Comment transmettre le plaisir d’apprendre les sciences

5 novembre 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Le département InforSciences de l’Université Libre de Bruxelles souffle ses vingt bougies. Un anniversaire qui a pris la forme d’un colloque centré sur la transmission du plaisir d’apprendre les sciences. Et de la difficulté de faire partager ce plaisir.

« Dans le contexte scolaire, les sciences peuvent être ressenties comme menaçantes », indique le professeur Olivier Klein, directeur du Centre de recherche en psychologie sociale et interculturelle de l’ULB. Il évoque une expérience réalisée en France. Elle concerne des élèves devant accomplir une tâche graphique. « Dans le premier groupe, cette tâche a été présentée comme étant une tâche de géométrie. Dans l’autre groupe, l’exercice était présenté comme une tâche de dessin », détaille-t-il. Le résultat ? « On a observé lors de cette expérience des différences de performance, notamment chez les filles. L’exercice de dessin étant perçu comme nettement moins menaçant que la tâche de géométrie. »

L’avis de 450 élèves

Pas question, pour autant, de généraliser au départ de cette unique expérience. Pour mieux tenter de comprendre la perception des sciences par les élèves d’écoles secondaires, Mériam Hammou, chargée de mission à InforSciences, a mené l’enquête dans cinq établissements bruxellois. Au total, quelque 450 élèves âgés de 13 à 21 ans ont été interrogés.

Quatre types de questions principales étaient posées. Elles concernaient :

-L’utilité perçue des sciences (l’idée que se font les élèves des sciences)
-La perception de l’efficacité personnelle par rapport aux sciences
-L’influence de l’entourage par rapport aux sciences
-La participation à des activités scientifiques (stages, musées, etc.)

En tenant compte de l’indice socio-économique et culturel de ces élèves, répartis en trois catégories (faible, moyen et élevé), la psychologue sociale en retire quelques constats.

« Aux yeux de ce public, l’utilité des sciences ne fait pas de doute. Par contre, la perception de l’efficacité personnelle en sciences est nettement moins citée. Quant à l’influence de l’entourage et les activités scientifiques, elles arrivent en queue de peloton », dit-elle en substance.

Le peu d’impact des activités scientifique soulève à lui seul quelques commentaires. Le problème semble être récurrent. Les jeunes qui participent à ce type d’activités relèvent généralement d’un public déjà conquis. Ou d’une école dont les enseignants connaissent et apprécient l’existence de ces activités et y participent année après année dans le cadre d’une sortie scolaire. Par exemple, une visite à l’Expérimentarium de chimie de l’ULB. « Ce sont souvent les mêmes enseignants qui reviennent avec leurs classes », confirme Claudine Buess. « Toute la question étant de savoir comment attirer celles et ceux qui ne fréquentent pas ce genre d’activités ».

15.000 visiteurs au Festival « I Love Science »

Notons cependant que le dernier festival « I Love Science », co-organisé mi-octobre à Bruxelles par Innoviris, l’Agence régionale de financement de la recherche, et auquel participaient activement plusieurs équipes de l’ULB, a attiré durant trois jours pas moins de 15.000 personnes, selon un premier bilan dressé par VisitBrussels, co-organisateur de ce festival. Un festival qui était accessible gratuitement. « Nous avons observé la participation d’un bon nombre d’écoles  lors de la journée du vendredi et celle de nombreuses familles le dimanche », commente Mme Evy Ceuleers, en charge de ce festival chez Innoviris.

Quant à l’impact de l’entourage sur l’attrait pour les sciences, celui-ci peut aussi être négatif. « La pression des proches pour diriger les jeunes vers des études de médecine ou de droit plutôt que la géologie, afin d’assurer leur niveau social, n’est pas à minimiser ».

Youtubeurs et films documentaires

Autre constat de cette enquête POST (Perception Of Science and Technology) : l’intérêt des jeunes pour les sciences se forge clairement via leurs enseignants, mais aussi au départ de contenus découverts sur Internet ou les chaînes de ‘youtubeurs’. Les films documentaires sont également attrayants.

« Les contenus développés par des ‘youtubeurs’ comme portes d’entrée ‘plaisir’ dans les sciences ne sont pas à négliger par les professeurs », estime Gérard Cobbut, organisateur des olympiades de biologie, de chimie et de physique (des concours ouverts aux élèves du secondaire).

Enfin, ce qui concerne les acteurs de la diffusion scientifique plébiscités par les jeunes, on retrouve avant tout les experts, c’est-à-dire les scientifiques qui partagent leurs informations avec le public. Les jeunes font aussi confiance aux informations provenant d’associations comme celles de défense de la nature, par exemple. Par contre, ils se méfient des informations distillées par les journalistes, les gouvernements et les industriels, révèle l’enquête POST.

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