Quand on est fou de foot

3 mars 2017
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«L’engagement sportif au prisme des sciences sociales» par Jean-Paul Callède & Gilles Ferréol. Ed. EME VP 22 €
«L’engagement sportif au prisme des sciences sociales» par Jean-Paul Callède & Gilles Ferréol. Ed. EME VP 22 €

En France, Jean-Paul Callède, chargé de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), et Gilles Ferréol, professeur de sociologie à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, se sont entourés de chercheurs pour publier «L’engagement sportif au prisme des sciences sociales». Paru chez EME à Louvain-la-Neuve, ce livre s’appuie sur de nombreuses enquêtes dans le monde du football, de l’athlétisme, de la gymnastique, de l’alpinisme, de la lutte et des courses automobiles.

Dès l’enfance

Le foot offre une piste de réflexion féconde. Pour sa recherche de doctorat sur la formation au métier de footballeur, Anne-Sophie Gaborel a côtoyé des joueurs devenus professionnels. Ou écartés des sélections.

«Dès l’enfance, les joueurs-apprentis ont tissé un lien de proximité avec le sport», raconte l’attachée d’enseignement et de recherche à l’Université Rennes 2. «La passion trouve son origine dans une multitude d’incitations sociales. La famille, les amis ou encore les premiers coachs vont jouer un grand rôle dans le parcours d’entrée et de progression dans une structure amateur. En manifestant un intérêt pour les performances de l’enfant, en lui offrant un investissement pratique ou par des compliments et des valorisations, ils fondent, chez le joueur en herbe, un sentiment de proximité avec le ballon rond

Le nombre de déçus est important

Les jeunes pratiquants sont particulièrement attentifs aux remarques du coach, gages de progrès, de réussite. Les compliments renforcent leur croyance qu’on peut devenir un pro. Surtout si l’on bénéficie d’une promotion. Preuve de capacités, d’un talent particulier. L’entrée dans un centre de formation confirme le sentiment d’avoir le foot dans le sang. De mettre un pied dans le monde des élites.

«L’appartenance à l’univers du football se retrouve dans l’adoption de codes propres à celui-ci: coiffure, gestuelle, vocabulaire… Plus largement, les pratiques de mise en scène de soi sont nombreuses, à la manière des grands joueurs, sur les réseaux sociaux

Mais, intégrer un centre de formation ne garantit pas la réalisation de son rêve. Sur une cinquantaine d’ados, seulement un ou deux se verront proposer un contrat professionnel.

«À travers l’échec de l’entrée dans une carrière professionnelle, c’est tout un pan de l’identité de l’adolescent qui s’écroule. Cette expérience vient infirmer l’investissement de plusieurs années et menace toute la construction de la personne

La passion demeure pourtant malgré la déconvenue. Un niveau trop faible pour intégrer l’élite est rarement évoqué. Beaucoup d’exclus considèrent que rien n’est impossible avec de la volonté. Ils espèrent que leurs sacrifices trouveront un écho. Ce qui est rarement le cas.

Les clubs ont besoin de bénévoles réguliers

Écartés d’un avenir de pro, des footballeurs choisissent d’entraîner des équipes de jeunes. Depuis une dizaine d’années, les clubs sont en demande de bénévoles. Tout particulièrement de volontaires réguliers. Dans le sport, le bénévolat repose un peu moins qu’ailleurs sur des motivations altruistes. Comme rendre service à la société. Agir pour les autres.

«Il existe un glissement entre l’image consensuelle du bénévole dévoué, et celle, aujourd’hui assumée, de l’action bénévole gratifiante pour l’individu», expliquent Jean-Michel Peter et Roger Sue, chercheurs au Centre de recherche sur les liens sociaux de l’Université Paris Descartes – CNRS. «Le modèle sous-jacent repose sur la supériorité de valeurs individuelles et non plus sur une morale collective. Ainsi c’est le projet personnel de l’individu qui oriente ses choix. Concilier individu et collectif sont des tâches plus difficiles à mener aujourd’hui qu’hier.»

Les enquêtes montrent que les bénévoles sont sensibles à la notion de compétence. L’absence d’expertise apparaît comme un frein notable à la prise de responsabilités pour les volontaires qui craignent de n’être pas à la hauteur. Elle conduit à la demande de stages de formation pour pouvoir accepter de nouvelles responsabilités au sein d’un club.

Parmi les freins, les bénévoles sportifs mettent plus en avant que les autres le manque de temps, la pression de leur entourage, leur usure ou leur lassitude. Dans une moindre mesure, ils dénoncent un manque de reconnaissance. Leur demande concerne plus le respect de la personne que le côté financier.

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