Berce du Caucase, balsamine de l’Himalaya ou encore écrevisse de Louisiane. Derrière ces dénominations qui fleurent bon l’exotisme se cachent des envahisseurs en puissance. Arrivées dans notre contrée tempérée avec l’aide de l’Homme, ces espèces y ont trouvé un climat favorable et peu de compétiteurs ou de prédateurs. Une combinaison gagnante pour une propagation débordante. En Belgique, 12 espèces de plantes et 3 d’écrevisses posent problème. « Dans le cadre du projet Life RIPARIAS, notre mission est de restaurer les milieux naturels impactés, de faire une évaluation des bénéfices. Et de réaliser une veille pour détecter les invasions en cours », explique Arnaud Monty, professeur à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège).
Le projet Life RIPARIAS, qui bénéficie d’un budget de 7 millions d’euros à étaler entre 2021 et 2026, étudie les méthodes de lutte les plus efficaces dans l’éradication des espèces exotiques envahissantes. Pour cela, il se focalise sur une zone pilote couvrant 263.103.000 ha et incluant les bassins versants de la Dyle, la Senne et la Marcq (dans le district hydrographique de l’Escaut).
« Lorsque nous éradiquons les espèces exotiques envahissantes d’une zone, il est possible que des foyers (de cette même espèce ou d’autres espèces envahissantes, NDLR) relativement proches profitent de l’espace libéré pour s’y installer. C’est un peu un jeu du chat et de la souris. Nous devons donc développer différentes approches pour anticiper ces risques. Et nous assurer des meilleures chances de succès pour nos actions futures. Tout en évitant les dépenses d’énergies inutiles. Nous étudions cela dans le cadre de ce projet », mentionne Pr Monty.
Traque aux écrevisses
Riparias cible notamment cinq espèces d’écrevisses exotiques considérées comme préoccupantes par l’Union Européenne. Présentes en bordure de rivières et dans les plans d’eau, elles proviennent souvent d’aquariums desquels elles se sont échappées ou d’étangs dans lesquels elles ont été introduites.
Généralement dotés d’une grande amplitude écologique, ces invertébrés sont capables de s’établir en forte densité dans diverses conditions environnementales, transformant les écosystèmes en profondeur.
« Omnivores, les écrevisses envahissantes nuisent aux plantes indigènes, aux macro-invertébrés, aux amphibiens et aux poissons notamment en raison de la compétition, la prédation et de la transmission de maladies », expliquent les scientifiques.
« Ces animaux étant difficiles à détecter en eaux profondes, leur répartition est probablement sous-estimée dans les zones pilotes. Il est donc probable que de nouvelles espèces et de nouveaux emplacements soient découverts lors de la surveillance accrue tout au long du projet », préviennent-ils.
La survie d’organismes aquatiques menacée
Trois groupes de plantes envahissantes sont la cible des scientifiques de ce projet Life.
Celui des plantes ripariennes comprend 5 espèces de plantes de grande taille capables de se propager rapidement le long des réseaux fluviaux. « Celles-ci modifient la composition du sol, favorisant son érosion. De plus, elles réduisent la densité et la diversité de la végétation indigène. »
Les trois espèces de plantes amphibies ciblées par le projet s’enracinent dans les berges. Formant de denses tapis de végétation, elles peuvent rapidement recouvrir la surface des étangs, des lacs et des rivières à faible débit.
« Ces plantes préfèrent les eaux riches en nutriments et les zones humides. En raison de leur rapidité de croissance et leur capacité à couvrir entièrement la surface de l’eau, ces espèces ont un impact important sur la biodiversité et les écosystèmes aquatiques. Elles entrent en compétition avec la plupart des espèces de plantes aquatiques indigènes et peuvent altérer la qualité physico-chimique de l’eau », expliquent les chercheurs.
« Ces plantes menacent la survie de nombreux organismes aquatiques, modifient le débit d’eau, augmentent le risque d’inondation et restreignent les activités de pêche et de navigation. »
Une eau rendue plus basique
Quant au groupe des plantes aquatiques submergées et enracinées dans les sédiments, il comprend 5 espèces cibles. Notamment Lagarosiphon major, laquelle transforme profondément les écosystèmes, allant jusqu’à augmenter le pH de l’eau (donc rendre l’eau plus basique).
« Ces espèces ont un impact similaire à celui des plantes amphibies, mais ne peuvent pas coloniser les habitats en dehors de l’eau. Non consommées par les poissons, elles poussent à la fois dans les eaux stagnantes et courantes, mais évitent les rivières à débit rapide et sont souvent associées à des eaux riches en nutriments. Ces plantes aquatiques vivaces submergées forment des populations mono-spécifiques denses colonisant l’ensemble de la colonne d’eau », mentionnent les scientifiques.
Un projet de veille participative
Le projet Riparias est coordonné par Bruxelles Environnement, en collaboration avec 10 partenaires. Dont les contrats de rivière de la Senne, de la Dendre et de la Dyle-Gette, le Service Public de Wallonie- Agriculture, Ressources naturelles et Environnement, l’Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech et la Politique Scientifique Fédérale via la « Belgian Biodiversity Platform ».
Les citoyens seront également appelés à jouer un rôle actif. D’ici 2022, des plates-formes naturalistes, comme iNaturalist et observations.be, accueilleront leurs témoignages d’espèces envahissantes et la localisation de celles-ci.