© Renaud Camus

Mariage heureux des vers de terre et du numérique

5 août 2016
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«Les agriculteurs à la reconquête du monde» par Maximilien Rouer & Hubert Garaudaux. Ed. JC Lattès VP 20 euros
«Les agriculteurs à la reconquête du monde» par Maximilien Rouer & Hubert Garaudaux. Ed. JC Lattès VP 20 euros

Un nouveau monde agricole sort de terre en France. L’ingénieur agronome Maximilien Rouer et l’agriculteur de la Loire-Atlantique Hubert Garaud en témoignent dans «Les agriculteurs à la reconquête du monde» aux éditions JC Lattès 

«Nous avons écrit ce livre pour redonner espoir, pour redonner envie, pour le pays», expliquent les dirigeants de la coopérative Terrena qui rassemble quelque 22.000 exploitations agricoles et 12.700 salariés.

«Nous ne parlons pas que du bio, de ces 4% des surfaces qui ne peuvent pas répondre aux exigences du marché. Nous avons quelque chose à dire aux agriculteurs travaillant sur les 96% des surfaces restantes. L’avenir agricole est en train de se construire. Il a pour nom agriculture écologiquement intensive ou agroécologie. Le mariage heureux des vers de terre et du big data, le numérique

Pas plus de 200 vaches

Échaudés par les crises alimentaires et la malbouffe, un nombre important de consommateurs n’accordent plus leur confiance aux produits alimentaires. L’agriculture est perçue comme source de pollution. Il est difficile de convaincre le grand public qu’elle peut être une solution plutôt qu’un problème dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les adeptes de l’agroécologie misent sur un usage intensif des propriétés écologiques des écosystèmes pour modifier cette vision. Produire mieux et plus en s’appuyant sur une nouvelle relation au consommateur, les changements de mode de production. Et une relation équilibrée entre distributeurs, transformateurs, agriculteurs.

«L’industrialisation de l’agriculture et la transformation des produits agricoles ont été un moyen d’innover durant les soixante dernières années. Tout le monde en a profité. Mais en découvrant aujourd’hui les effets secondaires, nous devrions envisager de corriger les défauts plutôt que de jeter l’opprobre sur un secteur entier. Et, en réaction à des pratiques extrêmes, il existe un très large panel de solutions alternatives

En tant que consultant, Maximilien Rouer a étudié la production de lait.

«C’est toujours l’éternel conflit opposant anti-fermes de 1.000 vaches et anti-fermes paysannes. Aucune décision raisonnable ne peut sortir de cette crispation des idées. Le résultat de ma mission a été établi autour de 200 vaches. Un nombre permettant d’assurer aux bêtes un bien-être et une bonne rentabilité grâce à un parcours quotidien en plein air. Il faut une étude sur le porc, le poulet, le mouton… Et il faut la mettre en application rapidement, une fois les conclusions établies!»

L’avenir est dans la diversité

Avec ses 7 millions de bovins de 46 types différents, la France avait choisi d’entrer dans la course des volumes. De concurrencer le Brésil où paissent 165 millions de bovins…

«Une course perdue d’avance. Là encore, l’agriculture écologiquement intensive offre une alternative prometteuse. Il faut différencier les productions de volume. Les faire coexister pacifiquement et avec cohérence avec les spécialités de type appellation d’origine. Internet, les nouvelles technologies de découpe et de stockage, la distribution peuvent collaborer dans cette ultrasegmentation du goût des consommateurs. Il faut développer les races rares. Les croiser avec les races dominantes pour créer des variétés plus en phase avec les besoins nouveaux des consommateurs

Le client est roi…

«Examinons le cas de la pomme de terre. En 1990, les consommateurs français achetaient pour 90% d’entre eux une seule variété, la bintje. Ils devaient se débrouiller pour en faire des frites, une purée, une salade. Aujourd’hui, la bintje ne représente plus que 20% du marché car une vingtaine d’autres variétés, aux propriétés adaptées à chacun des usages, sont apparues. En matière d’alimentation, ne pas offrir l’exacte demande d’un client potentiel, c’est prendre le risque de s’en priver entièrement. Les outils numériques que sont le web, les réseaux sociaux, les objets connectés, les applications sur smartphones permettent une meilleure écoute des consommateurs

Les coopératives sont aussi attentives aux souhaits des clients…

«Le monde agricole a pendant trop longtemps laissé l’analyse des besoins des consommateurs aux filières agroalimentaires des grandes marques industrielles. Heureusement, les choses évoluent. Les coopératives s’emploient peu à peu au marketing

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