Déchets radioactifs… Faiblement, hautement radioactifs? Leur durée de vie peut s’étendre sur des milliers, voire des millions d’années. La classification varie d’un pays à l’autre. Elle se répercute sur la gestion de ces résidus toxiques.
Dans «L’art de gouverner les déchets hautement radioactifs», aux Presses universitaires de Liège, la docteure en sciences politiques et sociales Céline Parotte confronte les pratiques canadiennes, belges et françaises. Sa recherche a été menée entre 2012 et 2016. Financée par l’Université de Liège (ULiège) et l’Ondraf, l’organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles.
«La conduite, les publications et l’encadrement scientifiques étaient laissés intégralement à l’institution universitaire», précise l’attachée au Centre de recherche multidisciplinaire Spiral.
Des déchets classés en 3 catégories
À partir des années 1990, la gestion des déchets hautement radioactifs connaît un tournant participatif. Pendant une brève période, les règles de base des pratiques de gouvernement sont partiellement réécrites. Le programme de gestion des déchets hautement radioactifs est reconnu comme un projet sociotechnique qui a besoin d’être accepté. Légitimé.
Le classement des déchets radioactifs se base sur leur niveau d’activité, de radiotoxicité et d’énergie thermique, le potentiel chauffant. Membres de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), la Belgique, la France et le Canada s’inspirent d’un système en 3 catégories. En Belgique, il existe officiellement des déchets de faible ou moyenne activité et de courte durée de vie. Des déchets de faible ou moyenne activité de longue durée de vie. Et des déchets de haute activité et de courte ou longue durée de vie.
Les résidus très faiblement, faiblement et moyennement radioactifs à vie courte, sont généralement stockés en surface d’après des caractéristiques variables selon les pays. En Belgique, en 2006, le gouvernement a choisi la commune de Dessel dans la province d’Anvers. Pour les résidus moyennement radioactifs à vie longue et les résidus hautement radioactifs, les gouvernements français et canadien ont opté pour le stockage en profondeur.
Les décisions gouvernementales se font attendre
«La Belgique est un cas particulier», relève la chercheuse. «Le gouvernement belge ne s’est toujours pas prononcé en faveur de l’une ou l’autre option de gestion à long terme de ce type de déchets. L’Ondraf privilégie cependant clairement le dépôt géologique dans l’argile depuis 2011.»
Plusieurs catégories aux frontières floues attendent aussi une décision gouvernementale. Comme le combustible usé qui n’est plus utilisable dans le cœur d’un réacteur. Soit, il est considéré comme déchet. Soit comme matière valorisable. L’enjeu est scientifique, sociétal, économique.
«C’est l’autorisation d’exploitation locale d’un dépôt géologique et les conditions assorties à celle-ci qui définiront l’adéquation entre l’option privilégiée et la catégorie potentiellement identifiée comme stockable en sous-sol», explique l’enseignante à la Faculté de droit de l’ULiège.
La société civile est exclue du processus
La construction des catégories découle de discussions, de négociations. Entre producteur du déchet, gouvernement, régulateur et organisme chargé de la gestion. La société civile est exclue du processus de classification.
«Le gouvernement belge peut statuer sur l’autorisation ou non du retraitement pour le combustible usé sur le sol belge. Et sur la poursuite ou la prolongation des centrales nucléaires», rappelle Céline Parotte. «Il a également la capacité de contraindre le producteur de la source radioactive au travers du programme national et du plan national.»
«Le gouvernement doit également prendre position sur chaque catégorie de déchet, le combustible usé et leur solution associée. Il est essentiel de poursuivre des travaux académiques rendant compte des continuités et des discontinuités du programme de gestion des déchets hautement radioactifs. Et des pratiques de gouvernement associées.»
Le pouvoir du producteur de déchets de les inclure ou de les exclure d’une catégorie, en les considérant comme déchet ou comme matière valorisable, impacte les compétences de l’Ondraf.
«Il est intéressant de constater que de nombreux petits producteurs de déchets radioactifs préfèrent le stockage temporaire en interne à long terme plutôt que de les transférer à l’Ondraf. En cause, les procédures trop strictes à respecter. Et le coût de gestion.»