Deux herpétologues de l’expédition “Boyekoli Ebale Congo 2010 ” découvrent un serpent (Toxicodryas blandingi) dans un filet tendu pour attraper des chauves-souris. © Kris Pannecoucke
Deux herpétologues de l’expédition “Boyekoli Ebale Congo 2010 ” découvrent un serpent (Toxicodryas blandingi) dans un filet tendu pour attraper des chauves-souris. © Kris Pannecoucke

“Boyekoli Ebale Congo” : un safari scientifique très fructueux

26 août 2014
par Jean Andris
Durée de lecture : 6 min

Série (1/3) Sciences africaines

 

Un serpent cannibale, des amphibiens, des rongeurs (Scutisorex somereni), une chauve-souris, un cercopithèque (un singe), un petit saurien (reptile), un caméléon, une multitude de nouveaux végétaux… Tous parfaitement inconnus! Le gigantesque safari scientifique “Boyekoli Ebale Congo” organisé en 2010 sur le Fleuve Congo est un succès. Il s’écrit encore chaque jour des articles scientifiques, et ce, quatre ans après le travail de terrain. Et pas uniquement en ce qui concerne la découverte de nouvelles espèces. Des centaines, voire des milliers de spécimens ont également été récoltés, documentés, analysés…

 

Fructueux partenariats entre scientifiques du Nord et du Sud

 

Mais surtout, c’est tout un volet de la collaboration scientifique entre la Belgique et le Congo qui a pu être développé, au bénéfice de tous les partenaires ! « Il est particulièrement réjouissant de constater que cette initiative ait permis la mise sur pied d’un centre de la biodiversité à Kisangani et de l’herbarium de Yangambi» indique Aaike de Wever, de l’Institut Royal des Sciences Naturelles, sur le freshwaterblog.

Ces réalisations sont de nature à poursuivre l’œuvre de protection et d’étude de la biodiversité qui a été initiée dans cet immense et biologiquement richissime pays qu’est la République Démocratique du Congo.

 

Mille kilomètres en bateau

 

En 2010, l’expédition, portée par les chercheurs du Musée Royal d’Afrique Centrale, de l’Institut Royal des Sciences Naturelles et du Jardin Botanique de Meise (ainsi que plusieurs universités belges et congolaises), a donc sillonné le fleuve Congo sur plus de mille kilomètres. A bord des péniches : 67 spécialistes issus de 11 nations et de disciplines les plus diverses avaient pris place.

 

Si la quarantaine d’articles scientifiques répertoriés sur le site « Congo Biodiveristy Initiative » et les quelques nouvelles espèces mentionnées ci-dessus attestent de son succès, il ne s’agit toutefois que du sommet de l’iceberg. L’expédition Congo 2010 (en lingala : « Boyekoli Ebale Congo 2010 »), qui s’inscrivait dans le cadre de l’année de la biodiversité a permis d’explorer de multiples facettes de la biodiversité du gigantesque fleuve.

 

Un jardin pas comme les autres

 

Les botanistes par exemple ont recueilli plus d’un millier d’échantillons d’ADN et plusieurs centaines d’espèces de plantes. Certaines inconnues, d’autres peu documentées. Bien que les plantes aquatiques n’aient pas fait l’objectif principal de l’expédition, une jacinthe d’eau envahissante appelée Eichlornia crassipes allant jusqu’à former de véritables îles flottantes en certains endroits a été très (trop?) vue sur le fleuve.

 

Dans la forêt, les scientifiques ont prélevé 84 échantillons de bois. Des feuilles ont également été récoltées. Le dénombrement des arbres de diamètre supérieur à 10 cm a été réalisé. Tout cela dans le seul but de parfaire les connaissances des diverses essences peuplant les rives du fleuve afin de mieux gérer et mieux protéger la forêt.

 

De l’infiniment grand à l’infiniment petit

 

Sur le plan végétal, le phytoplancton, véritable baromètre de la « santé »  de l’eau a également intéressé les chercheurs de l’expédition. L’objectif  était de vérifier la qualité des eaux et d’en suivre l’évolution. « Plusieurs centaines d’échantillons de divers milieux aquatiques ont été  prélevés en vue d’analyser entre autres les diatomées, des microalgues cellulaires », explique Christine Coquyt, chercheur au Jardin Botanique de Meise.

 

Entre bactéries et champignons, les myxomycètes sont présents en nombres dans le fleuve Congo. Environ quarante variantes ont été identifiées dans la région. Bien que connu, on ignorait leur présence dans les zones du bassin du fleuve Congo visitées par l’expédition. De même pour les lichens, le nombre d’espèces trouvées dépasse le triple de celles qui étaient connues dans la région.

 

Sept nouvelles espèces de libellules

 

Les insectes étaient au menu des chercheurs. Ce qui a surpris, c’est que sur les 163 espèces de libellules capturées, nombre d’entre elles n’avaient pas été répertoriées dans ces régions auparavant. Plus encore, sous réserve de confirmation, sept étaient inconnues jusqu’alors. Que dire alors, des mouches ? De leur propre aveu, les spécialistes ne parvenaient pas à se faire une idée exacte du nombre de spécimens qu’ils avaient prélevés. Ils l’estimaient à quelque 10.000. Inutile de dire qu’il y avait là aussi des espèces encore jamais rencontrées.

 

Les amphibiens étaient au rendez-vous

 

Capturés à la main, de nuit comme de jour, 580 spécimens d’amphibiens ont été collectés. Après une étude morphologique et génétique, quelques-uns de ces spécimens se sont avérés appartenir à de nouvelles espèces. Les scientifiques pensent que le fleuve et ses environs sont plus riches encore qu’ils n’ont pu le voir, car l’expédition a eu lieu à la fin de la saison des pluies. Le niveau déjà abaissé des eaux du fleuve pourrait bien être responsable, selon eux, d’une limitation de l’accès des scientifiques aux espèces.

 

Une pêche particulièrement fructueuse

 

Pour ce qui est des poissons et invertébrés marins, la pêche fut véritablement miraculeuse. Quelque 6000 spécimens, appartenant à environ 200 espèces, ont été rapportés. Les chercheurs se sont attachés à l’étude des poissons mais aussi à la recherche de leurs parasites. Leur ADN, en cours d’étude, permettra de constituer une banque de données facilitant l’inventaire de la faune piscicole du fleuve et de ses affluents. D’ores et déjà, cette banque de données contient des informations sur environ 200 espèces décrites dans le bassin du fleuve Congo. Cela représente environ 20% de la quantité estimée d’espèces qui y vivent.

 

Les données de ces travaux sont publiées dans les revues spécialisées et sur le portail belge de la biodiversité. Des échanges ont lieu avec d’autres groupes de chercheurs à travers le monde, si bien que la communauté scientifique mondiale tout entière peut profiter des résultats de l’expédition belgo-congolaise.

 

Mais si le tableau de chasse de l’expédition est impressionnant, comme le dit Christine Cocquyt, du Jardin Botanique de Meise et Coordinatrice de l’équipe de botanistes de l’expédition, « un autre aspect véritablement enthousiasmant de l’expédition est la collaboration qui s’est développée et se poursuit, entre scientifiques belges et congolais. Une des suites appréciables est la tenue à Kisangani de la 1e Conférence Internationale sur la Biodiversité dans le bassin du Congo, en juin de cette année. Un important rapport sur la question y a été présenté. Il contenait un grand nombre de données acquises au cours et à la suite de l’expédition ».

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