Près d’un tiers de la richesse mondiale en arbres est constitué d’espèces rares

5 juillet 2022
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 5 minutes

Série “Vert, j’espère” (1/3)

On imagine aisément que des souches bactériennes, des insectes miniatures ou des poissons de grands fonds marins passent sous le radar des taxonomistes. Mais les arbres ! Ils comptent parmi les organismes les plus grands et les plus répandus sur la planète. Ils fournissent une multitude de services écosystémiques bien utiles aux humains et soutiennent une grande partie de la biodiversité terrestre. Et pourtant, le nombre d’espèces contemporaines d’arbres s’érigeant sur la Terre n’était, jusqu’alors, qu’une estimation peu rigoureuse.

Alors que le réchauffement climatique va profondément modifier les habitats, alors que la sixième extinction de masse est en cours, des scientifiques émanant de 164 instituts de recherches – dont Gembloux Agro-Biotech, IRSNB et UCLouvain via le projet Belspo COBINFO -, ont compilé leurs travaux pour dresser l’inventaire arboricole mondial le plus complet jamais réalisé.

L’Amérique du Sud, de loin la plus riche

Résultat ? La diversité mondiale en arbres est estimée à près de 73.300 espèces, soit environ 14 % plus élevée que les précédentes études.

A l’échelle continentale, environ 43 % de toutes les espèces d’arbres de la Terre se trouvent en Amérique du Sud, suivies par l’Eurasie (22 %), l’Afrique (16 %), l’Amérique du Nord (15 %) et Océanie (11%).

« Environ 50 à 66 % de toutes les espèces arboricoles mondiales recensées se trouvent dans les forêts humides tropicales et subtropicales »

La richesse de la rareté

Par ailleurs, les régions tropicales abritent un très grand nombre d’espèces rares, dont beaucoup sont endémiques. « Selon nos estimations, l’Amérique du Sud en compte près de 8.200, suivie de l’Eurasie (6.100) et de l’Afrique (3.900). »

« Ces résultats mettent en évidence la vulnérabilité de la biodiversité forestière mondiale aux changements anthropiques, en particulier l’utilisation des terres et le climat, car la survie des taxons rares est menacée de manière disproportionnée par ces pressions. »

« Globalement, près d’un tiers de la richesse mondiale en arbres est constituée d’espèces rares, avec de très faibles populations et une distribution spatiale limitée, qui n’apparaissent qu’une ou deux fois dans nos échantillons. Ainsi, si le système forestier mondial est dominé par un nombre relativement modeste d’espèces d’arbres abondantes, le nombre global d’espèces d’arbres dépend fortement de celles rarement détectées (∼35%). » Et par les espèces non encore détectées.

9200 espèces à découvrir

En effet, parmi ces 73.000 espèces d’arbres, si quelque 64.100 ont été décrites par des biologistes, l’étude estime qu’environ 9.200  restent à être mises au jour.

Et, à l’échelle de la planète, celles-ci sont probablement davantage présentes en Amérique du Sud, dans les zones où se concentrent le plus grand nombre d’espèces déjà découvertes.

« Nos estimations révèlent que l’Amérique du Sud devrait compter 31.100 espèces d’arbres. Comme 27.200 sont déjà connues des scientifiques, 3 900 y seraient encore à découvrir. La plupart d’entre elles pourraient être endémiques et situées dans des points chauds de diversité du bassin amazonien et de l’interface Andes-Amazonie. »

« Cela fait de la conservation des forêts une priorité absolue en Amérique du Sud, en particulier compte tenu de la crise actuelle des forêts tropicales due aux impacts anthropiques tels que la déforestation, les incendies et le changement climatique. »

A noter qu’un nombre considérable d’espèces d’arbres n’ont probablement pas encore été recensées sur chacun des quatre autres continents, essentiellement dans les régions tropicales, souvent moins étudiées et sous-échantillonnées. Mais également dans d’autres biomes, y compris les forêts tempérées.

Une précieuse aide à la gestion

Mais à quoi cela sert-il d’estimer le nombre d’espèces d’arbres sur la planète? « C’est essentiel pour informer, optimiser et hiérarchiser les efforts de conservation des forêts à travers le monde », notent les scientifiques.

« Connaître l’étendue de la diversité sera utile de plusieurs manières. Tout d’abord, cela peut nous aider à déduire les mécanismes évolutifs qui ont généré la diversité. Et nous donner des clés pour prédire le comportement de ces mêmes mécanismes à l’avenir. Ensuite, cela nous aidera à évaluer la résilience des écosystèmes au changement global. »

« De plus, si les espèces non détectées sont pour la plupart rares et que les espèces rares sont plus vulnérables au risque d’extinction, il est essentiel de mieux les comprendre pour gérer au mieux la préservation de cette biodiversité. »

« Enfin, avec une compréhension spécifique globale, il est possible de quantifier les impacts des efforts de conservation régionaux tout en améliorant la capacité à prévoir les extinctions, à gérer les points chauds de diversité ou à collecter du matériel génétique », concluent les chercheurs.

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