Trouver des alternatives efficaces aux pesticides de synthèse. Et les dans le cadre des changements climatiques. C’est le but du portefeuille de projet INTERREG BIOCONTROL 4.0. Ce mastodonte doté d’un budget de 14 millions d’euros se décline en pas moins de 7 projets interconnectés, pris en charge par 43 partenaires scientifiques de 24 institutions en Wallonie, en Flandre et dans le nord de la France. Il a démarré fin 2024 et se clôturera en 2028.
Le changement climatique global – de par, entre autres, l’augmentation moyenne des températures, l’intensification des événements extrêmes, la modification du régime des pluies -, va affecter les espèces de tous les règnes du Vivant et les relations qu’elles entretiennent. La santé des plantes de culture va être altérée, le type et l’action des ravageurs va changer.
C’est en intégrant ce contexte mouvant et globalement encore mal déterminé, que les scientifiques vont élaborer des solutions adaptées aux écosystèmes locaux et éloignées des pesticides de synthèse pour protéger les futures cultures.
Trans-Pest, analyse de l’impact climatique sur les bioinsecticides
Ainsi, le projet Trans-Pest vise, dans un premier temps, à développer des solutions non issues de la chimie de synthèse pour lutter contre les grands ravageurs agricoles et à comprendre l’effet des changements globaux sur leur efficacité.
« Ensuite, il s’agira d’améliorer ces solutions de biocontrôle et leur utilisation pour relever les défis posés par les différents scénarios de changement climatique dans les régions et sur les cultures concernées par ce projet. Il est essentiel d’adapter les protocoles proposés aux agriculteurs suivant ces scénarios ou d’améliorer la résistance des produits de biocontrôle face aux risques climatiques croissants », précise Pr Kevin Tougeron, chef du Service Écologie des Interactions et Changements Globaux (UMons) et coordinateur de Trans-Pest. Ce projet dispose d’un budget de près de 2,3 millions d’euros, avec une contribution du FEDER d’1,36 million d’euros. Il compte 10 partenaires.
Grains, fruits et légumes
Six cultures typiques de la zone transfrontalière France-Wallonie-Vlaanderen ont été sélectionnées : la grande culture de blé, les vergers de pommiers, les cultures de poireaux, de pommes de terre, de betteraves et de fraises.
Parmi les principaux ravageurs qui les affectent, les pucerons sont en bonne place. Citons aussi les thrips, que l’on connaît mieux sous l’appellation de “bête d’orage” ou de “bête de chaleur”. Ce sont des insectes minuscules (environ 1 mm de long) responsables de dégâts dans les cultures de poireaux et de fraises.
Il y a également les acariens et les taupins, insectes qui, à l’état larvaire, grignotent les racines, et les feuilles à l’état adulte.
Des renforts de tous les règnes
Le projet comportera plusieurs axes d’étude auxquels participent plusieurs partenaires.
Un axe sera dédié aux auxiliaires de cultures qui peuvent être classés selon leur mode d’action : prédateurs ou parasites.
Parmi les prédateurs, il y a les coccinelles dont les larves consomment de grandes quantités de pucerons.
Quant aux parasites, citons les champignons qui peuvent induire des infections entraînant la mort. Mais aussi certains insectes tels que les guêpes parasitoïdes, des insectes de petite taille, qui pondent directement dans le corps d’un puceron. Après éclosion de l’œuf, la larve va le dévorer de l’intérieur pour assurer sa croissance. Et finira par le tuer. « Alien » n’était pas très loin de la réalité.
A l’Université de Mons, mais également en Flandre, des chercheurs vont se concentrer sur les relations entre les espèces prédatrices/prédatées, parasites/parasitées.
Huiles essentielles en « intraveineuse »
Un autre axe portera sur les produits biologiques, issus du monde vivant, comme les huiles essentielles. Celles-ci peuvent être utilisées comme répulsifs, directement sur les végétaux ou dans des petits diffuseurs disposés dans les champs», précise Pr Kevin Tougeron.
Une technique novatrice qui consiste à injecter des huiles essentielles dans l’appareil circulatoire de pommiers sera développée, notamment par des chercheurs de l’UCLouvain.
Attraction fatale
D’autres biomolécules comme les phéromones seront explorées pour piéger les ravageurs. « Le focus sera aussi mis sur des produits qui sont déjà à un stade relativement avancé en termes de développement, comme ceux développés par des collègues de Gembloux Agro-Bio Tech et de l’UCLouvain, qui permettent d’attirer certains ravageurs agricoles, afin de les tuer », explique Pr Tougeron.
Sans oublier des biomolécules développées lors d’autres phases de BIOCONTROL 4.0. Les lipopeptides identifiés comme prometteurs dans le projet Trans-Lipo, qui vise à élaborer des solutions biologiques à base de lipopeptides et glycolipides pour l’agriculture durable, seront notamment testés sur les différents ravageurs sélectionnés dans Trans-Pest.