Aux éditions Academia-L’Harmattan, le livre «Nos jeunes à l’ère numérique» pose des balises et propose des outils pour mieux comprendre les branchés Internet. Les psychologues Annabelle Klein (UNamur), Pascal Minotte (Crésam), Yann Leroux, Arnaud Zarbo et le philosophe Omar Rosas se sont investis dans ce travail destiné aux parents, enseignants et acteurs psychosociaux.
«Cet ouvrage nous invite à penser les écrans autrement», dit le psychiatre Serge Tisseron, docteur en psychologie, chercheur associé à l’Université Paris VII. «Il nous invite à faire confiance à nos enfants. Ce qui ne veut pas dire que nous les laissions se débrouiller seuls, bien au contraire! Nos enfants ont besoin de nous. Mais il est souvent très blessant pour eux de le dire. C’est à nous de le comprendre et d’y répondre. Cet ouvrage nous y aide.»
Au-delà des préjugés, des croyances
Pour Annabelle Klein, professeure à l’Université de Namur, les auteurs ont tenté de sortir des langages scientifiques étroits. De transmettre leurs connaissances, issues des recherches les plus récentes, d’une manière accessible au grand public. «L’ouvrage s’inscrit dans une perspective d’éducation aux médias numériques», précise la psychologue, docteure en communication. «Mais également dans une approche visant à adopter une position avertie. Au-delà des préjugés, croyances et représentations.»
L’impact des TIC, les Technologies de l’Information et de la Communication, sur les enfants et les ados inquiète. Beaucoup d’adultes ont du mal à qualifier positivement le comportement des fans d’Internet.
«L’important est surtout de porter un regard bienveillant et confiant dans les capacités et les intentions de nos enfants», soulignent le philosophe Omar Rosas et Pascal Minotte, psychologue, responsable de projets à l’ASBL CRéSaM, Centre de référence en santé mentale en Wallonie. «Il s’agit là d’une condition importante pour maintenir en bonne santé le processus de transmission entre les générations. S’il est parfois utile de dénoncer les modèles économiques et les logiques marketing des sociétés qui offrent du matériel et des applications en matière de TIC, cela n’empêche pas pour autant d’adopter un point de vue compréhensif qui ne disqualifie pas l’expérience des usagers. Et leur engagement dans telle ou telle pratique.»
Le corps est au centre des enjeux
Les conversations à distance des ados ne se limitent plus aux sons et à l’écriture. Des photos s’envoient sur le Net. Elles montrent des parties ou l’entièreté du corps. Elles sont postées sur les réseaux sociaux avec une connotation narcissique.
«La plupart du temps, ce qui est montré résulte d’une mise en scène», explique Arnaud Zarbo, psychologue, psychothérapeute et formateur à l’ASBL liégeoise Nadja qui propose des formations, un centre de documentation tout public et un point d’accueil pour les parents. «L’adolescent choisit une pose, un angle et une partie de lui-même qu’il estime la plus susceptible de capter l’attention. Ou plus simplement qu’il apprécie personnellement.»
Des sextos éclaboussent
L’envoi de sextos, d’échanges à contenus sexuels, a pour objectif de susciter le désir. De faire évoluer une relation vers plus d’intimité. Ou d’épicer une liaison amoureuse déjà entamée. Les problèmes surgissent lorsqu’un sexto se propage de proche en proche. Accidentellement ou volontairement. Pour humilier, nuire à la réputation.
«La diffusion de contenus intimes sur la Toile par des pairs peut être la source d’une grande souffrance chez le jeune», relève le passionné par les espaces numériques. «Dans ces conditions, il est important qu’il puisse se tourner vers un ou plusieurs adultes qui ont sa confiance pour lui venir en aide. Par leur écoute bienveillante et leurs conseils, ceux-ci sont plus à même de le soutenir et de l’accompagner pour traverser cette épreuve.»
«Malheureusement, il arrive parfois que les réactions des adultes désarçonnent les adolescents. Dans certains cas, l’intervention des parents et des professionnels provoque un emballement qui les dépasse complètement. C’est à ce moment précis que le scandale naît véritablement.»
Il n’existe pas de panacées selon les experts. Pour aider les ados, les adultes devraient se comporter comme des balises calmes et rassurantes. Quel que soit le sujet.