SERIE (5 et fin) / Cap au large
Depuis le 22 décembre dernier, le gouvernement fédéral a tranché. Le prochain navire de recherche océanographique belge sera de facture espagnole. C’est l’offre d’un chantier naval galicien, l’entreprise Freire, à Vigo, qui a remporté la compétition internationale lancée en 2017 pour la construction de ce nouvel outil scientifique. Ce chantier naval a déjà une solide expérience dans la construction de tels bâtiments. La livraison du nouveau « Belgica », qui s’appellera sans doute autrement, est prévue pour le printemps 2020.
Le budget global du nouveau navire océanographique belge est de l’ordre de 54 millions d’euros, TVA comprise. Pour cette somme, la Belgique disposera d’un tout nouveau bâtiment de recherche, plus vaste et plus moderne que l’actuel « Belgica ». Ce bâtiment pourra accueillir à son bord jusqu’à 28 scientifiques et techniciens (16 actuellement) plus une douzaine de membres d’équipage. Le futur bateau, long de 69 mètres (contre 51 mètres actuellement), disposera aussi d’une série d’équipements destinés à la recherche en mer et quelque 400 mètres carrés de laboratoires divers: quasi le double de ce qui est aujourd’hui disponible.
Des missions et des capacités étendues
« Ce ne sont là que des données très générales », souligne le Dr Lieven Naudts, de la Direction Opérationnelle Milieux Naturels, de l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique, et qui depuis 2011 suit de près le projet du « New RV » (New « Research Vessel »). « Le nouveau bâtiment aura des missions et des capacités plus étendues. Il devra pouvoir accueillir des équipements nouveaux, comme des drones et des petits sous-marins autonomes. On compte également sur lui pour assurer des missions dans les eaux arctiques. Ce sera donc un bateau certifié pour la navigation polaire (en été). Il devra également être capable de réaliser des prélèvements à des profondeurs allant jusqu’à 5.000 mètres.
En 34 ans de service, le Belgica a rendu de nombreux services à l’État et à la communauté scientifique. Mais il vieillit… Son remplacement est devenu urgent. On en parle depuis 2005. A l’époque, le Conseil des ministres avait donné son feu vert à une première étude de faisabilité sur la modernisation du Belgica ou sur son remplacement. L’étude économique de 2014 concluait que l’option la plus intéressante était la construction d’un nouveau navire. L’an dernier, un appel d’offres a été lancé. Sept candidats y ont répondu. Avec le résultat que l’on connait aujourd’hui.
« Dès février, les travaux de design du nouveau navire scientifique seront lancés », explique le Dr Naudts. C’est un sous-traitant des chantiers navals Freire, l’entreprise Rolls Royce, qui en sera chargée. Ce travail devrait prendre 8 mois. Ensuite, la construction débutera. Elle devrait durer 20 mois.
L’actuel Belgica est géré pour ses aspects opérationnels et techniques par La Défense (son équipage est militaire et son port d’attache est situé à Zeebruges). En ce qui concerne ses missions scientifiques, ce sont l’Institut Royal des Sciences Naturelles et la Politique Scientifique fédérale (BELSPO), qui sont à la manœuvre. Pour la gestion du nouveau bâtiment, une formule du même genre sera renégociée dans le courant de cette année. « L’équipage du futur navire pourrait être mixte », souligne Lieven Naudts. « En partie militaire et en partie civil ».
Quel nom pour le nouveau navire?
Il restera encore à trouver un nom à ce nouveau fleuron de la recherche belge. Ce qui est certain, c’est qu’il ne portera pas le nom de son prédécesseur. Si on le désigne aujourd’hui de « New Belgica » par facilité, « la Secrétaire d’État à la Politique scientifique suggère de lui trouver un nouveau nom en rapport avec la mer ou avec une femme », indique encore le Dr Naudts. Afin d’identifier ce nom, un concours devrait être lancé dans les écoles cette année. Une sélection sera opérée en ligne dans cette liste. Le grand public sera donc mis à contribution. Chacun pourra voter afin de désigner le nom du futur bâtiment.
Cap sur davantage de collaborations internationales
La polyvalence du Belgica l’a amené à assurer des missions en Belgique, mais aussi en dehors de nos eaux territoriales, et ce au bénéfice de la Science belge et étrangère. Cette collaboration internationale devrait encore s’accentuer avec le nouveau bâtiment. On compte sur lui 300 jours par an (en mer). Son terrain d’action sera nettement plus étendu. Il pourra aussi rendre des services à des entreprises privées intéressées par des recherches techniques en mer.
Quel avenir pour l’actuel Belgica?
Quand le nouveau navire deviendra opérationnel, l’actuel Belgica sera bien entendu déclassé. Que deviendra-t-il alors? Trois options sont aujourd’hui envisageables:
- – Il pourrait être offert à la ville de Tamise, où se situait le chantier naval qui l’a construit, et ce afin d’être transformé en une sorte de musée
- – Une revente de ce navire est également envisageable à un éventuel opérateur intéressé
- – On pourrait également décider de le démanteler et de le vendre au prix de la ferraille…
Quelle que soit l’option choisie, le vieux loup de mer scientifique belge n’en est pas encore là.
En 2018, son carnet de bal est encore bien rempli. Il devrait mener au minimum 31 missions cette année et passer quelque 180 jours en mer. L’an dernier, il totalisait 37 missions à son actif. Dont plusieurs étaient dédiées à la formation d’étudiants issus de nos universités (ULiège et ULB, notamment).