pour faire fonctionner notre institution et payer les salaires de 238 équivalents temps plein, il faut de l’ingéniosité. Dans le personnel, on dénombre 94 scientifiques, dont 62 sont statutaires. Il y a cinq ans, les statutaires étaient 80 ».
« Notre structure des coûts est telle que notre marge financière pour lancer l’une ou l’autre initiative qui nous semblerait intéressante est quasi nulle. Cette année, avec une hausse des prix de l’énergie de quelque 10%, notre marge va entièrement passer en électricité et en chauffage. L’an dernier déjà, nous avons dû prendre quelques moyens sur l’enveloppe du personnel pour payer nos factures d’énergie. Cette année, en octobre on ne pourra plus payer l’électricité de nos dépôts. C’est cela la faillite dont je parle… ».
Des collections en déshérence et un personnel sous pression
Des chercheurs, des techniciens ou du personnel administratif qui quittent ces institutions et qui ne sont pas remplacés: tous les ESF y sont confrontés. Cela signifie un surcroît de travail pour les personnes qui restent. Et on ne parle pas de quelques minutes de boulot en plus chaque jour.
« Tout le monde cumule ici quasiment les fonctions de deux à trois personnes. On imagine sans problème le stress complémentaire que cela entraîne, et l’augmentation de risques de burn-out auquel nous devons faire face. C’est le cercle infernal », indique Guido Gryseels, Directeur général de l’AfricaMuseum.
« Aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, on dénombre 39 collections. Mais nous ne disposons plus que de 25 conservateurs », indique Alexandra de Poorter, Directrice générale a.i. « Certains conservateurs gèrent deux, trois, ou quatre collections. Certaines collections sont sans conservateur. C’est le cas des collections Inde et Asie du Sud-Est. Elles sont en déshérence. C’est une ancienne guide qui en prend désormais soin, qui suit les demandes venues de chercheurs étrangers, qui répond aux questions que nous recevons à leur propos et qui en dresse les inventaires numériques… »
À Uccle, les trois institutions spatiales (ORB, IRM et IASB), tentent de juguler l’hémorragie de cas de burn-out en lançant des initiatives « déstressantes » pour le personnel. Pour contrer l’épuisement professionnel, les serres situées derrière l’ancienne maison du directeur de l’Observatoire sont accessibles aux amateurs de jardinage. L’idée est de permettre au personnel de s’extraire quotidiennement de son stress professionnel en plongeant les mains dans la terre. Ailleurs, ce sont des cours de musique ou de yoga qui servent de thérapie préventive.
Des coûts mais aussi un apport économique global indéniable
Retour au tiroir-caisse. « La question des financements de l’État est mal analysée », estime Nicolas Cauwe, conservateur des collections de Préhistoires nationale et générale ainsi que des collections d’Océanie aux Musées royaux d’Art et d’Histoire. « Exiger des institutions fédérales, des services publics qu’ils soient rentables par eux-mêmes est une aberration. L’État doit nous fournir les moyens de développer nos recherches, d’entretenir nos collections, de les valoriser. C’est son propre patrimoine. Il ne peut pas compter sur du crowdfunding ou du mécénat pour maintenir en état ses propres richesses ».
« Un grand musée, cela reste cependant une « bonne affaire » pour le pays et les finances de l’État. Notre poids économique est loin d’être négligeable. Un musée génère des revenus touristiques, donne du travail aux sous-traitants, génère des revenus via la vente des boutiques. Une étude française montrait que la suppression d’un poste de scientifique dans un grand musée entraînait la suppression de cinq emplois dans le secteur privé, de techniciens, etc. »
« Si le musée seul n’est pas une cellule rentable en elle-même, pris dans une sphère économique globale, il en reste un acteur majeur. Un acteur qui génère de l’emploi, de la richesse, de la valeur ajoutée: économique et scientifique. Investir dans les institutions scientifiques, c’est donc bien aussi investir dans l’économie globale d’une région, d’un pays ».
