Décollage de la fusée Falcon 9, de la société SpaceX, qui emmène l'expérience ArtEMISS vers l'ISS.
Décollage de la fusée Falcon 9, de la société SpaceX, qui emmène l'expérience ArtEMISS vers l'ISS. © NASA

Les yeux et les oreilles de Daily Science (95)

17 décembre 2017
Durée de lecture : 11 min

L’expérience belge ArtEMISS est en orbite, un mois en Antarctique pour mieux comprendre notre système immunitaire, les dégâts des sangliers estimés par drones interposés, la santé des arbres bruxellois suivie par la couleur de leur feuillage, l’Open Access sur la bonne voie en Fédération Wallonie-Bruxelles et obligatoire en Suisse dès 2020, les secrets des trous noirs à la Une de research*eu…

À la rédaction de Daily Science, nous repérons régulièrement des informations susceptibles d’intéresser (ou de surprendre) nos lecteurs. Découvrez notre dernière sélection.

 

L’expérience belge ArtEMISS est en orbite

L’expérience ArtEMISS, élaborée en Belgique depuis 10 ans, vient de prendre son envol vers la Station spatiale internationale (ISS). Elle a décollé vendredi de Cap Canaveral, à bord d’une fusée Falcon 9 de la société SpaceX.

Dans la capsule pressurisée Dragon qui coiffe cette fusée, ArtEMISS («Arthrospira gene Expression and mathematical modelling on cultures grown in the International Space Station») n’est pas la seule expérience scientifique présente. Plusieurs dizaines d’autres expériences accompagnent le photobioréacteur belge dans ce voyage. Notamment un détecteur de débris spatiaux qui va mesurer la « propreté » de l’espace sur la trajectoire de la station spatiale pendant deux ans.

La capsule Dragon restera amarrée à l’ISS pendant environ un mois. Elle ramènera ensuite sur Terre plusieurs équipements scientifiques. Son amerrissage est prévu dans l’océan Pacifique, au large des côtes du Mexique, où elle pourra être récupérée.

Un mois en Antarctique pour mieux comprendre notre système immunitaire

Vivre pendant un mois dans des conditions extrêmes de confinement afin de mieux décrypter le comportement de notre système immunitaire: telle est l’expérience que le Pr Sarah Baatout va vivre en Antarctique dès ce week-end.

Le Dr Sarah Baatout dans une soufflerie de l'Institut von Karman, face à une maquette de la Station polaire Princess Elisabeth.
Le Dr Sarah Baatout dans une soufflerie de l’Institut von Karman, face à une maquette de la Station polaire Princess Elisabeth.

Chef de l’unité de Radiobiologie du Centre d’étude de l’énergie nucléaire (SCK-CEN), la scientifique, qui étudie l’impact des conditions extrêmes (confinement, stress, isolement, …) sur le système immunitaire humain, est en effet en route pour la Station polaire belge Princess Elisabeth. Elle va y mener une série d’analyses sur des volontaires travaillant sur place.

Ces analyses devraient livrer des informations sur le niveau de stress de ces volontaires et l’effet de cet environnement particulier sur leur système immunitaire. Le Dr Baatout testera également sur place toute une série de médicaments qu’emportent les astronautes durant leurs missions spatiales afin d’analyser notamment leur stabilité et leur résistance au rayonnement.

Pour suivre en direct la mission polaire de Madame Baatout, rendez-vous sur son blog.

Les dégâts des sangliers estimés par drones interposés

Les populations croissantes de sangliers (Sus scrofa L.) causent de plus en plus de dommages aux terres agricoles. Une nouvelle méthode basée sur l’utilisation d’un drone permet désormais d’estimer ces dommages de manière rapide, standardisée et objective.

C’est la chercheuse Anneleen Rutten, doctorante à l’Université d’Anvers et scientifique à Institut de Recherche sur la Nature et les Forêts (INBO), Bruxelles, qui a mis cette méthode au point. Elle vient de la présenter à la conférence « Ecology Across Borders », organisé à Gand.

Cette conférence est organisée conjointement par la British Ecological Society, la Gesellschaft für Ökologie (Société écologique d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche) et la NecoV (Société écologiste néerlandaise), en association avec la Fédération écologique européenne. But de cette réunion: rassembler des centaines d’écologistes (1.500 cette année, issus de 60 pays) pour discuter des dernières avancées de la recherche dans ce domaine.

