La Belgique se dote d’un Centre d’excellence sur le climat

5 septembre 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 7 min

« Aujourd’hui, la recherche sur le climat est déjà menée au sein des établissements scientifiques fédéraux. Mais elle est rarement prioritaire, et elle manque de coordination. » Moins d’un an après ce constat posé par le gouvernement belge, le pays se prépare à inaugurer dans quelques semaines un nouveau Centre d’excellence sur le climat.

« La création de ce Centre Climat au sein des établissements scientifiques fédéraux répondra à ce besoin de coordination, mais pas uniquement », explique Arnaud Vajda, Président du Comité de direction de la Politique scientifique fédérale (Belspo).

« Il poursuit en réalité trois grands objectifs. Tout d’abord celui de rassembler au sein d’une même coupole l’ensemble des efforts de recherche menés dans le pays en lien avec le climat. Aujourd’hui, le gouvernement belge ne dispose pas d’un point de contact central qui puisse l’éclairer en la matière. Quand il a besoin d’un avis, il consulte divers experts. Avec ce nouveau Centre, il bénéficiera des données scientifiques intégrées sur lesquelles asseoir ses décisions politiques. »

Un Centre appelé à prendre sa place en Europe

« Bien sûr, plusieurs administrations sont chargées de ces compétences, mais elles ne sont pas nécessairement aptes à développer les recherches scientifiques qui s’y rapportent. Ce sont plutôt des services qui produisent de la norme », précise Arnaud Vajda. « Ce qui manque, c’est donc quelque chose de plus global, de plus holistique, qui ne se limite pas à certains aspects du réchauffement climatique. Ce que nous souhaitons, c’est pouvoir mettre autour d’une même table les différentes ressources qui travaillent sur ces thématiques afin de dégager une vision scientifique commune ».

La mise en commun des lignes de recherche sous une même houlette devrait aussi permettre à la structure belge d’atteindre une masse critique. Avec la prétention de devenir ensuite un centre de recherche climatique de référence en Europe.

Casser les silos et miser sur l’interdisciplinarité

Le deuxième objectif de ce nouveau Centre sera de créer des coopérations structurelles entre les universités, les établissements scientifiques et les centres de recherches. Ce travail interdisciplinaire, incluant les sciences sociales, s’impose pour relever les défis climatiques, lesquels sont globaux et complexes. La complémentarité et la coordination des activités permettront un niveau de recherche plus élevé pour l’ensemble des institutions.

« Si on prend l’image de cercles concentriques, le premier cercle concernera d’abord les établissements scientifiques de l’Etat fédéral », reprend Arnaud Vajda, « tandis que le second englobera les universités. En misant sur l’interdisciplinarité et en cassant les silos existants, nous aurons une approche plus intégrée de la problématique climatique tout en évitant de dupliquer certaines recherches. Enfin, le troisième cercle consacrera les collaborations internationales. »

Quant au troisième grand objectif du nouveau Centre Climat, il portera, à terme, sur la fourniture de services climatiques aux pouvoirs publics, mais aussi au secteur privé en Belgique. « En effet, pour le moment, il n’existe pas de guichet unique où les entreprises belges peuvent s’adresser pour des problématiques climatiques », précise le Président du Comité de direction de Belspo. « Le nouveau Centre comblera cette lacune ».

L’ancienne maison du directeur de l’IRM comme gîte

Concrètement, c’est sur le site du plateau d’Uccle que le nouveau Centre d’excellence sur le climat prendra ses quartiers. Le site héberge déjà l’Observatoire royal de Belgique, l’Institut royal d’aéronomie de Belgique ainsi que l’Institut royal météorologique.

Juste à côté de l’entrée principale, une maison, historiquement réservée au logement de fonction du directeur de l’IRM, est en voie de rénovation. C’est elle qui abritera les premiers membres du Centre Climat. Un centre qui ne travaillera pas qu’avec les scientifiques d’Uccle. D’autres chercheurs issus des établissements scientifiques fédéraux comme ceux de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, le Musée royal d’Afrique centrale ou encore de Sciensano devraient d’emblée prêter leur concours au nouveau centre.