Les économies placées au congélateur
Le financement des Établissements scientifiques fédéraux passe par des dotations de l’État, en ce compris le salaire du personnel statutaire, de revenus propres (la vente de billet d’entrée par exemple pour les musées, ou de services rendus à des tiers), la participation à des projets de recherche, aux dons, au sponsoring… Dans cette économie globale, les ESF avaient l’habitude de réaliser bon an mal an quelques économies. Un bas de laine destiné à financer l’achat de nouveaux instruments scientifiques, plus performants ou tout simplement pour remplacer ceux arrivés en fin de vie. Les nouvelles règles du jeu imposées par le gouvernement actuel ont changé la donne…
« En octobre 2014, nous avons appris que notre budget allait, dès janvier 2015, être raboté de 10%, que nous allions voir ensuite nos dotations se réduire de 2% chaque année et qu’on ne pouvait plus toucher à nos réserves financières », rappelle Camille Pisani, Directrice générale de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, partie à la retraite le 30 avril dernier.
« Nous avons tous des économies », précise Ronald Van der Linden, le directeur de l’Observatoire. « Mais elles ont été « gelées » par le gouvernement. Y avoir accès est très, très compliqué. Elles ne sont libérées qu’au compte-goutte, à l’échelle de tous les Établissements scientifiques fédéraux (ESF dans le jargon). Si l’un d’entre nous peut disposer cette année d’une partie de ses réserves stratégiques, cela implique dans les faits que pour les autres, elles restent au frigo ».
À l’Observatoire, on a par exemple un parc de 20 sismomètres à remplacer dans toute la Belgique. Leur remplacement attendra. Les scientifiques croisent les doigts pour qu’ils ne tombent pas en panne ».
Aux Musées Royaux des Beaux-Arts, Michel Draguet, Directeur général, a exactement le même problème. « Le gel de nos réserves stratégiques a réduit à néant notre faculté d’acquisition de nouvelles œuvres d’art », explique-t-il. « Résultat: la qualité de nos collections est en train de pâlir. Nous avons aujourd’hui beaucoup plus de pièces relatives aux années 1960 à 1980 que pour les années 1990 à 2010. Dans la comptabilité de l’État, l’acquisition d’une œuvre d’art est toujours considérée comme une perte, jamais comme un investissement pour l’avenir. C’est une erreur. Avec la spéculation existante sur le marché de l’art contemporain, on ne récupérera pas le retard que nous accumulons désormais. Nous risquons ainsi de perdre un certain label, celui de collections de références, et donc notre attractivité, y compris à l’international ».
Autres coups de canif dans les ressources des ESF, la quasi-disparition des subsides alloués par la Loterie Nationale depuis 2011 et la question de la gratuité d’accès aux musées un dimanche par mois, que certains aimeraient imposer. Une mesure sociale?
« La gratuité des musées un dimanche par mois? Cela semble être au premier coup d’œil une mesure sociale intéressante », analyse Guido Gryseels. « Pour notre musée, ce serait catastrophique. Nous perdrions 20.000 euros par mois de revenus. N’oublions pas que les musées fédéraux étaient gratuits jusqu’en 1996, lorsque le gouvernement de l’époque avait décidé de réduire (déjà) nos dotations de 8%. Il nous a alors autorisés à faire payer l’accès à nos salles pour compenser ce manque de moyens. Imposer la gratuité un dimanche par mois? Il faut alors que nos dotations soient revues en fonction du manque à gagner ».
Quant aux subsides de la Loterie nationale, ce n’est plus le gros lot pour les Établissements scientifiques fédéraux. Jusqu’en 2011, ils disposaient ensemble d’un « pot » de 1,7 million d’euros à se partager pour financer des investissements importants. Ce montant est passé à un demi-million par an (à se partager en dix), depuis 2012. Encore une décision gouvernementale qui ne fait pas les affaires des ESF.
