MELiSSA (Micro-Ecological Life Support Aletrnative), un programme multidisciplinaire de l’ESA, étudie la façon de transformer un vaisseau spatial en un écosystème fermé. Autrement dit de recycler tous les déchets produits à bord en nourriture, eau et oxygène. Et ce, en reposant sur des bactéries, des algues, des plantes, des éléments chimiques et des procédés naturels. Cette boucle MELiSSA comporte 5 compartiments interdépendants actuellement étudiés par plusieurs centres de recherche européens. L’un d’eux est le Laboratoire de Protéomique et Microbiologie du Professeur Ruddy Wattiez à l’UMons.
Un appétit marqué pour les acides gras volatils
Première étape de la boucle MELiSSA, dégrader la matière organique. C’est-à-dire les excréments humains mais aussi les parties de végétaux non consommés à bord du vaisseau spatial, telles les racines. Introduits dans un premier compartiment bactérien, il y subissent un processus de fermentation. Et comme dans toute fermentation, des acides gras volatils sont produits en nombre. Leur dégradation est l’objet du deuxième compartiment.
Rhodospirillum Rubrum, c’est le nom de la bactérie pourpre qui y est hébergée. Elle est dite photohétérotrophe, elle utilise l’énergie lumineuse et sa source de carbone est exclusivement organique (ne provient donc pas du CO2). Les acides gras volatils sont ainsi un mets de choix ravissant leur gloutonnerie.
De l ‘acide gras aux bioplastiques
Que se passe-t-il lors de ces repas bactériens ? Pour le savoir, l’équipe de Baptiste Leroy s’est penchée sur le processus d’assimilation des acides gras volatiles par la bactérie pourpre. C’est en analysant son métabolisme que les scientifiques ont découvert qu’elle produisait des … bioplastiques. Ou précisément des polyhydroalcanoates, appelés PHA, un composé qui est la matière première pour la fabrication des bioplastiques.
« Pour la bactérie, ces PHA sont juste des polymères de réserve. Mais pour nous, ça peut devenir un plastique complètement biodégradable, produit de façon biologique, explique Baptiste Leroy. Trois thèses de doctorat ont débuté à l’UMons autour de ce sujet. On étudie les conditions les plus favorables pour forcer la bactérie pourpre à produire ces polymères de réserve. »
Des réserves en cas de disette
Avant d’aller plus loin, une précision s’impose. De nombreuses autres souches bactériennes produisent des PHA. Cette réaction intervient lorsque les conditions environnementales sont défavorables : quand leur source d’azote est tarie mais que le carbone est très abondant. Plutôt que de ne pas utiliser ce carbone en excès, elles le stockent sous forme de polymères de réserve. Ils seront de providentiels garde-mangers bien garnis lorsque des conditions inverses apparaîtront, à savoir abondance en azote et disette en carbone.
L’intéressante particularité de la bactérie pourpre est de produire les précieux PHA même lorsque les conditions en termes de nutriments sont favorables. C’est une autre forme de stress qui la pousse à fabriquer des polymères de réserve, comme l’explique Baptiste Leroy.
Désodoriser les stations d’épuration
Les retombées terrestres de la recherche spatiale sont riches et variées. Celle issue de cette recherche s’annonce particulièrement intéressante : tirer profit des acides gras volatils émis par le traitement des eaux usées.
Qui s’est déjà promené au coeur d’une station d’épuration (STEP) se souvient d’une odeur acre. Cet effluve de beurre rance est dû à la présence de butyrate dans l’air. Cet acide gras volatil n’est pas le seul à être exhalé par la fermentation en cours. Parmi les composés les plus abondants, citons aussi le propionate et l’acétate. « Ces substances chimiques sont des problèmes pour les stations d’épuration. On pourrait imaginer accoler un compartiment supplémentaire où les acides gras volatils seraient transformés en PHA puis en bioplastiques », poursuit Baptiste Leroy
Bioplasiques biocompatibles
Actuellement, les applications les plus concrètes de ces bioplastiques se situent dans le domaine médical, particulièrement dans la création d’implants. En effet, s’agissant d’un plastique biocompatible, il n’est pas toxique et ne provoque pas de rejet. « Afin qu’il puisse rentrer dans des applications à plus large spectre, on va tenter de modifier le bioplastique, confie Dr Leroy, c’est-à-dire qu’il puisse être utilisable pour fabriquer des plastiques d’emballages mais aussi des plastiques thermomoulés, comme les Lego. »