Anneleen Rutten utilise un drone disponible dans le commerce pour prendre des photographies aériennes de champs agricoles endommagés. Ces images sont ensuite analysées à l’aide d’un algorithme identifiant les zones de dégâts.

En Flandre le sanglier, qui avait disparu depuis 50 ans, est de retour depuis 2006. Les estimations des statistiques de chasse montrent l’existence d’une population croissante qui continue d’étendre son aire de répartition depuis la province orientale du Limbourg jusqu’au centre (Anvers et Brabant flamand).

La structure du paysage en Flandre a changé au cours des années d’absence des sangliers, ce qui a donné lieu à une mosaïque dense de zones agricoles, naturelles et urbaines.

« Je voudrais obtenir un premier aperçu de l’ampleur des dégâts agricoles causés par les sangliers en Flandre, car contrairement aux régions et aux pays voisins, les dégâts ne sont pas surveillés et on ne sait pas quelle est l’ampleur financière des dommages causés aux cultures », explique Anneleen Rutten.

Exemple de dégâts causés par des sangliers dans un champ de maïs. © Anneleen Rutten, Université d’Anvers et INBO
Exemple de dégâts causés par des sangliers dans un champ de maïs. © Anneleen Rutten, Université d’Anvers et INBO

« La méthode a été développée pour être abordable et facile à appliquer. Je connecte mon smartphone à la télécommande de mon drone ce qui me permet de voir les images de la caméra du drone. Les dégâts sont vraiment évidents sur l’image: les sangliers retournent la terre dans le maïs, ce qui fait que vous avez des trous dans la couverture avec des tiges brisées dans les surfaces d’un champ de maïs normalement vert. Dans les prairies, l’enracinement provoque une nette différence de couleur avec l’herbe », explique-t-elle.

Pour chaque champ, de nombreuses photographies avec 75 à 85 % de chevauchement sont prises. Le chevauchement élevé permet de combiner toutes ces photos en une seule image corrigée pour les différentes perspectives. Le champ est ensuite divisé en zones endommagées et non endommagées à l’aide de l’OBIA (Object Based Image Analysis). L’algorithme atteint 93 % de précision pour les champs de maïs et 94 % pour les prairies.

« Traditionnellement, les dommages aux cultures sont estimés par des experts qui mesurent la superficie endommagée dans le champ. Voler et prendre des photos d’un champ endommagé ne prend pas autant de temps qu’une évaluation par visite sur le terrain, ce qui le rend aussi rentable », ajoute Rutten. Un autre avantage est que la méthode est standardisée, ce qui permet des comparaisons directes entre différents domaines et dans le temps.

La santé des arbres bruxellois suivie par la couleur de leur feuillage

Lors de cette même conférence “Ecology Across Borders », une équipe de l’Université de Leuven (KU Leuven), a présenté une méthode rapide, économique et objective pour cartographier, évaluer et surveiller l’état de santé des arbres en ville. Ce sont les feuillus bruxellois qui ont servi de cobayes.

Les chercheurs combinent les images de deux capteurs spécialisés installés dans des avions pour évaluer la densité du feuillage et la couleur des feuilles des arbres bruxellois. Grâce aux données LiDAR (Light Detection and Ranging), ils peuvent détecter et délimiter individuellement chaque arbre via des mesures de distance très précises entre l’avion et les objets au sol. Cette méthode génère donc une représentation 3D détaillée de la ville.

Ensuite, les chercheurs combinent ces informations avec des données hyperspectrales, qui permettent de déterminer la densité et la santé des feuilles des arbres.

Arbres en ville surveillés par LIDAR. © Jeroen Degerickx, KU Leuven.
Arbres en ville surveillés par LIDAR. © Jeroen Degerickx, KU Leuven.

« Hyperspectral » signifie que le diagramme de longueur d’onde de la lumière réfléchie par les objets est mesuré en très haute résolution. Chaque objet reflète différentes parties du spectre de la lumière en fonction de ses propriétés telles que sa couleur, ses composants chimiques et sa structure. Comme les arbres souffrant d’une maladie ou d’un stress environnemental deviennent moins verts et ont moins de feuilles, ces données permettent de distinguer les arbres sains des arbres en mauvais état.

Cette étude se concentre sur les quatre espèces d’arbres les plus couramment utilisées dans les espaces verts publics et le long des voies publiques à Bruxelles: l’érable (Acer spp.), le marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), le platane (Platanus spp.) et le tilleul (Tilia spp.).

