Les nouvelles espèces attirent les apprentis sorciers

2 février 2017
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«Hominisation et transhumanisme» par Théophile Godfraind. Collection L'Académie en poche - VP 7 €, VN 3,99 €
«Hominisation et transhumanisme» par Théophile Godfraind. Collection L’Académie en poche – VP 7 €, VN 3,99 €

L’insouciance de savants, d’ingénieurs, de financiers qui développent de nouvelles espèces d’animaux et de plantes inquiète Théophile Godfraind. Le professeur émérite de physiologie et de pharmacologie de l’Université Catholique de Louvain (UCL) tire la sonnette d’alarme avec «Hominisation et transhumanisme».
 
Dans la collection L’Académie en poche (www.academie-editions.be, VP 7 euros, VN 3,99 euros), ce livre prolonge la leçon donnée au Collège Belgique (www.academieroyale.be) par l’ancien président de l’Académie royale de médecine. Il résume les étapes principales de l’évolution humaine en mettant en évidence l’action de l’environnement. Il aborde les conséquences biologiques et les problèmes bioéthiques causés par la transmission de matériel humain chez les animaux et les végétaux.
 
L’ADN de tout être vivant peut être modifié
 
Un nouveau type de sélection des espèces se développe depuis la découverte du code génétique. a modification du génome crée un riz résistant à la sécheresse. Des animaux sont conçus à des fins scientifiques pour trouver de nouvelles thérapeutiques. Le système immunitaire d’animaux de compagnie est transformé afin de fortifier leurs interactions avec les humains…
 
La communauté génétique est fascinée par la technique du CRISPR-Ca59 capable de modifier l’ADN (acide désoxyribonucléique) de tout être vivant. Cet outil contient un ARN (acide ribonucléique) pouvant se lier sur la portion ADN complémentaire d’un gène sectionné par l’enzyme Ca59. Il est encore au stade expérimental pour l’embryon humain. Qualifié de découverte capitale de l’année 2015 par le magazine Science, cette paire de ciseaux à ADN permet de programmer l’endroit de section d’un gène. D’obtenir des animaux transgéniques avec un rendement maximal.
 
Des produits tels que l’insuline, l’hormone de croissance et les facteurs inhibant la coagulation du sang sont obtenus à partir du lait de vaches, de moutons ou de chèvres transgéniques. L’introduction de gènes d’araignées dans des embryons de chèvres produit des chèvres dont le lait contient de minuscules brins de soie qui se présentent, après filage, sous la forme d’un matériau souple, léger et résistant. Une possibilité de fil pour sutures, raquettes de tennis…
 
«La technique du CRISPR-Ca59 entraîne une dynamique menant certains chercheurs vers la réalisation d’une humanisation plus poussée des animaux», relève le Pr Godfraind.
 

«Et vers la transformation du génome d’Homo sapiens pour augmenter les capacités physiques et intellectuelles, voire même pour le rendre immortel. Ceci pourrait susciter une nouvelle forme d’évolution des espèces. L’évolution causée par l’homme, qui réaliserait l’utopie transhumaniste par la création d’un transhumain
 
On ne se soucie pas assez des risques
 
Pour améliorer les capacités humaines, le transhumanisme utilise les potentialités des NBIC: nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives.
 
«Nous avons évité l’assujettissement au nazisme. Nous devons devenir beaucoup plus attentifs aux programmes de grandes multinationales dont les dirigeants sont des promoteurs du déploiement des NBIC dans le cadre du projet transhumaniste dont la réalisation incontrôlée pourrait asservir les humains
 
«La plupart des humains ont tendance à extrapoler les progrès sous une forme linéaire du temps. Ils ne les anticipent pas comme une fonction exponentielle. Il en résulte, pour la majorité, un manque de perception de la proximité des métamorphoses à venir. Une humanité duale pourrait s’établir. Une telle situation a existé avant l’extinction des Néandertaliens. Mais Sapiens a survécu et s’est développé.»
 
Il faudrait respecter des normes éthiques… «Il convient que le monde de la technologie introduise dans l’analyse de ses projets des règles définies par l’estimation du rapport risque/bénéfice pour l’humanité. Il serait regrettable qu’il n’accepte pas de se soumettre aux normes éthiques qui découleront de la conscience démocratique. La transgression de ces normes pourrait entraîner un développement chaotique générateur de conséquences néfastes et imprévisibles.»
 
Théophile Godfraind oppose les règles éthiques du monde biomédical à l’absence apparente de préoccupation des risques courus lors d’une croissance exponentielle de la robotique, de l’intelligence artificielle, des nanotechnologies, de l’impression 3D.
 

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