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Perte de vitesse et fragilisation à tous les étages
L’évolution de la situation financière des ESF a plusieurs impacts sur la production scientifique et l’expertise des Établissements scientifiques fédéraux. Ici aussi, les situations sont contrastées.
L’exemple de l’Institut royal d’Aéronomie spatiale de Belgique est assez frappant.
Les trois Instituts fédéraux regroupés au plateau d’Uccle, sont en réalité des « poupées russes ». L’Observatoire royal de Belgique a été le premier à voir le jour, en 1839. Avec l’évolution et la multiplication des domaines de recherche, il a donné naissance à une fille, spécialisée en météorologie: l’Institut Royal Météorologique, en 1913. Un demi-siècle plus tard, l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique (IASB) voyait à son tour le jour (1964).
« À partir des années 1930, et à l’occasion de l’année géophysique internationale de 1957-1958, l’étude de l’atmosphère a commencé à prendre de plus en plus d’importance », explique Martine De Mazière, la directrice a.i. de l’IASB. « Cela s’est ensuite amplifié avec le développement des recherches fondamentales sur les gaz présents dans l’atmosphère, puis les préoccupations environnementales, et enfin avec l’ozone et son « trou ». Avec l’arrivée des satellites, l’aéronomie spatiale a pris son envol ».
« Bien sûr, pour pouvoir rendre des services de qualité dans ces domaines, il faut savoir de quoi on parle. Il faut donc qu’ils soient sous-tendus par une recherche de qualité. Cela explique qu’à l’IASB, 90 % de notre personnel est scientifique. Cela comprend bien sûr les chercheurs, mais aussi des spécialistes en technologies de l’information, des ingénieurs… C’est une force. Mais aussi une fragilité en ce qui concerne notre Institut. Cette fragilisation passe par la diminution de nos moyens financiers. Avec une cinquantaine de membres permanents du personnel, 2% d’économie par an, cela signifie chez nous quasiment la perte d’un membre du personnel statutaire chaque année. Mais surtout, nous avons besoin d’une recherche scientifique poussée et d’une continuité compatible avec le cycle de vie d’un satellite. Notre spécificité repose sur un mot: « espace », une matière typiquement fédérale ».
Dans un autre contexte, aux Musées royaux d’Art et d’Histoire (MRAH), la fragilisation passe par un phénomène de manque de conservateurs.
« Quand un conservateur nous quitte et qu’il n’est pas remplacé, c’est une perte sèche pour notre institution. », indique Alexandra de Poorter, Directrice générale a.i. aux Musées royaux d’Art et d’Histoire (MRAH). « Même si ceux qui restent tentent de reprendre le flambeau, cette perte d’expertise nous rend au final incompétents sur la scène internationale. Cette évolution nous appauvrit clairement».
Autre effet pervers des tâches chronophages complémentaires désormais dévolues aux conservateurs: la quasi-impossibilité pour eux d’encore participer à des publications scientifiques.
« Il n’y a pas que le nombre de scientifiques qui est soumis à des compressions de personnel », précise la Dre Cécile Evers, conservatrice des antiquités étrusques et romaines au MRAH. « Il y a aussi moins de techniciens et de personnel administratif. Au département Antiquité (qu’elle dirige également), il n’y en a plus. Je dois tout faire moi-même. Comprenez-moi bien: cela n’a rien d’humiliant. Je trouve même agréable de travailler avec des pièces archéologiques. Mais quand je fais ce boulot-là, je ne fais pas autre chose, par exemple mon travail de conservateur. Nous n’avons dès lors plus le temps de publier des articles scientifiques ».
Instabilité des chercheurs
La question de la stabilité des chercheurs est aussi un indicateur intéressant. Au premier coup d’oeil, le nombre de chercheurs travaillant à l’Observatoire royal de Belgique semble assez stable dans le temps. « Ce qui pourrait sembler être une bonne chose, explique Ronald Van der Linden, le directeur général. « Mais qu’on ne s’y trompe pas. La situation demande à être fortement nuancée. Aujourd’hui, il ne reste plus que 23 postes scientifiques permanents à l’Observatoire royal de Belgique sur 69 chercheurs. Tout le reste est occupé par les chercheurs contractuels. Et ce n’est plus du tout la même chose ».
