Une étude a évalué la qualité de l’air à l’intérieur des écoles à l’échelle de la Wallonie. Elle s’est réalisée dans le cadre du projet AIR-ECOLE, soutenu par le plan ENVIeS de la Région wallonne et piloté par l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP), en collaboration avec les Services d’Analyse des Milieux Intérieurs (SAMI) provinciaux, ainsi qu’avec l’ASBL Hypothèse. Résultats ? Plusieurs composés nocifs ont été détectés dans des concentrations trop élevées.
La problématique de la présence de polluants à l’intérieur des bâtiments scolaires est connue des scientifiques depuis de nombreuses années. Les sources d’émissions sont nombreuses : trafic aux abords des écoles, produits d’entretien, mobiliers, activités incluant l’utilisation de produits chimiques comme de la colle ou de la peinture, etc.
Ces polluants sont susceptibles de provoquer divers problèmes de santé. Certains sont plus néfastes que d’autres. « Le formaldéhyde et le benzène sont considérés comme les plus dangereux à long terme, étant classés comme « cancérogène certain » par l’Organisation Mondiale de la Santé », indique Sophie Crèvecœur de la cellule Environnement Santé de l’ISSeP, et co-auteure de l’étude. « Mais à court terme, tous les polluants mesurés sont nocifs lorsqu’ils dépassent une certaine concentration, et la majorité est irritante pour les voies respiratoires. »
Immersion olfactive dans 20 écoles wallonnes
Vingt écoles maternelles, primaires et secondaires (à raison de quatre par province) ont fait l’objet d’une analyse de la qualité de l’air intérieur. Concrètement, l’équipe a visité les établissements sélectionnés entre juin et octobre 2019, dans le but de déterminer les sources potentielles de pollution intérieure et extérieure. Une campagne d’échantillonnage a été réalisée en sept points, dont deux à l’extérieur, durant cinq jours.
Les scientifiques ont mesuré le taux de CO2, la température, l’humidité des locaux, et évalué la présence de divers polluants tels que le NO2, les aldéhydes (incluant le formaldéhyde) et divers composés organiques volatils (COVs). Leurs concentrations ont été comparées aux critères de qualité, de vigilance et d’intervention recommandés par le guide AD-AIR.
Des taux problématiques en formaldéhyde
Sous plusieurs aspects, les résultats de cette étude demeurent rassurants. Il ressort ainsi qu’aucune école sélectionnée ne dépasse le seuil de qualité du NO2. Le taux moyen d’humidité est normal dans 86% des établissements. Et les mesures des composés organiques volatils ont montré que leurs taux restent globalement inférieurs au critère de qualité recommandé.
Les scientifiques ont néanmoins noté que les concentrations moyennes en COVs totaux sont plus élevées dans l’air intérieur qu’extérieur. 75 % des locaux présentent des taux en benzène supérieurs au critère de qualité. Or, « le benzène étant lié au trafic, on le retrouve généralement à l’extérieur », soulève Sophie Crèvecœur. Ces données mettent en évidence que les classes ne sont pas suffisamment aérées. Mais aussi qu’il existe probablement des sources d’émission de benzène à l’intérieur même des bâtiments scolaires.
Les conclusions concernant le formaldéhyde sont, quant à elles, plutôt inquiétantes. Sa concentration dépassant le critère d’intervention dans 11% des locaux, et le critère d’intervention intermédiaire dans 82% d’entre eux. « Puisque les niveaux d’exposition actuels en milieu scolaire ne permettent pas d’atteindre le critère de vigilance, et encore moins le critère de qualité, recommandés en Région wallonne, un critère d’intervention “intermédiaire” a été proposé. Il représente la valeur à atteindre d’ici 5 ans », développe Sophie Crèvecœur.
Un objectif à atteindre d’urgence quand on sait que « l’exposition prolongée à de fortes concentrations de formaldéhyde, essentiellement dans les lieux de travail, peut causer des lésions au niveau de l’épithélium nasal, l’origine de cancers du nasopharynx », rappellent les responsables du projet AIR-ECOLE.
Aérez !
Il sera néanmoins difficile d’éliminer totalement sa présence. On retrouve, en effet, ce composé chimique dans les produits de nettoyage, dans les textiles et, surtout, dans les matériaux de construction et de décoration en bois agglomérés et contreplaqués.
« Et même si les émanations diminuent avec l’âge des matériaux, elles peuvent persister durant plusieurs années », indiquent les scientifiques du projet. D’après eux, la meilleure des solutions est encore d’aérer un maximum les espaces. «Sans une bonne aération, les polluants vont se fixer sur les poussières stagnantes dans l’air et, par gravité, retomber à la hauteur des enfants, ainsi que sur les sols où ils jouent », précise Léa Champon de la cellule Environnement-Santé, co-responsable de l’étude. « Renouveler l’air à l’intérieur des bâtiments est vraiment la clé ».
Une des missions de l’ASBL Hypothèse a d’ailleurs été de mieux sensibiliser les écoles à l’importance de la ventilation. Du côté de l’ISSeP, de nouvelles recherches sont d’ores et déjà sur la table pour approfondir ces résultats, et réfléchir à des solutions concrètes pour améliorer la qualité de l’air, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des écoles.