Les limites de la conscience explorées à Liège

23 février 2015
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

La question est simple : où se niche la conscience? La réponse est, on s’en doute, loin d’être aussi directe. Le Pr Steven Laureys, neurologue et directeur du Coma Science Group au CHU de Liège (ULg), tente cependant une réponse, de prime abord triviale. « Dans notre cerveau », dit-il ! Mais qu’on ne s’y trompe pas. Cette conclusion résume quelque 300 pages de réflexions et d’interrogations sur ce que la Science connaît aujourd’hui de cet organe qui nous définit.

 

"Un si brillant cerveau", par Steven Laureys, Editions Odile Jacob
“Un si brillant cerveau”, par Steven Laureys, Editions Odile Jacob

Dans son livre « Un si brillant cerveau », publié aux Editions Odile Jacob, le Directeur de recherches au Fonds de la recherche scientifique (F.R.S.-FNRS) propose un passionnant voyage aux origines de la conscience. Un voyage nourrit par ses années de pratique, d’abord à la VUB (Bruxelles) puis à l’ULg.
 

Comment « voir » fonctionner le cerveau

 

On doit à ce spécialiste de renommée internationale des avancées remarquables en ce qui concerne la conscience. Son groupe a été à l’origine de travaux sur le syndrome d’enfermement, sur l’état de conscience minimale, sur le coma…
 

Ces avancées ont été rendues possibles notamment grâce au développement de l’imagerie médicale. Pour définir l’état de fonctionnement d’un organe comme le cerveau par exemple, on injecte au patient un produit « marqué » que la machine va pouvoir détecter. Dans le cas du cerveau, c’est du glucose (son « carburant » pourrait-on dire) qu’on injecte.

 

L’image de la boite vide dénote la mort cérébrale
 

Chez une personne saine et consciente, les images obtenues grâce au PET-scan montrent une consommation optimale de ce glucose. Les images sont nettes, « complètes », bien contrastées. Chez une personne saine endormie, la consommation du glucose est équivalente à 60% de celle d’une personne éveillée. En cas d’anesthésie, l’activité cérébrale diminue de 50% environ.

 

Clichés du PET-scan de la consommation énergétique du cerveau. © "Un si brillant cerveau", par Steven Laureys, Ed. Odile Jacob
Clichés du PET-scan de la consommation énergétique du cerveau. © “Un si brillant cerveau”, par Steven Laureys, Ed. Odile Jacob

 

Le PET-scan produit des clichés dont certains illustrent le livre « Un si brillant cerveau ». Ceux-ci montrent toutes les nuances que cette consommation de glucose marqué peuvent présenter chez les patients du Dr Laureys. En état de mort cérébrale, aucune activité n’est détectée par la machine. Sauf un fin liseré grisâtre qui marque les contours extérieurs du crâne. « L’image ressemble à une boîte vide. Seule la peau sur le crâne utilise encore de l’énergie », indique le chercheur.

 

Syndrome d’enfermement

 

En évoluant vers un état de conscience normale et éveillée, les images s’assombrissent, trahissant d’abord le fonctionnement au ralenti du cerveau « végétatif » non répondant, celui en état de conscience minimale etc. A noter, l’image remarquable qui signe le syndrome d’enfermement. Au PET-scan, cet état pathologique du cerveau affiche un niveau de fonctionnement identique à celui d’une personne saine et éveillée.

 

Les patients atteints du « locked-in syndrome », ou syndrome d’enfermement, sont éveillés et conscients mais ne peuvent ni parler ni bouger leurs membres ni un seul muscle de leur visage suite à une lésion au tronc cérébral. « Le cerveau est en réalité intact », indique le Pr Laureys. Sauf du côté du tronc cérébral, le point de passage obligé de toutes les voies de la motricité et le siège des noyaux cérébraux qui permettent l’expression par des mimiques ou par la parole.

 

Les états limites de la conscience

 

Dans son livre sous-titré, « les états limites de conscience », le neurologue liégeois s’interroge aussi sur l’origine de la conscience. « C’est l’activité électrochimique des connexions dans le réseau frontopariétal de notre matière grise qui nous permet d’être conscients et d’être uniques », explique-t-il. Des milliards de neurones sont concernés. Des dizaines, voire des centaines de milliards de connexions entre ces neurones également.

 

« Nos neurones et leurs connexions sont au centre de la conscience », estime-t-il. « Mais énormément de questions restent encore sans réponse. Notre cerveau et le code neuronal complexe de la conscience n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Il faudra attendre les générations suivantes de neuroscientifiques passionnés et créatifs pour en savoir plus », prédit-il.

 

Dans l’immédiat, le chercheur reste « un scientifique optimiste, naïf, passionné, idéaliste et un brin romantique », concède-t-il. « Je continue à croire que nous parviendrons un jour à élucider les grands mystères de la conscience et de l’Univers. La Science, comme la vie, est un voyage, pas une destination. »

 

 

Rendez-vous mercredi à Namur

 

Dans le cadre d’une chaire Francqui de la Faculté de médecine de l’Université de Namur, le Pr Laureys donnera une série de leçons à Namur sur le cerveau: Comment la science peut-elle expliquer la conscience ?
 

La leçon inaugurale, accessible au public le plus large, aura lieu ce mercredi 25 février 2015 à 18h00, auditoire PA02 (entrée via le sentier Thomas).
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