« Bien entendu, si la qualité des chercheurs contractuels n’est absolument pas à mettre en cause, il faut toutefois constater que leur nombre fluctue constamment au fil des contrats et des projets de recherche. Leur stabilité est donc loin d’être acquise. Quand ils nous quittent, c’est tout un pan de notre expertise qui s’en va également ».
L’appauvrissement se manifeste aussi à l’AfricaMuseum. « Nous disposons de la collection la plus importante au monde concernant l’ethnographie et la musique de cette région du monde » affirme Guido Gryssels, le directeur général. « Elle est plus importante que celle du quai Branly, à Paris, ou du British Museum, à Londres. Il y a quatre ans, quatre scientifiques en avaient la charge chez nous. Aujourd’hui, il en reste un ».
« Par ailleurs, nos collections zoologiques comportent aussi quelque dix millions de spécimens. Chaque année, un millier de chercheurs viennent du monde entier pour les consulter, les étudier. Ce patrimoine est en péril. Un exemple: les spécimens conservés dans l’alcool. Ils faisaient l’objet d’une surveillance quotidienne. Quand un niveau d’alcool baissait, il était immédiatement complété. Voici peu, cette surveillance quotidienne n’a plus pu être assurée. Des spécimens se sont retrouvés au sec et se sont détériorés. En dix ans, notre équipe technique est passée d’un pool de dix personnes à 2,5 équivalents temps plein. Ce problème de gestion des collections est un réel problème ».
« Avec la diminution de nos moyens, il me semble difficile de dire à nos chercheurs de ne plus offrir de service au public. Ce qui va donc pâtir très vite des diminutions des ressources, ce sera la recherche scientifique fondamentale », indique Ronald Van der Linden, le directeur de l’Observatoire royal de Belgique. « Pour offrir un service public scientifique de qualité, il faut pouvoir le nourrir de recherche fondamentale. Si on n’investit plus dans la recherche scientifique, on cesse d’exister. D’autant que la concurrence internationale dans ce domaine est importante ».
« Le danger, c’est que nous perdions nos compétences, nos spécificités, notre expertise reconnue à l’échelle internationale », confirme Guido Gryseels (AfricaMuseum), qui a passé une partie de sa carrière (15 années tout de même) à la FAO, l’Agence des Nations-Unies en charge de l’agriculture et de l’alimentation avant d’arriver à Tervuren. « Si nous perdons nos compétences, nous laissons le champ libre à des sociétés privées de consultance par exemple. À un moment, cela ne peut qu’entraîner notre propre disparition, faute de compétitivité dans des domaines où nous sommes encore aujourd’hui au top ».
D’autres facettes de la recherche et de l’accueil du public sont également mises à mal dans les ESF disposant de musées.
Aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire, pour épauler les 241 membres du personnel salarié actuel, Alexandra de Poorter, la directrice générale a.i. compte sur la disponibilité de quelque 120 bénévoles. «Ces personnes volontaires sont indispensables à la bonne marche de notre établissement, notamment pour l’accueil du public. Mais est-il bien normal qu’un tiers de notre personnel doive ainsi être composé de bénévoles? D’autant qu’on les retrouve aussi dans la réalisation de diverses tâches techniques et/ou scientifiques, comme le classement de documents, la gestion des archives, des collections, à l’atelier de moulage où ils sont cinq à faire le boulot des techniciens partis à la retraite et qui n’ont pas pu être remplacés… Est-ce comme cela que l’État doit réellement prendre soin de son propre patrimoine? »
On observe une situation similaire aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique où 103 bénévoles épaulent les 223 travailleurs salariés de l’Établissement. « Ils ne sont pas là uniquement pour accueillir le public », confirme Michel Draguet, le directeur général. « Certains apportent aussi un coup de pouce à la recherche scientifique, en effectuant des classements, du travail à la bibliothèque, etc. Une situation qui a bien sûr un impact la qualité de la science, de la recherche. »
Des cerveaux devenus irremplaçables
Retour à l’Observatoire, où une situation tout aussi préoccupante s’est forgée au fil des dernières années. « En ce qui concerne notre expertise scientifique, nous sommes arrivés a un point de « single point of failure », indique le directeur général Ronald Van der Linden. « Là où jadis nos équipes de scientifiques étaient au top de la recherche dans leur domaine, nous n’avons plus aujourd’hui de doublure. Une seule personne concentre tout le savoir de son domaine. Que se passe-t-il si elle tombe malade, si elle prend sa retraite, si elle souffre soudain d’un burnout ? Il n’y a personne pour la remplacer, pour assurer la continuité. C’est bien simple, à l’Observatoire, dans certains domaines certaines personnes sont devenues irremplaçables. Cette situation est insupportable. C’est là que les réductions qui nous ont été imposées ces dernières années sur les effectifs statutaires affaiblissent notre expertise scientifique et menacent la bonne exécution de nos missions ».
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Comme une impression de simple négligence politique
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« On ne sait pas trop quoi faire de nous »
L’évolution de la situation au sein des dix Établissements scientifiques fédéraux est-elle le fruit d’une volonté affirmée d’affaiblissement de ces joyaux scientifiques belges?
« Je ne pense pas qu’il y ait une volonté politique de nous démanteler », indique Guido Gryssels, le directeur de l’AfricaMuseum. « J’ai plutôt l’impression, moi qui ai connu dix ministres en charge de la Politique scientifique fédérale au cours de ma carrière, qu’on ne sait pas trop que faire de nous. Nos compétences sont tellement diverses, dont certaines entrent plutôt dans le champ de compétences des régions et des communautés, comme l’éducation, la recherche ou la culture, que nous sommes difficile à gérer, difficile d’un point de vue politique ».
« Par contre, il y a clairement une méconnaissance de qui nous sommes et de ce que nous faisons, des services que nous rendons. Il n’y a pas une volonté de nuire aux institutions. Il y a tout simplement une politique de négligence à notre égard ».
« Mais c’est aussi très compliqué à faire comprendre aujourd’hui aux décideurs politiques ce que nous représentons vraiment », indique Nicolas Cauwe, conservateur des collections de Préhistoires nationale et générale ainsi que des collections d’Océanie aux Musées royaux d’Art et d’Histoire. Des décideurs qui, au cours de la législature qui s’achève, n’ont pas vraiment beaucoup fréquenté les Établissements scientifiques fédéraux, à en croire les dix directeurs concernés.
Diplomatie scientifique
« Il y a aussi la dimension « diplomatique » que notre travail représente sur le long terme » repend Guido Gryseels. « À l’AfricaMuseum, nous formons chaque année 130 scientifiques africains. Des têtes bien faites qui rentrent ensuite dans leur pays d’origine où ces personnes développent souvent des carrières brillantes. Nous les retrouvons des années plus tard dans des postes à responsabilité. Certains occupent jusqu’à des fonctions ministérielles. Ils gardent généralement un excellent souvenir de leur passage en Belgique. Ce sont nos meilleurs ambassadeurs. Faut-il vraiment rogner dans les budgets consacrés à ces programmes de formation? Quelque 400.000 euros par an en ce qui nous concerne».
Déconsidération
« La science n’est pas faite que d’argent, elle est aussi faite de considération », estime Camille Pisani, directrice générale de l’Institut royal des Sciences Naturelles de Belgique. « Et gérer la Science n’est pas fait que d’argent, c’est fait aussi de liberté. Ces deux choses-là nous ont manqué terriblement ces dernières années ».
