Voilà qui devrait intéresser les amateurs de trail. Battiste Deiana, jeune entrepreneur diplômé de l’Ichec, s’est lancé dans la conception et le développement d’une semelle bio-inspirée pour les chaussures destinées aux sportifs de cette discipline. Si les chèvres de montagnes et autres bouquetins sont capables d’une grande stabilité dans les terrains les plus raides et les plus difficiles, cela leur vient, notamment, de leurs sabots. « Avec leur structure et leur composition particulières, leurs sabots constituent notre source d’inspiration. »
Une application biomimétique
Les semelles innovantes élaborées par le jeune entrepreneur se basent sur cette double approche. Avec le concours du Centre de recherche agréé Materia Nova, à Mons, il mise sur le biomimétisme pour transformer son projet en succès.
« Nous avons d’abord travaillé sur la structure de ces semelles », explique-t-il. « Nos prototypes, formés de deux parties indépendantes, ont été testés en 2021 dans les Alpes françaises, du côté d’Annecy. Ces tests de terrain nous ont permis de valider l’architecture de la semelle », explique le patron de Deiana inc.
La deuxième innovation des semelles Hoof-Tech, elle aussi inspirée par la nature, porte sur la composition des matériaux à utiliser. « Les sabots des ongulés qui vivent en montagne sont recouverts d’une couche de kératine », reprend Battiste Deiana. « Ce composé leur assure d’intéressantes propriétés mécaniques, propices à une bonne accroche sur le terrain. Nous avons exploré cette piste. »
Il ne restait plus qu’à trouver le partenaire scientifique pour mener l’étude de faisabilité et à identifier une source de kératine durable pour ce projet. Grâce à un coup de pouce de la Région wallonne et de son programme WIN4expertise, la jeune société a pu faire appel au savoir-faire des chercheurs du Centre de recherche agréé Materia Nova.
La laine de mouton, source de kératine
« Ces six derniers mois, nous avons étudié s’il était possible et réaliste de produire un biomatériau comprenant à la fois du caoutchouc et de la kératine », indique la chimiste Antoniya Toncheva, chargée du projet au sein de Materia Nova. « Un des premiers choix à faire a été de trouver la matière première pour élaborer ce biopolymère. »
« Chaque année, quelque 5 millions de tonnes de déchets de cheveux, de chutes de laine de mouton ou encore de plumes contenant de la kératine sont produites en Europe », assure Battiste Deiana. « Des déchets qui ne sont pas vraiment valorisés. Avec Materia Nova, nous avons analysé ces sources d’approvisionnement potentielles et nous avons opté pour la laine de mouton. »
« Dans un premier temps, nous avons appris à carder et à laver la laine pour ensuite en récolter la kératine », reprend Antoniya Toncheva. « Par la suite, nous avons fait appel à un sous-traitant, une entreprise belge spécialisée. »
Les essais de fabrication du polymère dopé à la kératine ont alors pu prendre place, à diverses températures et hautes pressions. Des essais qui se sont avérés concluants. « Nous avons testé diverses proportions de kératine dans le produit », précise la scientifique. « Nous avons pu montrer que nous pouvions l’intégrer autant dans une mousse utile à la semelle intermédiaire qu’à un composé plus dur destiné à façonner la semelle externe. Au final, cela a mené à la validation de la pertinence d’une des sources d’approvisionnement de kératine pour la fabrication de ces semelles innovantes ainsi que de la faisabilité du projet. »
Le coup de pouce de Materia Nova a également permis d’optimiser la composition du biopolymère et de préciser la pertinence de l’utilisation et le dosage de la kératine dans ce produit.
« On utilise déjà de la kératine dans d’autres types de produits, comme des cosmétiques, des compléments alimentaires ou même des engrais », précise Mme Tonchev. « Mais pas encore dans des semelles de chaussures de sport. Dans ce contexte, diverses nouvelles contraintes, comme la résistance aux chocs mécaniques, doivent être prises en considération. »
« Ce produit est certes bio-inspiré, mais il valorise aussi des déchets. Et, au final, les semelles sont, elles aussi, recyclables ou biodégradables », explique Battiste Deiana.
Il ne reste plus qu’à passer à l’étape suivante. Outre la question des investisseurs, il faut à présent transformer l’essai de laboratoire en un procédé industriel. Ici aussi, l’entrepreneur wallon sait qu’il peut compter sur Materia Nova. Rendez-vous sur les circuits de trail? « Bien sûr, mais aussi sur les sentiers de randonnée », conclut Battiste Deiana. « Ces semelles bio-inspirées devraient aussi intéresser les fabricants de chaussures de rando ».