Le Musée royal de l’Afrique centrale nous ouvre ses réserves

30 septembre 2016
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min

Le MRAC, le Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, recèle dans ses réserves une importante collection de sculptures du Bandundu, une ancienne province congolaise à l’est de Kinshasa. Ces ignorées des expositions et des ouvrages spécialisés sont mises en valeur par Julien Volper, conservateur au service Patrimoines.

 

«Nswo, statuettes et culte du sud-ouest de la République démocratique du Congo», Editions «Collections du MRAC», 17 euros.
«Nswo, statuettes et culte du sud-ouest de la République démocratique du Congo», Editions «Collections du MRAC», 17 euros.

Le docteur en histoire de l’art leur consacre «Nswo, statuettes et culte du sud-ouest de la République démocratique du Congo», dans la série «Collections du MRAC» . Une étude fouillée accompagnée d’une importante bibliographie et d’une riche iconographie.

 

Des témoignages de la culture congolaise

 

«Ces statuettes avaient pour rôle de veiller sur la famille, de prémunir des maladies, de protéger les récoltes et le bétail ou bien encore d’assurer le succès à la chasse», explique Guido Gryseels, directeur général du MRAC. «Au travers du nswo, c’est de l’homme dans toute sa faiblesse et dans tout son courage dont on parle.»

 

«J’ai eu l’occasion de relever combien les habitants appréciaient ces statuettes et leur rôle dans la vie de tous les jours», raconte Philippe de Moerloose, coéditeur du livre. «C’est à elles qu’ils confient leurs espérances et leurs craintes. Les statuettes nswo sont pour leurs adeptes un moyen de communication privilégié avec l’univers invisible qui détient les clés de leur avenir et de leur vie terrestre. Bien plus que des objets décoratifs, je les ai toujours considérés comme l’un des témoignages les plus vivants de la culture congolaise.»

 

Selon le chercheur Julien Volper, c’est la taille réduite des nswo et leur facture très fruste qui sont responsables du manque de succès des statuettes récoltées principalement par des missionnaires belges. La plupart des figurines du MRAC proviennent des peuples Yansi et Sakata.

 

À la fin des années 1940, le jésuite Gustave Le Paige, missionnaire en Afrique avant de devenir le père de l’archéologie chilienne, envoie à Tervuren quatre sculptures yansi: deux figures animales accompagnant un duo de nswo de 17,3 et 52,5 cm. Comme le fétiche de la couverture du livre, ces figurines sont utilisées pour avoir du succès à la chasse. Si la chasse est infructueuse, c’est que nswo est mécontent. Il faut alors l’apaiser avec du vin de palme, des noix de kola ou du tissus.

 

Un fétiche-couteau suisse

 

«Il apparaît que nswo est extrêmement polyvalent et était à même d’apporter une solution à la plupart des problèmes parsemant la vie d’un homme», précise Julien Volper. «En un sens, ce fétiche-couteau suisse traite à lui seul ce qui, dans d’autres cas, pourrait être du ressort de trois ou quatre fétiches différents.»

 

Comment obtient-on cette statuette? «Lorsque nswo décide de s’installer chez quelqu’un, il le fait savoir par une petite maladie, comme un mal de tête. L’origine mystique de ce mal est expliquée par le devin à son patient. Le praticien l’invitera alors à accueillir nswo chez lui et à construire une hutte miniature pour sa statuette. Certains soirs, le possesseur de nswo dormira dans sa demeure. Les rêves qu’il fera montreront les désirs de nswo.»

 

«Nswo faisait également l’objet d’un culte collectif. Durant certains jours chômés qui lui étaient consacrés, les hommes partaient en forêt avec des instruments de musique pour lui rendre hommage. Pour assurer fertilité et fécondité aux humains, aux bêtes et aux champs.»

 

La recherche n’a pas tout révélé

 

Chez les Sakata et les Yansi, nswo est souvent représenté par deux figurines, l’une masculine et l’autre féminine. Son culte a eu une large diffusion dans une région du Congo encore mal connue des ethnographes et des historiens de l’art. L’étude de Julien Volper montre, qu’entre la fin du XIXe siècle et les années 1950, les nswo ont gardé une certaine constance fonctionnelle. Tout en étant soumis à de nombreuses spécificités régionales. L’absence de données ne permet pas au chercheur de développer d’autres hypothèses. Notamment le rôle du peuple Tsong dans la diffusion du culte des nswo.

 

«Les études que nous menons actuellement sur d’autres cultes relevant de cultures ayant également connu le nswo permettront certainement de répondre à plusieurs énigmes posées dans cet ouvrage», annonce l’auteur des «Masques géants du Congo, patrimoine ethnographique des jésuites de Belgique» parus aussi dans les «Collections du MRAC».

 

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