Un budget d’amorçage de deux millions par an, pendant trois ans

Le budget prévu par le gouvernement belge pour ce nouveau centre s’élève à deux millions d’euros par an pendant trois ans. N’est-ce pas modeste comme investissement au vu des ambitions affichées?

« Ce que nous construisons ici, c’est un peu comme une start-up », reprend Arnaud Vajda, Président de Belspo. « Je sais que reprendre le vocabulaire du secteur privé pour un service public n’est pas vraiment quelque chose de courant. Nous posons les premières pierres d’une structure qui est appelée à grandir dans les années qui viennent, notamment en offrant certains services : cette évolution sera plus chère à mettre en place. Pour y arriver, il faudra d’abord démontrer que le Centre Climat fonctionne, qu’il joue son rôle d’appui aux décisions politiques.»

Nouvelles capacités digitales

Les procédures de recrutement des deux directeurs administratif et scientifique du Centre Climat sont en cours. Les noms devraient être connus dans les semaines qui viennent. La rénovation de l’immeuble qui abritera le siège du Centre Climat est aux mains de la Régie des bâtiments. Et, alors que la nomination des directeurs du Centre climat et son inauguration officielle (prévue en novembre prochain) n’est pas encore réalisée, la Politique scientifique fédérale investit déjà dans ses capacités de calculs.

« Nous sommes actuellement dans un processus de remplacement de certains serveurs du plateau d’Uccle » indique Daniel Gellens, directeur général a.i. de l’IRM. « Dans les marchés publics qui y sont liés, nous avons tenu compte des besoins du futur Centre Climat, afin qu’il puisse très vite offrir des premiers services », précise Arnaud Vajda.

Daniel Gellens reprend: « nos serveurs vieillissants demandaient à être remplacés.  Pas tellement pour une question de capacité de calculs, mais bien pour leurs possibilités de stockage massif. Pour le Centre Climat, il faut être capable de faire tourner diverses simulations, mais pour cela, il faut aussi pouvoir compter sur des données accessibles. Un quart de la capacité de cette nouvelle infrastructure de stockage, soit 1 à 1,5 pétabytes (un pétabyte = 1.000.000.000.000.000 bytes, NDLR) de données, sera réservé au Centre Climat. Cela doit notamment lui permettre de mener à bien une de ses grandes missions: disposer des données utiles pour établir des scénarios climatiques pour la Belgique, ainsi que leur mise à jour. Et ce, avec une haute résolution. »

« Pour le calcul en lui-même, ce seront, sans doute, les gros calculateurs académiques belges qui seront mis à contribution », précise encore le Directeur général a.i. de l’IRM.

Un cloud météo européen en discussion à Bruxelles

La gestion des données, leur stockage et leur utilisation sont également au cœur des préoccupations d’EUMETSAT. « Cette agence spécialisée développe un cloud dédié à l’exploitation des données météorologiques », explique encore Daniel Gellens.

« Avec la nouvelle génération de satellites météorologiques qui se profile, comme les Météosat de troisième génération (MTG), les nouveaux capteurs et la multiplication des canaux dans lesquels ils observent la planète, on va arriver à un moment où on ne pourra plus distribuer toutes les données à tous les utilisateurs, tellement le volume d’informations sera important. »

«  L’idée de ce cloud est que les utilisateurs se connectent aux serveurs d’EUMETSAT et de l’ECMWF (Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme) pour faire des calculs. Une nouvelle façon de travailler est en train de se mettre en place. Ceci, en parfaite synergie entre ces deux agences intergouvernementales et le programme européen Copernicus d’observation de la Terre ».

La solution passe par le développement d’un cloud qui a été baptisé EWC (European Weather Cloud). Ces évolutions seront largement discutées lors de la conférence annuelle des utilisateurs d’EUMETSAT qui se déroulera cette année à Bruxelles, à partir du 19 septembre.

Dans le cadre de ce cloud, il sera aussi question de recherche scientifique, de résolution de problèmes opérationnels ou encore d’utilisation de l’intelligence artificielle et la gestion du « big data ». Avec comme objectif de développer de nouvelles méthodes toujours plus performantes d’exploitation des données météorologiques.

 

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