« La Terre en héritage, du Néolithique à nous », la nouvelle exposition temporaire du Prehistomuséum, propose d’observer les grands défis environnementaux contemporains à l’aune d’une période charnière de notre histoire, le néolithique. En effet, nos ancêtres, en inventant l’agriculture et l’élevage, ont profondément bouleversé la culture d’Homo Sapiens. Cela a permis la naissance de la domination sur la nature, de la productivité, des classes sociales. Autant de prémisses à l’avènement des changements climatiques.
La révolution néolithique
Il y a environ 12.000 ans, au Proche-Orient, avait lieu la première révolution agricole. Pour la première fois de l’Histoire, des groupes humains entreprenaient de domestiquer des plantes et des animaux sauvages. Après 300.000 ans passés à chasser et à cueillir les fruits sauvages, ces chasseurs-cueilleurs nomades se sont mués progressivement, passant par des stades intermédiaires successifs pendant près de 4.000 ans, en agriculteurs et éleveurs. Ils construisirent des habitats pérennes et devinrent sédentaires.
Des données archéologiques collectées de par le monde révèlent que cette révolution néolithique, si elle a pris partout les mêmes atours de la domestication, elle a débuté à des époques différentes. Ainsi, les préhistoriens estiment qu’elle a commencé il y a 10.500 ans en Asie, 10.000 ans en Amérique, 9.000 ans en Europe et en Océanie et 7.000 ans en Afrique. Dans ces contrées, notamment en Europe, le changement de comportement s’est réalisé bien plus rapidement qu’au Proche-Orient. Et ce, grâce à l’arrivée de populations déjà « néolithisées ».
« Seules des zones très reculées ont échappé à ces transformations. Faut-il en déduire que ce processus était inéluctable ? »
Bascule culturelle
« Le fait d’être désormais capable de produire leur nourriture modifie profondément le mode de vie de nos ancêtres. Cette révolution néolithique est une bascule culturelle sans précédent. La représentation du monde et de l’humain par rapport au reste du vivant en est transformée à tout jamais », peut-on lire sur l’un des panneaux de l’exposition.
Les sociétés néolithiques modifient radicalement leur environnement en créant des techniques agricoles permettant d’obtenir des surplus de production. Ils déforestent à tour de bras à l’aide de haches polies pour créer des clairières et des champs à cultiver. Ils inventent l’irrigation. La démographie croît en même temps que se développe la vision du travail des artisans et agriculteurs, et la représentation du pouvoir.
Le passage vers une économie de production implique une nouvelle vision du monde. « L’humanité, qui se percevait jusqu’alors comme une espèce parmi les autres, se place désormais dans un rapport de supériorité à la nature », dont nous constatons une accentuation ces cent cinquante dernières années.
« Cette perception engendre un monde rituel et symbolique complexe. Il est désormais possible d’envisager un univers surnaturel qui serait au-delà de l’humain, mais à son image. » C’est ainsi que l’animisme est supplanté par des religions avec des dieux à l’image des hommes.
De la réflexion à l’action
Après avoir présenté un état des lieux des limites planétaires actuelles et mis en exergue quelques-uns des impacts de la révolution néolithique, l’exposition se poursuit avec la révolution industrielle. A partir de là, on assiste à une explosion du « phénomène néolithique » et avec lui une succession d’événements délétères bien connus aujourd’hui qui nous ont amenés dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène. Ensuite, pour redonner de l’espoir aux visiteurs, vient l’évocation des solutions à apporter aujourd’hui pour changer la donne du futur. Enfin, l’agora du Bonheur invite à réfléchir sur soi-même, et aux changements que nous sommes individuellement prêts à adopter pour réduire notre empreinte écologique.
« Nous espérons que, par cette exposition, nombreux trouverons de l’énergie pour rebondir. Le Patrimoine et les sciences doivent absolument contribuer aux débats de sociétés et à la réduction des fractures culturelles et sociales », explique Fernand Collin, préhistorien et directeur du Préhistomuseum.
Faciliter la communication par le dessin
Tout au long de l’exposition, chaque panneau descriptif est accompagné d’un autre appelé « sketchnote ». Alliant croquis et écrit, il est une synthèse transformant mots et idées en images.
« Cela facilite la compréhension pour les grands comme pour les petits. Avoir travaillé précédemment avec plusieurs enfants, nous a permis de réaliser que même sans lire le panneau descriptif, juste sur base des dessins, ils comprennent la majorité des idées développées», explique Catherine Leroy, archéologue, enseignante et facilitatrice graphique.
L’archéologue et sa collègue Rosetta Castellano, également enseignante et facilitatrice visuelle, font partie de l‘association “La caravane créative”, et ont été en charge de la « traduction » des panneaux descriptifs en sketchnotes.
La police de caractères n’a pas été choisie par hasard. Elle est spécifiquement adaptée aux personnes souffrant de troubles « dys », notamment la dyslexie. « Cela permet à un plus grand nombre de gens d’acquérir de nouvelles connaissances grâce à l’exposition. »
L’exposition « La Terre en héritage, du Néolithique à nous » est ouverte au Prehistomuséum jusqu’au 23 août 2023.