En Arizona, Aurélie Buffin étudie les fourmis

5 août 2014
Par Elise Dubuisson
Durée de lecture : 5 min

Série (2/5)« Belge, scientifique et expatrié »

 
Plongée dans le monde des fourmis depuis son mémoire, Aurélie Buffin a choisi, après plusieurs années de recherches à l’Université Libre de Bruxelles, de s’expatrier en Arizona au sein de l’Arizona State University où les fourmis sont traitées en reines ! Il faut dire que là-bas, il suffit d’une virée dans le désert au petit matin pour trouver des colonies prêtes à être observées.

 

Une étudiante qui a la bougeotte

 
L’Arizona est loin d’être la première destination de la chercheuse ! Elle commence à voyager dès la fin de ses études secondaires. À cette époque, elle est certaine de deux choses : elle veut étudier les sciences et voyager.
 
Mais d’abord voyager… Avant de commencer l’unif, direction les Etats-Unis pour 6 mois suivis de 5 mois en Hollande. De retour en Belgique, le choix de ses études se dessine plus précisément : elle fera la biologie plutôt qu’ingénieur, les études qu’elle avait envisagées au sortir de sa rhéto. « Je préfère comprendre le pourquoi du comment d’un phénomène scientifique plutôt que de l’appliquer », explique la chercheuse.

 

De la VUB à Madrid

 
Outre la passion des voyages, Aurélie Buffin a aussi un attrait tout particulier pour les langues étrangères. Afin de ne pas oublier la langue de Vondel apprise lors de son séjour en Hollande, elle s’inscrit pour deux ans à la Vrije Universiteit van Brussel.
 
« Mes candidatures terminées, l’envie de voyager me démange à nouveau et je pars en Erasmus à Madrid. Là bas, j’ai vraiment pu apprécier une tout autre manière de travailler. Contrairement à l’idée que l’on pourrait avoir d’un Erasmus en Espagne, il n’était pas vraiment question de farniente au soleil. J’ai travaillé comme une dingue là-bas».
 
De retour en Belgique, elle s’inscrit à l’Université Libre de Bruxelles où elle termine son cursus en biologie animale. « L’option biologie animale s’est presque imposée comme une évidence. Je voulais me lancer dans les sciences comportementales parce que dans ce domaine, les protocoles doivent continuellement être réinventés. J’aimais l’idée de devoir faire preuve de créativité et de débrouillardise pour mener à bien des recherches. »

 

Rencontre avec les fourmis

C’est à cette époque qu’elle commence à s’intéresser aux fourmis. Un peu par hasard d’ailleurs… « Lorsque je suis rentrée d’Erasmus, il ne restait plus beaucoup de sujets de mémoire disponibles, je n’ai pas eu grand choix. Je suis allée frapper à la porte de Jean-Louis Deneubourg, de l’Unité d’écologie animale (ULB) qui m’a proposé un sujet sur les fourmis et un autre sur les blattes…
 
Les fourmis ont eu ma préférence ! » Un mémoire suivi par une thèse de doctorat sur la répartition de la nourriture au sein des colonies de fourmis de l’espèce Formica fusca.

 

Direction Phoenix

Alors que sa thèse n’est pas encore terminée, Aurélie Buffin prépare déjà son prochain départ. « Dans la recherche, il est important de voyager et de décrocher des bourses. En allant à l’étranger, on s’ouvre plus de pistes.
 
L’Arizona State University est un des grands centres de recherche sur les insectes sociaux, raison pour laquelle mon choix s’est arrêté sur elle. Par ailleurs, faire de la recherche aux Etats-Unis est une excellente école. On y apprend à monter des projets, à les rédiger et on peut plus facilement mettre en place des collaborations. »

 

Depuis qu’elle est là-bas, la chercheuse travaille sur une nouvelle fourmi, Aphaenogaster cockerelli une espèce du désert que l’on trouve au Sud-Ouest des Etats-Unis. Cette espèce est connue pour le transport coopératif qu’elle réalise : quand une ouvrière sort du nid à la recherche de nourriture et qu’elle trouve une proie trop grosse pour elle, elle retourne au nid, recrute d’autres congénères jusqu’à ce qu’elles soient suffisamment nombreuses pour réussir à porter la proie et la ramener au nid.

 
« Mon travail consiste à étudier l’efficacité de ce transport : sont-elles plus efficaces seules ou en groupe ? Quelle est la répartition du travail la plus efficace ? La coopération n’implique-t-elle pas un coût ? Un consensus atteste que la coopération rend les fourmis plus efficaces que lorsqu’elles sont seules, ce qui n’est pas ce qui ressort de mes propres expériences et observations. Mes recherches tentent d’éclaircir les choses. »

 

Des travaux qui intéressent l’armée

 
Les processus de coopération sont très robustes chez les fourmis. On peut soulever la proie et puis la remettre, rien ne les arrête. Une fois qu’elles ont commencé le transport, elles le terminent. Peu importe les obstacles qu’elles rencontrent.
 
« Ces recherches intéressent beaucoup l’armée américaine qui aimerait transposer cette coopération à des armées de robots. » Le but : avoir à disposition des groupes de robots simples capables de pratiquer le transport collectif sur des zones comme Fukushima pour éviter de devoir y envoyer des hommes.
 
Aurélie Buffin travaille donc avec des chercheurs de la Pennstate University, spécialisés en robotique. Ce sont eux qui sont chargés de tout ce qui est transposition des algorithmes élaborés à partir des résultats obtenus chez les fourmis aux robots.
 
« Pour le moment, nous travaillons surtout à la mise au point d’un senseur qui sert de proie afin d’obtenir des informations précises sur la répartition des forces au sein du groupe de fourmis. C’est essentiel pour transposer ce transport à des robots. Ce senseur est une sorte de ressort assez léger capable de se déformer en fonction des forces appliquées par les fourmis. Cela fait un an qu’on travaille sur le design et la calibration de ce senseur. On y est presque » conclut Aurélie Buffin.

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