Le physicien britannique Stephen Hawking est décédé dans la nuit de mardi à mercredi à l’âge de 76 ans. Souffrant d’une maladie neurodégénérative (une sclérose latérale amyotrophique) diagnostiquée à l’âge de 21 ans, alors qu’il était encore étudiant en physique à l’Université de Cambridge (dans les années ’60), l’auteur du best-seller « Une brève histoire du temps », aura finalement connu une longue vie. À l’époque pourtant, les médecins ne lui laissaient pas deux années d’espérance de vie… Au cours de son existence, le physicien est venu à diverses reprises à Bruxelles, à l’invitation notamment des Instituts internationaux Solvay (ULB-VUB).
Une rencontre à Bruxelles
Les travaux théoriques de Stephen Hawking ont porté sur le temps, la vie de l’Univers et ses particularités, pour ne pas dire ses « singularités ». Quand nous l’avions rencontré en 2007, à Bruxelles, il nous avait parlé de certains volets de ses travaux. Principalement en ce qui concernait les trous noirs.
Il nous avait aussi expliqué pourquoi, alors qu’il était déjà largement immobilisé par la maladie, il venait de participer à un vol parabolique aux États-Unis. Il s’agit de ces vols où les avions suivent des trajectoires paraboliques, au sommet desquelles quelques secondes de microgravité sont générées dans la cabine. Cela avait permis à Stephen Hawking de ressentir ce qu’expérimentent les astronautes dans l’espace.
Pourquoi cet intérêt pour un vol parabolique? « La survie de l’espèce humaine dépendra de son aptitude à se trouver de nouveaux gîtes, ailleurs dans l’Univers parce que le risque de destruction de la Terre ne cesse de croître », disait-il. « Je veux donc attirer l’attention du public le plus large sur les vols spatiaux ».
Conseil de physique Solvay de 2011
« D’un point de vue scientifique, Stephen Hawking a été à l’origine de contributions remarquables sur les trous noirs », explique le Pr Marc Henneaux, directeur des Instituts Internationaux Solvay (ULB et VUB). Le Pr Henneaux a eu le plaisir d’accueillir à diverses reprises le Pr Hawking en Belgique, notamment dans le cadre du Conseil de physique Solvay de 2011, qui marquait le 100e anniversaire de ces fameux Conseils.
« Dans un premier temps, la Communauté scientifique n’a pas pris ses solutions sur les trous noirs très au sérieux. Elles portaient sur un effondrement gravitationnel de la matière sur elle-même que rien ne pouvait arrêter. Certains physiciens ont jugé dans un premier temps ses solutions absurdes, arguant que dans la nature un tel phénomène ne pouvait pas se réaliser », détaille le Pr Henneaux, depuis Princeton, où il mène actuellement et pour quatre semaines des recherches scientifiques.
Prédiction mathématique de l’existence des trous noirs
« Les travaux d’Hawking étaient purement mathématiques, rappelons-le. Ses travaux mathématiques étaient réalisés sur base des équations qui décrivent la gravitation (les équations d’Einstein) », continue-t-il. « Elles avaient en effet un côté qui était très perturbant. Mais au final, il est apparu qu’il avait raison. Les astrophysiciens ont fini par détecter, de manière indirecte, l’existence de très nombreux trous noirs dans l’Univers ».
Les trous noirs et les problèmes qui s’y rapportent ont longuement occupé ses travaux. Il a ainsi notamment découvert ce qu’on appelle désormais le rayonnement de Hawking. « Il a montré que si on tenait compte de la mécanique quantique, les trous noirs n’étaient pas aussi noirs que ce que l’on pensait », reprend Marc Henneaux. « Il a montré mathématiquement qu’ils pouvaient aussi rayonner. Cela n’a toutefois pas été mis en évidence par des « observations » (une façon de parler). Parce que le rayonnement des trous noirs de taille astrophysique est extrêmement faible et donc trop petit pour pouvoir être détecté directement ».
« Il a aussi contribué aux développements de nos connaissances en cosmologie. Il a montré l’origine quantique des fluctuations initiales dans le rayonnement de corps noirs de l’Univers. Des petites fluctuations qui ont ensuite été amplifiées par la gravitation et ont donné naissance aux galaxies ». Il a donc pu démontrer l’origine quantique de la structure dans l’Univers ».
Du sommet de l’Atomium à la « Mort Subite »
« Sa volonté et sa passion pour la physique l’ont porté tout au long de sa vie », estime Marc Henneaux. « Cela l’a certainement aidé à surmonter sa maladie. Il avait également une économie de pensée extraordinaire », se souvient le scientifique belge. « Sa maladie l’y a obligé. Il allait droit au but. Il disait en quelques mots, en quelques phrases les points essentiels d’un raisonnement, d’un mécanisme ou d’une pensée. C’était remarquable ».
Stephen Hawking avait été invité à trois Conseils Solvay. Il avait accepté ces invitations, mais n’avait finalement pu se rendre qu’à celui de 2011, pour des raisons de santé.
Par contre, il participa à plusieurs ateliers scientifiques organisés en Belgique. Il fit même le déplacement en 2007, toujours à l’invitation des Instituts Solvay, pour donner une conférence grand public au Heysel.
Un événement qui a marqué Marc Henneaux. A cette occasion, le Pr Hawking avait demandé à déjeuner au restaurant situé au sommet de l’Atomium… « Ce fut toute une expédition pour l’y amener », se souvient le physicien théoricien belge. « L’ascenseur n’arrivait pas jusqu’au niveau du restaurant. Les derniers escaliers étaient les plus difficiles à franchir, tellement le fauteuil du Pr Hawking, doté d’imposantes batteries, était lourd. Mais nous avons réussi. »
« Une autre fois, c’est à la Mort Subite (un célèbre café à Bruxelles) que Stephen Hawking avait voulu se rendre », indique encore Marc Henneaux. “Curieux de tout, il désirait goûter une gueuze… ».
Les séjours de Stephen Hawking étaient aussi rythmés par des diners chez Madame Solvay, à La Hulpe, qui le recevait systématiquement. Une autre facette des relations particulières qu’il entretenait avec la Belgique.