L’astéroïde Hygiea serait une planète naine. Pour la toute première fois, et grâce à des clichés dotés d’une résolution exceptionnelle, les astronomes ont pu étudier sa surface, déterminer sa forme sphérique ainsi que sa taille. Elle détrône probablement Cérès de son rang de planète naine la plus petite du Système Solaire. Des astronomes de l’Unité de recherche STAR de l’ULiège, ont participé à cette étude en utilisant, notamment, les télescopes TRAPPIST.
Des conditions strictes à respecter
Selon l’Union Astronomique Internationale, pour être officiellement considéré comme planète naine, un corps du système solaire doit remplir différentes conditions. Il doit être en orbite autour du soleil. Donc pas autour d’une planète, dans quel cas, il s’agirait d’une lune. Il ne doit pas avoir “nettoyé” le voisinage de son orbite comme l’ont fait les planètes principales. Enfin, sa masse doit être suffisante pour atteindre l’équilibre hydrostatique, c’est-à-dire avoir une forme plus ou moins sphérique.
Jusqu’à présent, Hygiea avait été peu étudiée et mal comprise. Elle était considérée comme un énorme corps rocheux grossièrement allongé d’environ 500 km sur 350 km ayant un cratère d’impact géant. Mais, des observations effectuées au moyen de l’instrument SPHERE qui équipe le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO invitent les astronomes à classer l’astéroïde Hygiea parmi les planètes naines.
Confirmation de la forme sphérique par les télescopes TRAPPIST
“Grâce aux capacités uniques de l’instrument SPHERE du VLT, l’un des systèmes d’imagerie les plus puissants au monde utilisant la technique de l’optique adaptative, nous avons pu résoudre la forme d’Hygiea. A la surprise de tous, elle s’avère presque sphérique”, explique l’astronome Pierre Vernazza du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille et principal auteur de cette étude.
“Nous savions déjà que sa surface avait une composition et une densité semblables à celles de la planète naine Cérès, mais les nouvelles observations montrent que Hygiea est aussi presque sphérique, poursuit Emmanuel Jehin, maître de recherches FNRS à l’ULiège. Nous avons utilisé les deux télescopes TRAPPIST durant plus d’une centaine d’heures afin de mesurer précisément sa période de rotation, un paramètre important pour reconstruire le modèle 3D. Nous avons trouvé que la période répertoriée était erronée depuis des années. Cela a permis de confirmer le modèle de forme sphérique construit par les images à haute résolution du VLT.”
Selon les nouvelles mesures, Hygiea a un diamètre d’un peu plus de 430 km. Ses dimensions la situent en quatrième position des objets les plus gros de la ceinture d’astéroïdes, derrière la planète naine Cérès (945 km de diamètre) et les astéroïdes Vesta (525 km) et Pallas (512 km). Hygiea orbite à une distance moyenne de 470 millions de km du Soleil, soit trois fois plus loin que la Terre. Quant à sa période de rotation, elle a été revue fortement à la baisse et est de 13,8 heures.
Le mystère de l’absence de cratère de grande taille
Une autre surprise réside dans l’absence d’un grand cratère d’impact à la surface d’Hygiea. “Elle est l’objet le plus volumineux d’une famille d’environ 7.000 astéroïdes qui partagent des orbites et des compositions très similaires. Un impact important aurait dû être à l’origine de ces milliers d’astéroïdes en lien Hygiea. Or, seulement deux petits cratères ont été détectés à sa surface », précise Marin Ferrais, doctorant à l’ULiège.
Pour résoudre cette énigme, l’équipe a effectué de nombreuses simulations. Le scénario le plus probable fait intervenir une énorme collision qui s’est produite, il y a environ 2 milliards d’années, avec un astéroïde au diamètre compris entre 75 et 150 km se déplaçant à grande vitesse. Cette collision aurait pulvérisé le corps parent. Des débris ont été éjectés au loin formant de plus petits astéroïdes, mais la masse principale de morceaux fondus et chauds s’est effondrée. En se refroidissant et en se durcissant, ils ont reformé une sphère presque parfaite.
“Si Hygiea est officiellement classée en tant que planète naine, elle élargira la gamme de tailles auxquelles ces objets peuvent être trouvés, ce qui signifie qu’il pourrait y avoir beaucoup plus de planètes naines que nous le pensions dans le système solaire”, conclut Dr Emmanuel Jehin.