Covid-19 : la vaccination en questions

3 décembre 2020
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

« Comme tout médicament, aucun vaccin n’est efficace à 100 %. Ni sûr à 100 %. En effet, nous ne développons pas tous le même type de réponse immunitaire contre un agent pathogène ou un vaccin. L’autorisation de mise sur le marché d’un vaccin dépend de la situation sanitaire et du rapport coût/bénéfice », explique d’emblée Eric Muraille, biologiste et immunologiste (ULB), chercheur FNRS, lors d’une rencontre virtuelle organisée par l’ULB. Il a répondu à quelques-unes des questions qui taraudent les citoyens suite au démarrage, en janvier, de la vaccination contre la Covid-19.

Les aînés, seront-ils immunisés grâce au vaccin ?

Concernant les vaccins développés par Moderna et Pfizer, les tests cliniques de phase 3 ont inclus plus de 40.000 personnes. La moitié s’est vue injecter le vaccin, tandis que l’autre moitié a reçu un placebo.

« Parmi les personnes vaccinées, environ 40 % étaient des individus âgés de plus de 50 ans. Néanmoins, on ignore si les 10 % d’individus vaccinés qui ont développé la Covid-19 sont les plus âgés ou s’ils avaient des comorbidités », explique Eric Muraille. Et de préciser « en principe, on devrait savoir bientôt si les vaccins protègent les personnes très âgées. Mais à l’heure actuelle, on l’ignore. »

A noter que les femmes enceintes et les personnes ayant déjà eu la Covid-19 ont été exclues des tests cliniques réalisés par Pfizer. « On ne connaît donc pas l’impact de la vaccination chez ces personnes. Elles seront, sans doute, écartées des premières vaccinations. »

Sera-t-il nécessaire de vacciner les gens qui ont déjà été infectés ?

Peut-être pas. Néanmoins, les taux d’anticorps produits, par exemple, par le vaccin Pfizer, sont supérieurs au taux d’anticorps produits naturellement.

« Des études cliniques suggèrent que les individus ayant été infectés sans développer de symptômes présentent des taux d’anticorps beaucoup moins élevés que les personnes ayant été infectées et ayant développé les symptômes. Cela reste à confirmer. Mais cela peut laisser penser que vacciner les individus ayant fait la Covid-19 serait bénéfique pour renforcer leur immunité. Et, en tout cas, pour avoir une immunité de plus longue durée vis-à-vis de l’infection. »

Pourra-t-on être contagieux tout en étant vacciné ?

« On sait que le vaccin protège la population vaccinée contre le développement de la Covid-19. Par contre, il n’existe aucune étude sur la capacité du vaccin à empêcher le passage de l’agent pathogène d’un individu à l’autre. Autrement dit, on ne sait pas si le vaccin est stérilisant. »

Néanmoins, « les vaccins à ARN et les vaccins vectorisés sont connus, du moins chez l’animal, pour induire une immunité de type cellulaire, particulièrement bien adaptée contre les virus. On peut dès lors espérer que ces types de vaccin induisent une protection stérilisante chez l’humain et bloquent les chaînes de transmission. Mais cela reste théorique », poursuit Eric Muraille.

Et d’insister, « pour casser la chaîne de transmission, il faut arriver à l’immunité collective. C’est-à-dire, dans le cas du SARS-CoV-2, à 70 % d’individus ayant développé une immunité protectrice. »

« En Belgique, on estime qu’entre 10 et 20 % de la population ont d’ores et déjà été confrontés au virus. En estimant que ces personnes ont dès lors une immunité naturelle au virus, il reste environ 5 millions de personnes à vacciner pour arriver à l’immunité collective. C’est l’objectif avant l’hiver prochain. »

Quid des effets secondaires ?

Lors de l’injection d’un vaccin, le système immunitaire réagit. « Pour tout vaccin, on estime que 5 à 10 % des personnes vaccinées développent une petite réponse inflammatoire comme de la fièvre, des signes d’abattement. Ce taux est estimé à 10 % avec le vaccin de Pfizer. Ces effets ne sont pas graves et sont observés dans les 6 mois après l’injection. »

Depuis l’établissement de la vaccination par Louis Pasteur au XIXe siècle, des effets à long terme graves, comme le syndrome de Guillain-Barré, ont été documentés pour de rares vaccins. « Le seul cas certifié entre vaccination et syndrome de Guillain-Barré est celui lié à la vaccination contre l’influenza en 1979 aux Etats-Unis. Vaccin qui fut retiré pour cette raison. Il faut toutefois noter sa faible fréquence : 450 cas de Guillain-Barré ont été observés après avoir vacciné un quart de la population américaine de l’époque, soit 60.000.000 de personnes. »

Qu’en est-il des vaccins contre la Covid-19 ? «  Ces effets graves très rares ne sont pas visibles lors des tests cliniques de phase 3. » En cause : des cohortes trop petites (20.000 personnes) pour observer un phénomène avec une si faible fréquence d’apparition; et un recul temporel insuffisant.

Eric Muraille conclut, « ces effets rares n’ont jamais remis en cause le rapport coût/bénéfice de la vaccination. Il y a toujours eu beaucoup plus de personnes sauvées par la vaccination que de personnes qui en ont souffert. »

A noter enfin que la professeure Muriel Mosser, biologiste et ancienne doyenne de la Faculté des sciences de l’ULB, fait le point sur la vaccination dans son livre « La vaccination. Fondements biologiques et enjeux sociétaux », qui vient de paraître aux éditions de l’Université de Bruxelles.

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