Des chantiers de travaux publics plus verts grâce au numérique? Le concept, déjà déployé en Wallonie, séduit les Québécois. Une des rencontres organisées lors de « Montréal connecte » entre acteurs québécois et wallons sur cette thématique en atteste.
Cet événement, qui en est cette année à sa cinquième édition, croise les initiatives numériques dans de multiples domaines. La dernière édition avait mis Bruxelles et la Wallonie à l’honneur. Et en matière de travaux publics, c’est une innovation issue de Wallonie picarde qui occupait le devant de la scène. Il s’agit d’une solution de la gestion « carbone » des chantiers proposée par BizzDev, à Tournai.
Surveiller les gaz à effet de serre
« Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de certains de nos prochains chantiers, nous comptons nous inspirer du modèle tournaisien », indique Jean-Francois D’Amour, directeur général de Magog, une ville située à une centaine de kilomètres à l’est de Montréal. M. D’Amour intervenait dans un échange portant sur les territoires connectés et intelligents.
L’exemple tournaisien? Il s’agit d’une initiative qui a vu le jour pour la première fois dans le cadre du vaste chantier de la traversée de Tournai. Ce chantier concernait la mise à niveau de l’Escaut afin que des péniches de 2000 tonnes puissent y circuler sans entraves. C’était déjà globalement le cas, sauf sur le tronçon tournaisien d’un peu plus de deux kilomètres. La traversée de la ville par les bateaux y était réduite et le trafic réglé par une circulation alternée.
Proactivité du SPW Mobilité et infrastructure
« Dans le cadre de la politique globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, le Service public de Wallonie (SPW) Mobilité et Infrastructure avait décidé d’être proactif avec ce chantier », rappelle Christophe Vanmuysen, inspecteur général du SPW Mobilité et Infrastructure (Département Expertises Hydraulique et Environnement).
« Des clauses particulières relatives aux émissions de gaz à effet de serre du chantier et le reporting de celles-ci ont ainsi été incluses dans le cahier des charges. Il était aussi demandé aux entreprises intéressées d’indiquer quelles mesures elles comptaient prendre pour limiter ces nuisances. L’objectif principal étant d’être globalement cohérent avec la logique du transfert modal du transport de marchandises. Et ce, dans une dynamique environnementale. En sachant que le transport par voie d’eau permet de massifier les marchandises, et donc de limiter les nuisances au niveau du bruit et des émissions de gaz à effet de serre. »
« Par rapport au trafic routier, le transport fluvial génère trois fois moins d’émissions de CO2, consomme de trois à six fois moins de carburant et produit 45 fois moins de bruit », précise le SPW.
Une innovation appréciée par les entreprises
« Les entreprises soumissionnaires ont joué le jeu. Mieux encore, elles ont intégré, pour certaines, cette nouvelle approche environnementale à d’autres volets de leur fonctionnement que ceux strictement liés au chantier concerné, comme les émissions de GES de leur siège administratif », indique Valentine Verdonck, Directrice générale adjointe de la société Bizzdev. Sa société participait à Montréal connecte, tout comme une septantaine d’autres acteurs wallons du numérique emmenés sur place par Wallonie-Bruxelles International et l’Awex (l’Agence wallonne aux exportations).
Capter et digérer une foule de données quasi en temps réel concernant l’impact environnemental d’un chantier n’est pas une mince affaire. C’est là que le savoir-faire des équipes de BizzDev fait la différence.
Qu’il s’agisse de prendre en compte les données « carbone » liées aux déplacements du personnel de et vers le chantier, la gestion et le choix des matières premières, le charroi nécessaire, la gestion des déchets et leur évacuation ou encore le choix des équipements à utiliser, l’entreprise tournaisienne a la réponse. Elle a développé une plateforme applicative web pour le suivi des opérations sociales et le calcul du bilan carbone.
Un meilleur service à la population
Pour la traversée de Tournai, la satisfaction par rapport à cette innovation est claire. « Après ce chantier, nous avons pu mettre cette solution à disposition de dix autres chantiers », souligne Mme Verdonck. Désormais, son entreprise lorgne vers le Québec. Et la ville de Magog en particulier, où elle a déjà établi un bureau.
« Nous allons lancer, l’an prochain, un ou deux appels incluant cette dimension environnementale pour nos chantiers », indique Jean-Francois D’Amour, directeur général de Magog, qui était précédemment venu en mission en Wallonie pour mieux comprendre les attraits et les limites liées à cette dimension environnementale en matière de travaux publics. « Contrairement à la Wallonie, cette contrainte environnementale n’est pas présente au Canada. Rien n’oblige les entrepreneurs à contrôler leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes persuadés que cela présente une plus-value pour l’environnement et les services que nous rendons à la population », conclut-il.