« Aux Sciences naturelles, on joue clairement dans la cour des grands (établissements scientifiques internationaux) du fait de nos collections, de notre hyper activisme, notamment dans le cadre de projets européens. Mais nous le faisons avec des moyens de classes maternelles et une gestion imposée infantilisante. Je ne pense pas qu’il y ait un travail de sape vis-à-vis des ESF de la part des derniers gouvernements. L’indifférence a suffi. La Belgique n’est pas assez fière de ses ESF. Et à mon avis, elle a tort » analyse encore Camille Pisani.
À l’Institut royal du patrimoine artistique (IRPA), Hilde De Clercq, directrice générale a.i. ne dit pas autre chose. « Mon espoir est que le prochain gouvernement fédéral considère enfin la Politique scientifique comme un élément crucial de la composition de l’État. Pas comme une compétence résiduelle ».
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Les ESF ont besoin d’un cadre, d’un statut et d’une stratégie
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Fusions, rapprochements, nominations…
L’avenir des Établissements scientifiques fédéraux est-il plombé? Il est grand temps de repenser et d’implémenter une véritable stratégie à leur égards, clament en chœur les directeurs.
Par exemple en fusionnant certains de ces établissements? « En ce qui nous concerne, on a raté une belle opportunité il y a dix ans », estime Guido Gryseels. « On aurait pu avantageusement fusionner le Jardin Botanique de Meise avec l’AfricaMuseum et l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Cela aurait eu du sens. Aujourd’hui, Meise n’est plus fédéral ».
« Cela reste une option à envisager », estime de son côté Camille Pisani (IRSNB). « Les attitudes conservatrices qui ont prévalu jusqu’à présent n’ont pas permis de faire évoluer les choses. Il me semble qu’une fusion avec Tervuren, en ce qui concerne la recherche et nos collections respectives, avec un maintien net de deux sites, serait bénéfique. Cela nous donnerait plus de visibilité à l’échelle européenne».
Dans la même logique, ne serait-il pas opportun de rassembler les trois poupées russes «spatiales» du plateau d’Uccle, de les fusionner en un seul et même institut scientifique? Chapeauté par un seul directeur, à la tête d’une seule structure hybride où chacun trouverait son compte? Cela pourrait-il être synonyme d’économies (supplémentaires), mais peut-être aussi de gain en matière d’efficacité scientifique?
« C’est un mauvais calcul », estime Martine De Mazière, Directrice générale a.i. de l’Institut royal d’Aéronomie spatiale de Belgique). « D’un point de vue scientifique, on n’y gagnerait certainement rien. Chaque institut à ses spécificités et est reconnu comme tel sur la scène internationale. Là où nous présentons des complémentarités, nous travaillons déjà ensemble sur de nombreux projets ».
« Par contre, on pourrait par exemple imaginer développer davantage encore cette force en mettant sur pied, par exemple un centre d’excellence sur le climat. Dans le contexte actuel cela aurait tout son sens et pourrait intéresser d’autres ESF ».
Six directeurs « a.i. » pour dix établissements
Au fil du temps, les départs de directeurs d’ESF nommés n’ont été compensés que par la mise en piste de directeurs « ad interim » (a.i.). Ils sont aujourd’hui six « a.i ». sur les dix Etablissements scientifiques fédéraux.
« Difficile pour ces directeurs a.i. d’impulser des stratégies à long terme pour les institutions dont ils et elles n’ont, théoriquement, la charge que de manière transitoire », estime Guido Gryssels.
« Le prochain gouvernement devra agir rapidement en ce qui les concerne. Le problème des directeurs a.i. est néfaste pour les ESF. Ils n’ont pas les mains libres pour prendre de vraies décisions stratégiques. Ils assument aussi une fonction supérieure sans que leur salaire ne soit durablement adapté. Cela ne va pas. Si on décide de recruter de nouveaux directeurs, la procédure prendra un an. Il ne faut pas attendre la fin de la législature pour décider de recruter ».