« Cette cartographie aéroportée de la santé des arbres représente une extension considérable aux inventaires de terrain à forte intensité de main-d’œuvre actuellement mis en œuvre et pourrait donc bénéficier grandement aux gestionnaires de l’écologie urbaine », estime Jeroen Degerickx, l’auteur principal de cette étude.

L’Open Access obligatoire en Suisse dès 2020…

À partir de 2020, toutes les publications issues de projets financés par le FNS (Fonds national suisse de la Recherche scientifique) devront être disponibles gratuitement et en format numérique. Ainsi en a décidé le Conseil national de la recherche.

“Les résultats de la recherche financée par des fonds publics constituent un bien public”, explique Matthias Egger, président du Conseil national (suisse) de la recherche. Le libre accès (“Open Access” ou OA) devient un standard dans le monde de la science. Jusqu’à présent, moins de 50 % des publications issues d’un encouragement du FNS ont rempli cette condition. À partir de 2020, 100 % des publications devront être disponibles gratuitement et en format numérique.

“Ce sont les chercheuses et chercheurs qui profitent eux-mêmes le plus de l’Open Access : leurs résultats sont mieux pris en compte. En outre, ils accèdent de façon illimitée aux publications de leurs collègues. Cela fait avancer la science”, déclare Matthias Egger. De même, les connaissances scientifiques sont plus rapidement intégrées dans l’économie, la politique et la société.

Les chercheuses et chercheurs peuvent publier leurs résultats dans des revues et des livres OA. Il s’agit de la procédure “golden road”. Dans le second cas de figure, ils déposent les publications dans des banques de données publiques, par exemple dans la banque de données d’une université. Il s’agit de la méthode “green road”.

… et sur les rails en Fédération Wallonie-Bruxelles

Dans ce même domaine de l’accès libre aux résultats de la recherche, on notera que début décembre, le gouvernement la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) a adopté en deuxième lecture l’avant-projet de décret visant l’établissement d’une politique de libre accès aux publications scientifiques.

Cet avant-projet, déposé par Jean-Claude Marcourt (PS), Vice-Président du Gouvernement, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias, est consacré à la mise en œuvre et à l’organisation dans les institutions et organismes de recherche de la Fédération du premier des piliers de l’Open Science : l’Open Access ou l’accès libre aux résultats de la recherche ayant bénéficié, ne fut-ce qu’en partie, d’un financement public.

« En favorisant le partage des résultats de la recherche ayant fait l’objet d’un financement public, le décret «Open Access» permet la libre circulation du savoir et favorise ainsi l’innovation », indique le ministre Marcourt dans un communiqué. « Accroître la visibilité des chercheurs, de leurs travaux et des institutions d’enseignement supérieur tout en favorisant l’accessibilité du savoir par l’ensemble de la population sont les objectifs sous-jacents de ce nouveau texte législatif. »

Le décret prévoit notamment que les chercheurs déposent dans une archive numérique institutionnelle leurs publications scientifiques issues de leurs recherches réalisées avec le soutien de fonds publics.

Les secrets des trous noirs

Le dernier numéro du magazine « research*eu », disponible gratuitement (mais uniquement en anglais), plonge au cœur de la recherche (européenne) sur les trous noirs.

« Les débats entre physiciens autour des trous noirs n’ont jamais été aussi animés », indique le magazine. « Même si nous en savons plus sur l’étendue et la densité des trous noirs, sur la façon dont ils absorbent la matière jusqu’à l’horizon des événements ou comment ils s’évaporent progressivement jusqu’à disparaître, certaines des questions les plus importantes sur ces objets restent encore sans réponse ».

« À titre d’exemple, on ne sait toujours pas comment peut naître un trou noir supermassif dont la masse équivaut à des millions ou des milliards de fois celle de notre soleil, ou comment les systèmes de trous noirs binaires affectent la matière qui les entoure. Sans parler, bien sûr, de la question fondamentale de ce qui constitue un trou noir ou même de son impact sur la matière qui l’entoure, lorsqu’elle n’est pas suffisamment proche pour être absorbée ».

« Mais au-delà de leurs propres caractéristiques physiques, les trous noirs sont également le théâtre d’une des énigmes les plus passionnantes données à résoudre aux physiciens: l’unification de la relativité générale (la théorie d’Einstein expliquant la gravité) et de la mécanique quantique, qui explique les trois autres forces de l’univers. Cette unification conduirait à la très recherchée Théorie du tout, le Saint Graal des physiciens. Pour cela, il faut encore élucider le paradoxe des informations sur les trous noirs, qui illustre assez bien le conflit actuel entre les deux lois ».

 

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