« Et vous, d’où êtes-vous? » Dans une discussion entre deux personnes qui ne se connaissent pas, la réponse à cette question peut être lourde de sens. En fonction de son origine, un pays plutôt qu’un autre, une région urbaine ou rurale, une ville particulière, la personne qui reçoit la réponse se formera une certaine représentation mentale de son interlocuteur. Une représentation empreinte d’une série de stéréotypes.
De même, pour un Bruxellois, aller à Malines c’est loin. Alors qu’aller à Louvain-la-Neuve, c’est proche. Ce n’est pas la distance géographique (31 et 34 km respectivement, 35 minutes de trajet dans les deux cas) qui change, mais bien la distance psychologique. Partir en vacances en voiture dans le sud de la France c’est classique, partir en République tchèque, c’est toute une aventure…
Carte cognitive des États-Unis
C’est ce que rappelle une équipe de chercheurs de l’Université Catholique de Louvain (UCL) et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) qui vient de modéliser et d’interpréter la carte cognitive que les citoyens des États-Unis ont de leur pays.
Ici, aussi, si on est de New York ou d’un village d’Arizona, on ne véhicule pas nécessairement les mêmes images, ni les mêmes valeurs.
Les cartes cognitives dressées par les chercheurs montrent comment les gens se représentent le monde dans lequel ils vivent. Nicolas Kervyn, professeur au Louvain School of Management (UCL) et son frère Matthieu Kervyn professeur de géographie à la VUB, montrent dans leur travail comment les citoyens américains « classent » les 48 états centraux des USA (Hawaï et Alaska non inclus) en fonction de leur location géographique, mais aussi selon leur idéologie et leur prospérité (perçue).
Deux représentations assez similaires du pays
Les données collectées auprès de 1300 citoyens ont permis de modéliser et d’étudier deux versions de la carte cognitive.
Dans la première étude, les répondants recevaient 48 cartes sur leur écran, une carte pour chaque état des USA. Il leur était demandé de créer des piles de cartes en regroupant les états qu’ils trouvent similaires.
Dans la deuxième étude, d’autres participants devaient organiser ces 48 états sur leur écran en rapprochant les états à propos desquels ils ont la même opinion. Chacune de ces deux techniques a permis d’enregistrer la similarité moyenne perçue entre chaque paire d’états.
Les similarités perçues étaient alors analysées. Elles ont produit deux versions similaires de la carte cognitive.
Principaux marqueurs: la différence est-ouest et le clivage laïc-religieux
Une dernière recherche a alors été menée auprès d’un troisième groupe de citoyens américains afin de déterminer les deux paramètres qui caractérisent le mieux la distribution des états sur la carte cognitive.
Et, surprise, ce n’est pas la combinaison est-ouest et nord-sud mais bien la combinaison géographique est-ouest et la dimension idéologique athéiste-religieuse qui est sortie du lot.
« Cela suggère que la dimension de religiosité joue un plus grand rôle que la dimension nord-sud dans les jugements de similarité entre les états réalisés par les participants », souligne Nicolas Kervyn.
« Les dimensions idéologiques (athéiste-religieuse et libérale-conservatrice) et de prospérité (éduqué et non-éduqué) expliquent les similarités perçues mieux que la dimension nord-sud ».
Cette animation montre comment ces dimensions sont perçues par les citoyens américains.
Cette carte cognitive des Etats-Unis peut servir à expliquer et à prédire les relations politiques, sociales et économiques au sein des USA, estiment les chercheurs belges.
Cette carte pourrait aussi être utile dans le domaine du marketing touristique des différents états. Enfin, il y a une interprétation historique à cette carte. Sur la côte est, il y a une division très claire entre ce qui était à l’époque les états confédérés et les états de l’Union.