Être à la Une des médias, un gage de longévité politique

5 avril 2016
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min

C’est tendance pour un politique d’être le chouchou des médias. La docteure en information et communication Joëlle Desterbecq décortique cette propension dans «La peopolisation politique». L’ouvrage, paru aux éditions De Boeck , repose en partie sur sa thèse de doctorat réalisée en tant qu’aspirant du FRS – FNRS (Fonds de la Recherche Scientifique). L’analyse se déroule en Belgique, France et Grande-Bretagne. Trois pays aux traditions politiques et médiatiques différentes.

 

"La peopolisation politique", par Joëlle Destrebecq, Editions De Boeck Supérieur. 29,50 euros.
“La peopolisation politique”, par Joëlle Destrebecq, Editions De Boeck Supérieur. 29,50 euros.

«Alors qu’un certain nombre d’études portent sur la peopolisation, la personnalisation, l’individualisation, la privatisation du politique en France et en Grande-Bretagne, très peu de travaux se sont penchés sur cette question dans le contexte belge», explique la chargée de cours invitée à l’Université Catholique de Louvain (UCL).

 

«Faussement importé de Grande-Bretagne, le néologisme de peopolisation se développe dans les décennies 2000. Il a été employé avec profusion dans l’univers des médias, de la politique mais aussi de la recherche académique pour désigner tour à tour la participation de représentants politiques à des émissions de divertissement aux côtés de stars du show-business. La mise en vedette des politiques aux côtés de leurs épouse et enfants à la Une de magazines consacrés aux célébrités. Les photos prises à la sauvette par quelques paparazzi. Ou encore la diffusion dans la presse généralisée des canons de la presse dite échotière.»

 

L’infotainment carbure à la vedettisation

 

La Belgique est partagée entre deux cultures journalistiques. La presse flamande se montre plus proche de la tradition anglo-saxonne qui met en balance le respect de la vie privée avec l’intérêt du public. C’est donc au Nord que le rapprochement entre monde politique et du spectacle se fait d’abord. Avec des émissions de divertissement et d’infotainment, un format hybride entre journalisme et variétés qui carbure à la vedettisation. À l’exposition de la vie privée des politiques.

 

La libéralisation de l’audiovisuel et l’apparition de la société de télévision privée flamande VTM (Vlaamse Televisie Maatschappij) participent à l’instauration de la catégorie des «bekende Vlamingen», les Flamands connus. La chaîne publique VRT (Vlaamse Radio-en Televisieomroeporganisatie) intègre l’infotainment qui présente de sérieux atouts dans la course à l’audience, aux recettes commerciales.

 

“Psychologiser le politique” à la télévision

 

En Fédération Wallonie-Bruxelles apparaissent des entretiens télévisés qui tendent à psychologiser le politique. À dévoiler la personne derrière le mandataire public. L’infotainment n’est pas institutionnalisé.

 

«Abordée du point de vue de la volatilité électorale et de l’érosion des clivages traditionnels, la peopolisation des contenus politiques serait un reflet de la montée des aspirations individualistes de citoyens davantage sensibles à des qualités individuelles, à des parcours personnels. Mais aussi à des projets politiques ancrés dans leurs préoccupations du moment au détriment de choix fondés sur des logiques d’appartenances sociales.»

 

À leurs risques et périls

 

Dans l’émission «Ma télé bien aimée» de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone), le politique était invité au même titre que les autres protagonistes issus du monde du sport, des médias et du spectacle. Ce programme reposait sur le rire, la nostalgie, l’empathie. Le danger d’avoir l’air ridicule était minime.

 

Les risques étaient plus grands à l’émission «Debby & Nancy» de la chaîne flamande VTM. Tout convergeait pour mettre en danger le politique invité. Le pacte de non-sérieux permettait des attaques frontales. L’interview empiétait sur la sphère intime ou privée. La caméra traquait les hypothétiques malaises. Les mimiques de l’invité quand le présentateur l’interrogeait. Au politique de montrer sa capacité de mettre en scène son sens de l’autodérision pour ne pas faire piètre figure.

 

Parmi les politiciens interviewés par l’Unité de recherche en analyse des médias de l’UCL, deux tiers se disent a priori favorables à une participation aux programmes ludiques de télévision à vocation non politique réalisés en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ils mettent en évidence le parler-vrai, la possibilité de se montrer humain, ordinaire. Ces émissions grand public leur fournissent l’occasion de toucher un maximum de personnes. De se faire connaître auprès d’un public différent.

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