En quelques semaines, le groupe de travail mis sur pied à l’initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) sur les conséquences du Brexit vient de boucler son premier rapport. Il concerne notamment la recherche et la mobilité des étudiants.
Ses constats ne sont guère réjouissants. La sortie britannique de l’Union risque d’avoir d’importants impacts pour les chercheurs belges, tant les liens entre nos deux pays sont étroits dans ce domaine.
« Deux chiffres donnent la mesure de ces relations », souligne Philippe Busquin, président du Groupe de travail en question et ancien commissaire européen (belge) à la Recherche.
Des projets de recherche commun pour 37 millions d’euros dans Horizon 2020
« Le Royaume-Uni est le principal partenaire des institutions de la Fédération Wallonie-Bruxelles en termes de publications scientifiques. Entre 2006 et 2015, ce sont plus de 7.000 publications qui ont été cosignées par des chercheurs de la FWB avec des collègues britanniques. Ce qui place le Royaume-Uni à la troisième place derrière la France et les Etats-Unis », précise Philippe Busquin.
« D’autre part, sur les 150 projets de recherche multi-bénéficiaires du programme Horizon-2020 auxquels participent des opérateurs de la FWB, il constate que 105 impliquent des chercheurs britanniques. Ces projets impliquant des partenaires britanniques apportent à la FWB des financements à hauteur de plus de 37 millions d’euros », souligne-t-il.
Taux de réussite majoré
Un autre aspect de ces bonnes relations entre la FWB et les chercheurs d’outre-Manche concerne le taux de réussite des projets soumis par les opérateurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux appels d’Horizon 2020, le grand programme de recherche de la Commission européenne (un programme doté de quelque 80 milliards d’euros).
« En moyenne, le taux de réussite à ce programme est faible: 11,8% pour les années 2014-2015 », indique le rapport. Pour les projets impliquant des acteurs de la FWB, ce taux de succès se situe à 17,22% (201 projets financés sur 1.167 propositions). « Quand une équipe britannique fait partie de ces propositions, le taux de succès monte à 19,09% », précise le rapport, réalisé notamment avec la collaboration de Wallonie-Bruxelles International (WBI), le Fonds de la Recherche scientifique (F.R.S.-FNRS) et l’Académie de Recherche et d’enseignement supérieur (ARES).
Risque de révision de certaines politiques européennes
« Dans les scénarios les plus sombres, nous constatons que d’un point de vue strictement financier, le Brexit entraînera un surcoût de quelque 257 millions d’euros pour la Belgique. Une somme qui concerne plus particulièrement les secteurs de la Recherche, les fonds régionaux européens, et Europe Creative », analyse de son côté Rudy Demotte, Ministre-Président du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
« Mais les effets du Brexit seront sans doute bien plus importants en termes de politiques et de programmes européens », estime encore Rudy Demotte. « Les obligations budgétaires du Royaume-Uni envers l’UE sont actuellement estimées à quelque 60 milliards d’euros. Avec la disparition de ces moyens, ce sont des politiques entières qui risquent d’être revues. Et avec elles, les bénéfices que la FWB en retire. »
Parmi les recommandations qui émaillent le rapport du groupe de travail « Brexit » de la FWB, on remarquera notamment la nécessité de conserver le principe d’excellence comme seul critère d’évaluation des demandes de financements européens en matière de R&D. « Et non évoluer vers un critère de retour géographique », estime M. Demotte. Ce qui serait stérile, voire néfaste, à ses yeux.
Se positionner davantage comme coordinateurs de projets de recherches
Le Brexit pourrait par contre aussi être profitable aux chercheurs de la FWB. « Surtout si ceux-ci se positionnent davantage comme coordinateurs de projets de recherches européens », dit Philippe Busquin. “La coordination de tels projets a un effet positif sur la visibilité de nos chercheurs et de nos institutions”, estime-t-il. Les Britanniques en tirent profit. « A nous d’en faire autant ».
« Ce premier rapport de la FWB sur les impacts potentiels du Brexit pour les francophones de Belgique va être transmis au gouvernement fédéral pour son information », indique Rudy Demotte, le Ministre-Président du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
« Nous suggérons à nos collègues de la Région wallonne, mais aussi de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région flamande de se livrer à leur tour à cet exercice. Les conséquences de la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni auront des impacts dans de multiples domaines”.
Les impacts directs du Brexit
Selon le premier rapport du groupe de travail Brexit de la FWB, la sortie du Royaume-Uni de l’Union aura les conséquences directes suivantes:
Au 30 mars 2019, l’Union des 27 Etats-Membres sera amputée de 65 millions de citoyens (sur 510 millions actuellement).
Le revenu intérieur brut de l’Union européenne sera réduit de 16%.
La liberté de circulation des 3,2 millions de ressortissants de l’UE installés au Royaume-Uni, dont 25.000 Belges environ, sera affectée.
Parmi ceux-ci, on retrouve 2925 étudiants belges, qui étaient inscrits dans les universités britanniques pour l’année 2014-2015.
Si le Royaume-Uni est une destination prisée par les étudiants de la FWB dans le cadre du programme Erasmus+ (après l’Espagne et à égalité avec l’Italie), on remarquera que l’attractivité de la FWB pour les étudiants britanniques est, elle, moins grande… Seuls 84 étudiants britanniques sont venus en FWB en 2014-2015 dans le cadre du programme Erasmus+.
D’où la recommandation suivante du Groupe de travail Brexit de la FWB: « La Fédération Wallonie-Bruxelles, via WBI et l’ARES, devrait continuer à se positionner en vue d’attirer davantage d’étudiants internationaux, de façon à participer à une notoriété accrue de ses établissements d’enseignement supérieur ».