Le cancer du sein vu au travers du « carnet de survie » du Dr Hubinont

29 mars 2018
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min

Confrontées à un cancer du sein, les patientes sont souvent démunies. La gynécologue Corinne Hubinont a songé à leur désarroi en relatant son vécu dans «Mon carnet de (sur) vie, voyage au pays du cancer du sein», aux éditions Racine. Le «Lexique du cancer du sein pour les nulles» qui le complète est particulièrement explicatif. Il est illustré par le chirurgien-plasticien Benoît Lengelé.

Humaniser gestes et paroles

La chef de service clinique du département obstétrique aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles a été soignée dans les meilleurs délais par des médecins compétents. Mais Corinne Hubinont se plaint du manque d’empathie de certains soignants.

«Nous, médecins, maîtrisons souvent notre rôle qui est le fruit de 7 à 15 années d’études. Mais nos talents très variables de

"Voyage au pays du cancer du sein", par le Dr Hubinont, Ed Racine, 19,95 euros.
« Voyage au pays du cancer du sein », par le Dr Hubinont, Ed Racine, 19,95 euros.

communicateurs auront beaucoup plus de retentissement sur le bien-être de nos patients que notre carrière», reconnaît la Pr Martine Piccart, directeur scientifique à l’Institut Bordet à Bruxelles. «C’est la femme et la patiente qui nous parle avec sincérité dans ce très beau livre, qui se révélera être un précieux compagnon de voyage pour toutes les femmes confrontées à cette maladie, malheureusement très fréquente.»

«Le livre est riche en conseils pratiques et en messages importants pour les oncologues, qui pourront y puiser des recettes pour humaniser leurs gestes et leurs paroles au quotidien.»

Recourir à l’hypnose

Chez Corinne Hubinont, une mammographie annuelle, pas strictement normale, se prolonge par une résonance magnétique nucléaire (RMN). Suivie d’une nouvelle mammographie pour confirmer des microcalcifications atypiques étendues dans le sein droit. Et d’une biopsie qui révèle un carcinome canalaire in situ (CCIS). Un cancer très précoce qui peut devenir invasif à moyen terme.

«Tout au long de mon histoire, ces moments furent parmi les plus difficiles», raconte la médecin devenue patiente. «Je devais gérer mes propres angoisses sans les communiquer aux autres.»

Afin d’atténuer le risque d’effets secondaires liés à une narcose, la médecin choisit de subir l’élimination du tissu problématique sous anesthésie locale, avec recours à l’hypnose. Une technique qui engendre moins de complications inflammatoires que l’anesthésie générale.

Internet, un faux ami

La tumorectomie dévoile un pré-cancer. Le sein devrait être complètement enlevé. Avant de se décider, la Pr Hubinont s’adresse à une amie d’université, spécialiste du cancer du sein.

Naviguer sur Internet… «Cela peut être la meilleure et la pire des choses. Une liste de sites de références adéquats devrait être mise à la disposition des malades qui le souhaitent. J’ai refusé de fréquenter les forums médicaux, ces sites où les patientes échangent leurs expériences. Pour la plupart leurs mauvaises expériences.»

Profiter du moment présent

La rencontre avec deux chirurgiens-plasticiens est un moment clé. Sur la défensive, Corinne Hubinont leur pose les questions préalablement notées pour ne pas les oublier. Une prothèse en silicone est la seule technique adaptée à son cas. L’opération dure plusieurs heures. Mastectomie, prélèvement du ganglion sentinelle immédiatement analysé, reconstruction mammaire.

«À mon grand étonnement, il n’y a pas de grande balafre et la prothèse mammaire insérée sous mon muscle grand pectoral donne bien le change. Les cicatrices sont fines et je n’ai aucun hématome. Ma convalescence commence au rythme de mes nuits écourtées par la douleur lors des changements de position et des journées qui passent à toute allure. Une kinésithérapeute envoyée par l’hôpital vient deux fois par semaine depuis mon retour à la maison. Elle me masse le haut du dos et les épaules. Elle m’aide à reprendre progressivement possession de mon bras droit, bien ankylosé par ma peur de le mobiliser. Elle m’explique qu’il faudra aussi masser mes cicatrices une fois que la peau sera bien fermée. Ce n’est qu’aujourd’hui, près d’un an plus tard, que mes cicatrices devenues pâles et souples sont pratiquement invisibles.»

L’après-cancer… «La rédaction d’un journal a été un outil thérapeutique important pour me débarrasser des émotions retenues. Après un an de recul, ayant repris mes activités à mi-temps, j’ai appris à profiter du moment présent. J’ai découvert que le bonheur pouvait être fait de petites choses. J’ai compris que la vie ne s’arrête pas avec le cancer.»

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