Cette non-nomination des directeurs est en réalité le fruit de diverses tentatives de réformes non abouties des ESF. Les derniers ministres et secrétaires d’État qui ont eu la Politique scientifique fédérale dans leurs attributions ont tenté de faire évoluer ces institutions. Ces projets de réformes (non abouties) expliquent sans doute pourquoi, dans l’expectative, il n’était pas opportun de nommer de nouveaux directeurs. Dans les mois qui viennent, à Tervuren, un septième poste de ce type se profile. Guido Gryseels, aujourd’hui âgé de 66 ans, bénéficie actuellement d’une prolongation d’un an de son mandat. Il souhaitait mener à terme le processus de rénovation de son institution et la réouverture du musée. Ce qui a été fait en décembre dernier. Il ne reste plus qu’à faire sortir de terre la « tour des collections » et à rénover les jardins, la deuxième phase du projet de rénovation de cet ESF.
À l’Irpa, l’Institut royal du patrimoine artistique, Hilde Declercq, directrice générale a.i, ne se sent pas bridée par son son statut d’intérimaire. Elle a décidé d’aller de l’avant.
« Nous préférons adopter une attitude proactive », dit-elle. « Nous avons lancé en octobre 2018 notre propre analyse de nos missions et de nos besoins. Cela devrait déboucher incessamment sur une ébauche de plan stratégique, un « position paper » qui tient compte des besoins de nos partenaires extérieurs. Ce plan baptisé «Vision Together», affirme bien entendu le rôle spécifique et unique que l’Irpa joue en Belgique dans le domaine du patrimoine. Notre volonté est de nous concentrer sur notre « core business ». La prochaine étape sera de définir les critères qui vont nous permettre de poser des choix stratégiques concrets, ce que nous faisons en priorité, ce que nous ne faisons plus. Et d’élaborer un cadre de travail nous garantissant par exemple une plus grande autonomie de gestion ».
Un chantier prioritaire pour le prochain gouvernement
« Le challenge du prochain gouvernement, ce sera de se doter en six mois d’une vision d’avenir, d’une stratégie à long terme pour les ESF », analyse Michel Draguet, le Directeur général des Musées royaux des Beaux-Arts. « La véritable responsabilité de ce gouvernement sera de dire si nous sommes encore un service public. Dans ce cas il faudra le financer comme tel. Si nous plongeons dans un nouveau système, par exemple un service public hybride ou une structure privée, il faudra aussi être clair sur ses missions, ses ressources, son autonomie ».
D’une manière plus structurelle, que des fusions interviennent ou non, Camille Pisani, directrice générale de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique prône l’autonomie pour les ESF. « Mon modèle pour l’avenir reste celui de tous mes collègues en Europe. Celui d’un établissement indépendant, avec un contrat de gestion. Un établissement qui a la main sur les moyens qu’on lui alloue, qui peut en toute liberté recruter, construire, modifier ses infrastructures parce qu’il dispose de l’autorité et des ressources. Bien sûr, cela se double de l’obligation de rendre des comptes».
« Si notre établissement veut garder son rang en Europe et son rôle dans la société belge, il faut au minimum agir de trois manières réalistes », propose Camille Pisani:
1. Nous rattacher aux services du Premier ministre ou au ministre des Affaires Etrangères. Et cette proposition vaut pour les dix ESF. Nous avons tous un rayonnement international dans notre domaine. Nous représentons tous la Belgique dans notre réseau professionnel. Le fait que, de surcroît, les Sciences naturelles jouent un rôle officiel pour la Belgique dans des traités ou conventions internationaux ( biodiversité, mer du Nord…) est un argument supplémentaire. Je ne suis pas en faveur d’une dispersion des rattachements des ESF, que ce soit par établissement ou par pôle. Malgré toute notre diversité, nous avons en commun la nature de nos missions qui nous distinguent des administrations, et qui nécessitent une gestion spécifique. Ce n’est pas en nous éparpillant qu’elle sera reconnue comme nécessaire, bien au contraire.
