
Sous la direction de la psychologue Gretty Mirdal, 46 collègues et amis du neurophysiologiste Alain Berthoz ont rédigé «Autour d’Alain Berthoz – Franchir les frontières pour décrypter le cerveau». Publié par les éditions Odile Jacob.
Professeur honoraire au Collège de France, le membre de l’Académie française des sciences et de l’Académie royale de Belgique a développé avec Gretty Mirdal le programme «Cerveau, culture et société» à l’Institut d’études avancées de Paris (IEA). «Alain Berthoz a su créer les conditions propices à des rencontres improbables entre des neurosciences et des sciences humaines», explique la psychologue clinique. «Deux univers qui nous avaient paru si différents.»
Les activités générées par ce programme présidé par Alain Berthoz sont consultables sur le site de l’IEA.
Fécondité et limites de la multidisciplinarité
«Le présent ouvrage est issu d’une rencontre improbable de collègues et d’amis venus, certains de loin, évoquer la fécondité et les limites de la multidisciplinarité pour comprendre les merveilleuses capacités et les pathologies du cerveau», raconte Alain Berthoz. «Aucune des aventures scientifiques décrites dans cet ouvrage n’aurait été possible sans les nombreux étudiants et chercheurs, plus d’une centaine, venus de toute la planète, qui ont pris, au fil des années, le risque de bâtir une physiologie fonctionnelle, une ‘neuroscience cognitive’, aux frontières des disciplines. Ils ont ensemencé les projets par leurs idées, leurs cultures si variées. Et leur formidable travail.»
«Nous avons appris d’eux certainement plus que ce que nous avons pu leur apprendre. Nous ne fûmes, au fond, que des jardiniers à la disposition de leur énergie créatrice. Pourquoi risquer la dispersion en combinant deux ou plusieurs points de vue et en cherchant à comprendre le fonctionnement du cerveau sur le plan scientifique, clinique et social? Franchir une frontière, de pays comme de discipline, est parfois une épreuve difficile. Il faut changer de langue, de terminologie, de culture, de règles, de climat. Mais c’est aussi un merveilleux plaisir. Et j’ai souvent été étonné de celui qu’ont provoqué des rencontres entre spécialistes de divers domaines.»
La multidisciplinarité permet de retrouver une vision plus globale du fonctionnement du cerveau. De récupérer l’unité de l’humain… «Évidemment, les diverses formes de multi- ou de pluri- ou d’inter-disciplinarité comportent des dangers», note le Pr Berthoz. «Comme la confusion et l’addition d’incompétences. Ou la construction de synthèses de circonstance au détriment d’un vrai savoir.»
La motricité des yeux
Jeune postdoctorant, le professeur émérite de l’Université de Bruxelles (ULB) Guy Cheron a rencontré pour la première fois Alain Berthoz dans son laboratoire parisien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 1983. Le neurophysiologiste accompagnait le Pr Larry Stark avec lequel il avait entamé une recherche à l’University of California à Berkeley sur les mouvements rapides de la tête. «Très vite, je suis plongé dans le monde exigeant de l’oculomotricité et très impressionné par les discussions qui s’enchaînent entre Alain et Larry. Ce n’est que plus tard que je comprendrai mieux l’importance des sujets abordés lors de cette rencontre.»
«Lorsque nous regardons autour de nous, nous faisons des saccades puis nous fixons une cible d’intérêt. Le domaine de l’oculomotricité est à cette époque en quête d’une structure cérébrale qui effectuerait cette stabilisation grâce à une intégration, au sens mathématique du terme, c’est-à-dire la transformation d’un signal de vitesse en une commande de position assurant la stabilité du regard.»
De retour en Belgique, Guy Cheron rejoint le neurophysiologiste Émile Godaux à l’UMons pour participer à la recherche sur l’intégrateur oculomoteur chez le chat.
Déborder les frontières disciplinaires
Pour le membre fondateur d’Human Waves, spin-off des Laboratoires de psychophysiologie de la motricité et biomécanique du mouvement de l’ULB, la portée des travaux d’Alain Berthoz dépasse la notion d’intégrateur neuronal.
Le chercheur avec lequel Guy Cheron a eu la chance de travailler est un défenseur et un promoteur de la recherche européenne en neurosciences en relation avec d’autres domaines. Comme l’intelligence artificielle, les mathématiques, la robotique, la santé, le sport.
Sous l’impulsion du conférencier au Collège Belgique, Guy Cheron s’est intéressé aux états mentaux impliqués dans la production des gestes festifs ou agressifs. A investigué les prises de décision dans la navigation locomotrice des patients atteints de troubles de la mémoire.
«Nous pensons qu’une approche pluridisciplinaire alliant les sciences du mouvement, la neuro-biomécanique, l’électrophysiologie, la neuropsychologie, la sociologie et les modèles mathématiques devraient nous permettre de poursuivre la recherche des fondements scientifiques du fonctionnement du système nerveux.»