Le cuivre est utilisé dans divers lieux publics, pour réduire la transmission des agents pathogène. © D.R.
Le cuivre est utilisé dans divers lieux publics, pour réduire la transmission des agents pathogène. © D.R.

Comment les bactéries font de la biorésistance face au cuivre

6 juillet 2016
par Daily Science
Durée de lecture : 3 min

La biorésistance toujours plus grande que présentent certaines bactéries ne concerne pas que les antibiotiques. A l’Université de Namur, le Dr Emeline Lawarée vient de mettre en évidence un phénomène identique se développant face au cuivre, qui est un agent antibactérien naturel. Ce qui a potentiellement une importance en matière de santé publique.

 

Elle a non seulement identifié les deux protéines responsables de cette biorésistance chez la bactérie Caulobacter crescentus: PcoA et PcoB. « Mais surtout, j’ai pu comprendre leur mode d’action et donc, faire le lien entre ces protéines et le cycle cellulaire de l’agent pathogène », explique-t-elle.

 

De la “bouillie bordelaise” aux maladies nosocomiales

 
Le cuivre est un métal de plus en plus utilisé dans les écoles ou encore dans les aéroports pour limiter la transmission d’agents pathogènes: comme les bactéries ou les virus. Sur une surface en cuivre, les virus et les bactéries sont rapidement dégardés.

 

Dans les domaines de l’agriculture, les viticulteurs utilisent d’ailleurs la « bouillie bordelaise » pour traiter leur vigne. Dans celui de la santé, c’est le matériel médical ou encore les surfaces qui risquent de véhiculer des bactéries ou des virus qui sont recouverts de cuivre, comme les poignées de porte, les barres de lits dans les hôpitaux, les tables, etc.

 

« Mais son utilisation intensive pose un vrai problème de santé publique : l’apparition d’une résistance accrue des pathogènes face au cuivre », souligne-t-on à l’UNamur.

 

Division asymétrique pour Caulobacter

 

Pour approcher cette problématique, le Dr Emeline Lawarée a étudié la bactérie aquatique Caulobacter crescentus, espèce fréquemment rencontrée dans les zones polluées par le cuivre et d’autres métaux lourds.

 

Caulobacter appartient à un groupe plus large qui compte de nombreuses bactéries pathogènes pour les animaux (dont l’Homme) et les plantes. L’étude de la jeune chercheuse de l’Unité de recherche en biologie des micro-organismes a mis en évidence une stratégie de survie originale dans un environnement riche en cuivre.

 

« Caulobacter se divise de manière asymétrique, c’est-à-dire qu’une cellule mère génère deux cellules filles morphologiquement et fonctionnellement différentes », explique la scientifique. Il s’agit d’une cellule flagellée mobile et une cellule pédonculée, ancrée à son substrat via son pédoncule.

 

L’hypothèse émise depuis longtemps par les scientifiques, sans jamais avoir été prouvé, est que ces deux types de cellules différentes permettent de mieux résister à des conditions stressantes. C’est la démonstration de cette hypothèse qui a été réalisée par le Dr Lawarée.

 

Seules deux protéines sont impliquées

 

La cellule flagellée fuit la source de cuivre pour se réfugier dans un environnement moins stressant. Par contre, la cellule pédonculée, qui ne peut pas fuir, met en route un système de détoxification rapide composé de seulement deux protéines : PcoA et PcoB.

 

La protéine PcoA oxyde le Cu+ (sa forme toxique) et la transforme en Cu2+ (une forme moins toxique). Parallèlement, la protéine PcoB éjecte le cuivre hors de la bactérie. Ce système « PcoAB » permet donc à la cellule pédonculée de diminuer sa concentration intracellulaire en cuivre et de survivre dans ces conditions environnementales difficiles.

 

« L’intérêt de mes travaux réside donc bien dans la compréhension fine de ce phénomène et de son action dans le cycle cellulaire », précise la chercheuse. Cette compréhension n’est pas en tant que telle transposables à l’ensemble des bactéries. Mais elle concerne cependant pas mal d’agents pathogènes qui connaissent également cette division asymétrique, comme la Brucella, néfaste pour l’homme ou Agrobacterium, toxique pour les plantes.

 

De quoi ouvrir de nouveaux champs de recherche, que la scientifique namuroise entend bien explorer à l’avenir. Par exemple à l’occasion d’un post-doctorat à l’étranger.

 

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