Bruxelles veut doter la ville de « couloirs sains »

1 octobre 2020
par Michel Claessens
Temps de lecture : 5 minutes

Urbinat affiche un objectif ambitieux : réinstaurer la vie, dans tous les sens du mot, dans les quartiers isolés et défavorisés des grandes villes. Bruxelles fait partie de ce nouveau projet européen de recherche, qui va proposer des solutions pour un quartier de Neder-Over-Heembeek.

Des solutions basées sur la nature

« C’est un projet ‘challenging’ », nous affirme le professeur Gonçalo Canto Moniz, architecte de formation, chercheur au Centre des Etudes Sociales de l’Université de Coimbra et coordinateur du projet.

« Avec 28 partenaires et près d’une cinquantaine de villes de 15 pays (dont plusieurs non-européens comme le Brésil, la Chine, l’Iran, le Japon et Oman), notre objectif est de réintégrer des quartiers “oubliés”, souvent éloignés du centre de la ville, souvent défavorisés aussi, à l’aide de solutions basées sur la nature (« nature-based solutions » ou NBS). »

«  Concrètement, nous allons construire des « couloirs verts » ou, plus exactement des couloirs « sains », car le but n’est pas seulement de « verdir » la ville, mais aussi de redévelopper la vie sociale et culturelle. Ces couloirs seront à la fois physiques et immatériels », précise le professeur Moniz.

Bruxelles, ville « suiveuse »

Trois villes vont, dans un premier temps, tester la stratégie. Il s’agit de Porto, Nantes et Sofia, qui seront un peu les « laboratoires urbains » du projet et permettront d’évaluer les impacts écologiques, culturels, sociaux et économiques des actions mises en œuvre.

Ces villes ont été sélectionnées pour leur expérience de la mise en œuvre de solutions NBS dans l’espace public au cours des 15 dernières années.

Ensuite, plusieurs villes « suiveuses », comme Sienne, Bruxelles, Nova Gorica en Slovénie et Høje-Taastrup au Danemark, mettront en œuvre la stratégie et feront remonter leurs propres expériences.

Les partenaires non-européens contribuent à atteindre une masse critique, y compris pour la dissémination des processus, modèles et résultats générés pendant le projet.

Des couloirs « sains »

« L’une des originalités du projet », explique Nathalie Nunes, Franco-Portugaise et juriste de formation, « est la “co-création” des solutions, c’est-à-dire que les habitants et les forces vives des quartiers sélectionnés sont impliqués à tous les niveaux du projet : diagnostic, conception, mise en œuvre et suivi. »

« Une partie de notre recherche porte sur la réalisation de cette co-création. Comment, par exemple, impliquer dans la réflexion des personnes qui n’ont aucune expérience du travail en groupe ou qui ne s’expriment jamais en public ? Comment intégrer les différentes cultures qui ont une relation parfois particulière avec la notion d’espace public ? »

L’implication de 15 pays constitue, de ce point de vue, un formidable laboratoire.

Concrètement, ces couloirs « verts » ou « sains » (Gonçalo Canto Moniz parle de « healthy corridors ») sont typiquement des lieux de passage qui vont intégrer des éléments naturels (comme une ferme urbaine) et se transformer pour faciliter la mobilité, réactiver la vie sociale (grâce, par exemple, à une cuisine communautaire) ou encore proposer des activités culturelles.

Projet de « couloir sain » conçu par les chercheurs d’Urbinat (c) Urbinat
Le quartier de l’avenue de Versailles à Neder-Over-Heembeek

A Neder-Over-Heembeek, les habitants à la barre du projet

Et à Bruxelles, que propose Urbinat ? Sassia Lettoun, cheffe de service adjointe en charge du développement durable à la Ville de Bruxelles, anime le pôle belge d’Urbinat et nous explique les actions en préparation : « Nous travaillons sur le quartier de l’avenue de Versailles et du Val Maria à Neder-Over-Heembeek. Celui-ci remplit les trois critères formulés par Urbinat pour justifier une intervention : un quartier vert, un fort sentiment d’isolement partagé par les habitants et des logements sociaux. »

« Nous envisageons le développement d’un corridor de ce quartier au canal de Bruxelles, qui pourrait accueillir plusieurs implantations NBS. Nous allons nous inspirer du catalogue très complet d’Urbinat et travailler avec les habitants pour identifier les meilleures solutions possibles. »

« Cela pourrait être la réhabilitation de bâtiments abandonnés, la création d’un potager, l’offre de bureaux de travail partagé ou encore un centre de formation à l’agriculture urbaine qui serait pour les jeunes une réponse concrète au réchauffement climatique ainsi qu’un accès à l’emploi. Il y a aussi une demande pour des activités sportives, mais abordables financièrement.»

« On a beaucoup gagné »

Sassia Lettoun ne tarit pas d’éloge sur les bénéfices de cette approche européenne. « Je suis entrée dans ce projet par hasard, suite à un courriel d’un conseiller communal qui nous informait du lancement d’Urbinat. C’est une belle opportunité et une formidable bouffée d’air frais de découvrir d’autres approches en Europe et de construire une vision multiculturelle des choses. »

Du coup, elle ne rate pas une occasion pour encourager son entourage à saisir les possibilités offertes par l’Union européenne. C’est compliqué ? « Oui, mais il ne faut pas en faire une montagne. La Commission n’est pas plus difficile que nos administrations nationales. »

Que dire à ceux que l’anglais inhibe ? Sassia Lettoun conseille de relativiser : « Dans le projet, nous parlons tous un anglais international et non celui d’Oxford. Il faut démythifier les programmes européens », conclut-elle.

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