2. Refinancer d’au moins 20 % les Établissements. Pour les Sciences naturelles, il nous faut au moins 3 millions d’euros supplémentaires, et ce rien que pour rétablir un staff correct. En Europe, dans des institutions similaires à la nôtre, on compte trois équivalents temps plein (ETP) par million de spécimens conservés dans les collections. Nous en sommes à deux. Pour gérer nos collections, 37 ETP supplémentaires devraient être engagés.
3. Récupérer des marges de liberté, d’autonomie juridique de recrutement du personnel et de moyens dans une nouvelle structure publique, avec un contrat de gestion clairement négocié.
«J’ai l’impression qu’on se trouve pour le moment dans une spirale néfaste», dit de son côté Sara Lammens, la plus jeune des directrices a.i. des ESF. « En terme de communication, on ne parle de nous que pour dire qu’il y a des trous dans les plafonds. Cela ne donne pas vraiment envie à d’éventuels sponsors de développer un projet ambitieux avec nos ESF. Nous devons être plus dynamiques, plus positifs dans notre communication. Nous devons montrer ce que nous avons à offrir. Nous disposons d’une palette impressionnante de pépites. Cette démarche positive est aussi un message vers le gouvernement. Elle met en lumière ce que nous faisons, ce que nous pouvons offrir en soutien à une politique bien pensée ».
Une bureaucratie devenue écrasante
Le défi majeur, c’est le refinancement. Karel Velle, l’Archiviste général du royaume, en est persuadé. Le gouvernement doit refinancer massivement les établissements scientifiques fédéraux. « Depuis 2009, on nous a confié de nouvelles missions, dont la gestion des archives digitales natives de l’Etat. Ici, on ne parle plus de papier. Ces archives digitales méritent elles aussi d’être triées, classées, dotées de métadonnées. Un surcroît de travail, mais qui est indispensable. Ces archives intéressent de plus en plus les chercheurs qui font appel à nous».
« Il faut également revoir le statut des ESF et du personnel scientifique. Nos contraintes et nos missions sont tellement spécifiques par rapport à d’autres services de l’État.Il faut être conscient de ces particularismes », martèle Karel Velle.
« Il faut également revoir nos règles de fonctionnement administratif. Ces dernières années, elles ont été démultipliées à un point tel que la bureaucratie est devenue écrasante, paralysante, usante. C’est incompatible avec la bonne réalisation de nos missions ».
« Nous devons retrouver plus d’autonomie. Il faut nous faire confiance. Nous n’avons pas besoin de belles-mères. Cela hypothèque le bon fonctionnement de nos institutions. Il y a là de vrais choix politiques à poser et à assumer ».
Redessiner les missions, poser des choix et les assumer
À la Bibliothèque royale, Sara Lammens va plus loin. Oui, elle désire elle aussi davantage d’autonomie de gestion.
En ce qui concerne la recherche, elle estime que le personnel scientifique au sein de son institution ne doit plus mener de recherches propres, mais être davantage au service des chercheurs qui font appel à son institution.
« C’est un modèle qui existe aux Pays-Bas et dont nous pourrions nous inspirer », dit-elle. « Le but est de disposer de spécialistes qui connaissent tellement bien nos collections qu’ils en deviennent très précieux pour les chercheurs des universités avec lesquelles nous nouons des partenariats. Cela implique aussi un dialogue franc et constructif avec les responsables des bibliothèques universitaires. »
En parallèle, la bibliothèque pourrait développer de nouvelles activités culturelles valorisant ses collections. « Nous venons de commencer de grands travaux d’infrastructure, dans deux grandes zones du bâtiment », précise-t-elle. « Une pour organiser des expositions temporaires et une autre pour l’installation d’un musée permanent, autour de la librairie des ducs de Bourgogne. Ces activités devraient nous permettre de générer de nouveaux revenus. Nous avons décidé d’aller dans ce sens, stratégiquement, même si ce n’est pas dans notre ADN, même si je suis directrice générale « ad interim ». Il faut aller de l’avant », conclut-elle.
Notes: Cette enquête a bénéficié du soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.