Négocier, une affaire de mâles ?

3 juin 2014
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min

Négocier efficacement est le propre de l’homme… «Que ce constat nous dérange ou non, force est d’admettre qu’il recèle une part de vérité», estime Stéphanie Demoulin, professeure de psychologie sociale à l’Université catholique de Louvain. «Mais les différences entre hommes et femmes en négociation sont plus complexes qu’on ne pourrait le penser au premier abord.»

 

À tous les stades de la négociation, des différences s’observent. Des recherches montrent que les femmes déterminent des objectifs et des points d’aspiration plus bas que les hommes. Elles sont sensiblement plus marquées par la coopération. Tandis que les hommes sont plus orientés vers la compétition. Ils abordent les aspects financiers plus tôt. Escomptent de meilleurs résultats. S’attendent à être mieux rémunérés. Sans être perturbés s’ils sont mieux rétribués que leurs collègues. Conclusion: les femmes engrangent des résultats sensiblement moins bons que les hommes.

 

La testostérone contestée

 

Des chercheurs mettent en cause une production plus abondante de testostérone chez les hommes. Cette hormone stéroïde accroît la probabilité d’un comportement agressif chez les rongeurs. Christoph Eisenegger a voulu en avoir le cœur net. Avec ses collaborateurs, le neuroscientifique de l’Université de Zurich a administré à des femmes soit de la testostérone, soit un placébo.

 

Les résultats montrent que, lors d’une négociation, les femmes sous influence de testostérone proposent des répartitions plus équitables que les femmes du groupe placébo! D’autres explications sont avancées. La répartition ancestrale des tâches qui se prolongent au travers de l’éducation. Des stéréotypes qui associent masculinité avec compétence et féminité avec sociabilité…

 

Psychologie de la négociation, par Stéphanie Demoulin, Editions Mardaga.
Psychologie de la négociation, par Stéphanie Demoulin, Editions Mardaga, 32 euros.

«Pour une femme comme moi, écrire tout un chapitre mettant en avant les déficiences des femmes en matière de négociation n’a rien d’agréable», avoue l’auteure de la «Psychologie de la négociation».

 

«Il paraît peu probable et vraisemblablement peu souhaitable d’intervenir au niveau biologique. Par contre, il nous est loisible de travailler sur les autres aspects. Dans les entreprises, il est possible d’attirer l’attention des gestionnaires sur les effets néfastes de discussion entre hommes et femmes de positions hiérarchiques différentes. Malheureusement, en 2013, les femmes n’occupaient que 24% des postes de direction dans le monde.»

 

La Chine compte 51% de cadres supérieurs de sexe féminin. Contre seulement 11% dans les Émirats arabes unis et les Pays-Bas. En Belgique? La Fédération des Entreprises de Belgique ne dispose pas de chiffres à ce sujet.

 

Mesdames, négociez !

 

En disséquant la problématique du genre en négociation, la professeure de psychologie sociale pense en priorité à la gent féminine.
«Négociez, mesdames! Ne vous contentez pas d’accepter ce que l’on vous propose. Soyez conscientes que les propositions de votre interlocuteur sont probablement moins intéressantes que les propositions qu’il ferait à un homme. Lorsque la situation s’y prête, votre tendance à déployer plus de comportements coopératifs que vos pendants masculins pourra vous être bénéfique. »

 

« Vous gagnez à négocier de façon virtuelle plutôt qu’en face à face, car la pression que vous ressentirez à vous conformer aux stéréotypes sera moins forte. Plutôt que de vous cantonner à croire que les différences de genre sont d’ordre biologique, reconnaissez leurs antécédents sociaux et culturels.»

 

Le livre de Stéphanie Demoulin est avant tout destiné à aider ses étudiants. Pratique par la succession de conseils qui terminent les chapitres, l’ouvrage est utile à tout un chacun intéressé par la compréhension des mécanismes psychologiques de la négociation. Et par les tournures que peuvent prendre les discussions.

 

Des exemples? Les négociateurs durs et peu conciliants, faisant peu de concessions en début de discussion et qui plus tard se montrent coopératifs en accroissant leurs concessions, sont plus efficaces à produire des concessions chez leurs interlocuteurs.

 

Des chercheurs ont prouvé qu’accepter directement une première offre est évalué comme étant moins satisfaisant qu’un résultat similaire, voire objectivement moins bon, obtenu après une longue séquence de négociation.

 

 

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