Un autre regard sur la politique

27 juillet 2017
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
«Introduction aux doctrines et aux idées politiques» par Frédéric Claisse, Maxime Counet et Pierre Verjans. Editions universitaires De Boeck Supérieur - VP 24,50€
«Introduction aux doctrines et aux idées politiques» par Frédéric Claisse, Maxime Counet et Pierre Verjans. Editions universitaires De Boeck Supérieur – VP 24,50€

Dans leur «Introduction aux doctrines et aux idées politiques» aux éditions universitaires De Boeck Supérieur, Frédéric Claisse, Maxime Counet et Pierre Verjans axent leur approche sociologique sur quatre questions. Qui sommes-nous? Pourquoi vivons-nous ensemble? Comment produisons-nous? Comment distribuons-nous nos richesses?

L’influence des mouvements de désobéissance civile

Le manuel des chercheurs, enseignants en science politique à l’Université de Liège (ULg), couvre des doctrines. Mais aussi des auteurs et des acteurs politiques. Il introduit les étudiants dans la pensée politique. Il aide les citoyens à mieux orienter leur choix. Le code d’activation mentionné dans le livre permet d’accéder gratuitement à la version numérique.

«On s’étonnera sans doute de l’absence de certains noms, de l’importance donnée à d’autres, ou encore de voisinages singuliers», notent les chercheurs. «C’est qu’il s’agit moins d’être exhaustif que d’illustrer des dynamiques de positionnement et de contre-positionnement. Cela s’est traduit par le choix de traditions de pensée qui peuvent sembler minoritaires en termes d’œuvres. Mais dont l’influence politique fut considérable sur le plan des pratiques, comme les mouvements contre-étatiques de désobéissance civile. De La Boétie à Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela. Ou des projets politiques comme ceux des penseurs anti-utilitaristes, de Mauss à Bataille.»

L’homme n’est pas un être de calcul

En sélectionnant Marcel Mauss (1872-1950) et Georges Bataille (1897-1962), les auteurs font un détour par une vision contre-économique pour décrypter le comment produire. Loin du mode prôné par la société de marché. Ou le libéralisme.

Considéré comme le «père de l’anthropologie française», Mauss, neveu et collaborateur scientifique du sociologue français Durkheim, travaille sur le don et le contre-don. «Ce sont en réalité de véritables luttes de prestige qui permettent d’avoir le dessus dans des relations sociales», expliquent les chercheurs. «En effet, le don rend l’autre redevable, créant ainsi une série d’obligations. L’échange marchand interrompt cette logique. En payant l’échange, j’éteins la redevance sociale.» Cette logique pose la question de la finalité du rapport d’échange.

En franc-tireur, Bataille poursuit les travaux de Mauss et de ses successeurs. Pour l’écrivain français, une lecture contre-économique de la production est possible. Selon lui, l’homme n’est pas cet être de calcul présenté par les doctrines des économistes. Il ne procède pas en permanence à des comparaisons coûts-bénéfices. Il effectue des dépenses libres. Non utiles pour la survie ou l’accroissement des ressources. Mais qui constituent une part importante de l’activité économique. Ces dépenses n’ont souvent d’autre intérêt que de se donner un rang social. De s’identifier à un groupe. De se distinguer, particulièrement dans le domaine culturel.

La pensée contre-économique continue de s’épanouir. Notamment avec la revue du MAUSS. Le Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales incite à penser le lien social sous l’angle des dons.

La philosophie politique comme boussole

Karl Marx (1818-1883), l’auteur du «Capital», l’économiste hongrois Karl Polanyi (1886-1964) qui voit le développement concomitant de l’économie de marché libre et de l’État moderne, le philosophe étatsunien John Rawls (1921-2002) et sa contribution à la théorie de la justice sociale, sont incontournables pour comprendre la distribution des richesses.

Rawls développe ses idées dans un contexte particulier. La fin des années 1960 est marquée par la guerre du Vietnam, la lutte pour les droits civiques et la fin de la ségrégation raciale aux États-Unis. Le philosophe se demande si son pays doit imposer ses valeurs à l’extérieur alors qu’il n’est pas capable de reconnaître des droits à ses propres minorités. Pourquoi ses compatriotes s’embarquent, en nombre croissant, dans un conflit qui semble ne profiter qu’aux seuls intérêts du «complexe militaro-industriel».

Selon Rawls, la philosophie politique peut aider à la recherche d’un accord sur des questions litigieuses qui divisent la société. Servir de boussole pour mettre de l’ordre dans les objectifs poursuivis par la société. Calmer le sentiment de frustration que peuvent engendrer des luttes qui semblent n’avoir aucun poids politique. Et être menées en vain.

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