Stépahne Roberty mesure l'activité photosynthétique Photo Eric Béraud, Centre Scientifique Monaco.
Stépahne Roberty mesure l'activité photosynthétique Photo Eric Béraud, Centre Scientifique Monaco.

L’Université de Liège au chevet des récifs coralliens

17 décembre 2018
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

De la même manière que la Terre abrite des massifs forestiers, les mers tropicales sont tapissées de récifs coralliens. Essentiels à la vie marine, les coraux hébergent une importante biodiversité.

Pendant plus de deux ans, le bateau scientifique « Tara » a navigué sur l’océan Pacifique pour étudier ces écosystèmes et leur réponse face au réchauffement climatique.

 

La goélette amarrée dans la baie de Malakal (Koror Palaos). © Stéphane Roberty
La goélette amarrée dans la baie de Malakal (Koror Palaos). © Stéphane Roberty

Deux chercheurs de l’Université de Liège, Pierre Cardol et Stéphane Roberty,  ont rejoint l’expédition en janvier 2018. Leur travail? Ils y ont examiné les conséquences du réchauffement global sur l’activité photosynthétique des coraux.

Coraux et microalgues, une relation vitale

Pour rappel, ce sont les microalgues vivant en symbiose avec les coraux qui réalisent la photosynthèse. L’animal offre aux algues un abri et une exposition lumineuse, pendant que celles-ci fournissent de l’oxygène et des éléments nutritifs au corail.

 

Itinéraire de l'expédition Tara Pacifique.
Itinéraire de l’expédition Tara Pacifique.

Si l’activité photosynthétique des microalgues est défaillante, les coraux blanchissent, et peuvent mourir, faute d’apport en nourriture.

C’est aux Palaos, un archipel de l’océan Pacifique, que les scientifiques liégeois ont jeté l’ancre. Ils y ont comparé les récifs de deux sites distincts. Le 1er servait de site contrôle, quand le second présentait une eau naturellement plus acide. Le but : mieux comprendre la capacité d’adaptation des coraux face à l’acidification des océans, dont est responsable le réchauffement climatique.

 

La photosynthèse sous acide

« Nous avons étudié l’activité photosynthétique de plusieurs espèces de coraux, en vérifiant si cette activité variait selon les sites. Et si on observait des différences entre espèces » précise le Dr. Stéphane Roberty, chercheur au laboratoire d’Écophysiologie et physiologie animale.

 

Les scientifiques ont collecté entre 70 et 80 échantillons et ont mesuré sur place cette activité à l’aide de méthodologies spectrophotométrique et biophysique. Des outils habituellement utilisés en laboratoire.
Ces travaux se sont poursuivis en Belgique. Les chercheurs déterminent aujourd’hui la densité en microalgues des coraux recueillis, ce qui les renseigne sur la santé de l’animal. Et distingue génétiquement les espèces de microalgues hébergées par le corail, afin d’identifier celles qui se développent le mieux en milieu plus acide.

Un squelette plus fragile

À ce stade de l’étude, il est donc encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.
« Néanmoins, nos mesures sur place ont montré qu’il existait bien une différence entre les espèces dans l’activité photosynthétique, et ce dans les deux sites » précise le Dr Pierre Cardol, chercheur qualifié F.R.S.-FNRS au laboratoire de Génétique et physiologie des microalgues.

Récif corallien. © David Monmarché
Récif corallien. © David Monmarché

« Nous constatons également que les zones acides présentent une diversité corallienne plus importante » poursuit Stéphane Roberty.

En revanche, une plus grande acidité des eaux « fragilise le corail en diminuant la densité de son squelette, qui devient alors plus poreux » ajoute Pierre Cardol.

Le « hot spot » des coraux menacé

Les microalgues quant à elles sont plutôt sensibles à l’augmentation de la température, combinée à une luminosité élevée. « En règle générale, une variation de quelques degrés au-dessus de leur température optimale de croissance suffit pour qu’elles soient stressées ».

Quelques espèces de microalgues pourraient mieux résister au changement de température selon Pierre Cardol. Et ainsi conférer aux coraux qui les hébergent une meilleure résistance dans des régions océaniques précises. Reste que le « Triangle de Corail » (comprenant les îles Palaos), où l’on trouve la plus grande quantité de coraux, se trouve particulièrement menacé.

Les populations humaines en danger

Au-delà de la perte considérable de la biodiversité, la disparition des coraux mettra aussi en péril les populations locales.

Écoutez Stéphane Roberty expliquer pourquoi:

 

Les experts du GIEC affirment en effet dans leur dernier rapport qu’une augmentation de la température de 1.5°C risque de faire disparaître 70 à 90% des récifs. Ce qui impacterait directement des centaines de millions de personnes.

 

Un des sites les plus acides, observé par le Dr Roberty. © S. Roberty
Un des sites les plus acides, observé par le Dr Roberty. © S. Roberty
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